De Gaza
La
solidarité internationale avec la
Palestine
Soutenir la cause palestinienne : oui
Donner des leçons aux Palestiniens : non
!
Ziad Medoukh
Lundi 20 janvier 2014
En commençant
j’aimerais préciser que nous
Palestiniens, apprécions beaucoup la
solidarité internationale avec notre
cause juste et noble et que nous
comptons beaucoup sur les mouvements de
solidarité qui se développent
partout dans le monde afin de soutenir
les Palestiniens dans leur lutte pour la
liberté et pour la paix.
Nous sommes
convaincus que l’évolution de l’opinion
publique internationale dans son soutien
à la Palestine, est liée, outre les
sacrifices des Palestiniens, aux
différentes actions de ces solidaires de
bonne volonté et de leurs structures et
associations dans presque tous les pays.
Comme Palestinien
francophone, je vais parler dans cet
article des mouvements de solidarité
dans le monde francophone, notamment en
France. Je ne veux ni critiquer ni
accuser ou décourager qui que ce soit,
au contraire, mais je veux donner un
point de vue objectif sur quelques
propos et réactions de ces mouvements
qui se définissent comme
pro-palestiniens, mais qui
sont souvent en train de donner des
leçons aux Palestiniens sur leur façon
de résister à l’occupation israélienne
et sur le choix de leurs dirigeants et
partis politiques. Ils sont heureusement
minoritaires.
Ces mouvements ne
se rendent pas compte, même si leur
soutien à la cause palestinienne est
sans relâche, que leurs propos blessent
et choquent les Palestiniens qui
souffrent de toutes les mesures de
l’occupation israélienne, et que ces
Palestiniens dans leur résistance au
quotidien contre ces mesures, ont
besoin d’une vraie solidarité
internationale. Ces mouvements accusent
les autres associations de solidarité et
jugent souvent les Palestiniens dans
leurs choix et leurs façons de
résister à l’occupant. Dans ce cas, le
combat se retourne contre les
Palestiniens et les autres mouvements,
au lieu de rester dirigé contre les
crimes de leurs oppresseurs israéliens.
Personnellement,
invité par les associations de
solidarité et au travers des différentes
conférences que j'ai données en France
sur la Palestine, j’ai constaté
cette réalité.
Depuis dix ans, je
fréquente les associations de
solidarité avec la Palestine dans ce
pays, et j’ai décidé de travailler avec
presque toutes ces associations, malgré
leur division et leurs stratégies
différentes, car, pour ma part, je
n’interviens pas dans leurs affaires
internes. Et quand ils me demandent
comment aider les Palestiniens, et
ce qu’on peut faire pour qu'en France
les choses liées à notre cause
avancent, ma réponse est claire : à vous
de voir, à vous de décider, je ne suis
pas venu pour donner des leçons, mais
pour informer de la situation actuelle
en Palestine et dans la bande de Gaza en
particulier, avec le blocus et les
différentes agressions israéliennes
contre cette prison à ciel ouvert.
Ces mouvements
font un travail remarquable pour la
Palestine et je l’ai constaté moi même :
manifestations, soutien, conférences,
informations, mobilisation, actions de
boycott, visite de solidarité, efforts,
projets.
En France, j’ai
rencontré des personnes solidaires
magnifiques qui gardent la Palestine
dans leur cœur. La Palestine c’est leur
vie, leur quotidien, et, je ne vous le
cache pas, ils font plus que certains
Palestiniens pour notre cause. Ils
donnent de leur temps, de leur argent.
En France,
j’ai rencontré un grand soutien
populaire, des personnes de bonne
volonté, de vrais solidaires, de
vieilles personnes qui parcourent des
centaines de kilomètres pour assister à
mes conférences, qui m’attendent à
l’aéroport vers 5h du matin, qui
m’hébergent, qui soutiennent mon
département de français et les jeunes de
Gaza.
Chaque fois, les
militants m’accordent un accueil
chaleureux, c’est ça la France pour
moi : les amis, les solidaires, les gens
de bonne volonté, les associations de
solidarité. Pour moi, la France, ce
n’est pas quelques politiques qui
soutiennent trop souvent un Etat qui
viole le droit international, tous les
jours, en Palestine.
On constate que ces
mouvements de solidarité sont divisés,
et je pense que cela est normal. Même
en Palestine, il y a division
entre les différents partis politiques.
Cependant, ce qui
me blesse, ainsi que beaucoup de
Palestiniens, c'est que quelques
mouvements essayent dans leurs
analyses, leurs réactions et leurs
propos, de se mettre à la place des
Palestiniens, notamment dans trois cas
précis :
Le choix des
Palestiniens de leur futur Etat après
l’indépendance, un Etat ou deux Etats.
Ces mouvements
demandent instamment aux
Palestiniens d’opter pour la solution
d’un Etat, même si cette solution est
utopique. A mon avis, les Palestiniens
sont conscients, et connaissent bien
leur réalité sous-occupation, et ce sont
eux qui décident s’ils veulent faire la
paix avec les Israéliens, ou non, s'ils
veulent vivre seuls dans leur propre
Etat, ou vivre dans un seul Etat. C’est
à eux que revient le choix et à personne
d’autre.
Le choix de forme de
résistance en Palestine, armée,
non-violente, populaire
Je pense que ce
sont la conjoncture et la réalité
sur le terrain qui imposent le choix de
forme de résistance. Ces mouvements
demandent, sinon exigent, aux
Palestiniens de prendre les armes pour
lutter contre les soldats israéliens.
Sachez que pour nous, toute forme de
résistance est légitime et que la vraie
résistance est la résistance au
quotidien de toute une population
civile : pêcheurs, femmes, familles,
jeunes, travailleurs, étudiants,
paysans, une population qui a décidé de
rester digne sur sa terre et de
continuer à s’attacher à sa patrie. Nous
sommes pour la vie et non pour la mort !
Le choix de leurs
partis, le Hamas, l’Autorité, le Fatah,
la gauche :
Il y a quelques
mouvements qui ne veulent pas travailler
avec Gaza et ses différentes structures,
car elle est contrôlée par le Hamas .Je
leur dis, on est d’accord ou non avec le
Hamas, mais ce parti a été
élu démocratiquement. Après, c’est aux
Gazaouis -et à eux seuls- d’accepter ou
non le pouvoir de ce parti. D’autres
accusent l’Autorité palestinienne à
Ramallah d’être traître et complice avec
les Israéliens. Mais l’Autorité existe,
elle est élue, elle rend service aux
milliers de Palestiniens de Cisjordanie
et de Gaza, et ce sont aux Palestiniens
de Cisjordanie-et à eux seuls- de
décider de maintenir cette Autorité ou
non.
Et quand un
Palestinien critique n’importe quel
parti politique, soit à Gaza soit en
Cisjordanie, ces mouvements l’accusent
et l’attaquent .Je vous rappelle que le
Hamas, le Fatah, ou autres, sont des
partis politiques palestiniens, et que
n’importe quel Palestinien a le
droit de les critiquer.
N’oubliez pas que
votre soutien avant tout est un soutien
à la population et à la société civile,
aux associations, aux mouvements, c’est
cette population qui résiste, contre le
mur, la colonisation en Cisjordanie, et
contre le blocus et les agressions
israéliennes dans la bande de Gaza.
C'est pourquoi nous
ne demandons jamais, nous, aux Français
solidaires, s'ils sont de gauche
ou de droite. Ces militants,
quelques fois oublient que le vrai
combat c'est le combat contre
l’occupation. Et on les voit, soit
attaquer les autres mouvements de
solidarité, soit accuser les
Palestiniens de leurs choix qui sont
pourtant souverains. Nous subissons déjà
le colonialisme israélien pour accepter
des volontés extérieures d’interférer
dans nos choix. Parmi ces
militants, certains n’ont jamais mis les
pieds en Palestine, ils sont déconnectés
de la réalité vécue par les
Palestiniens, et malgré tout cela, ils
veulent que les Palestiniens agissent ou
choisissent selon leurs propres
critères. Comment accepter cela ?
Ces explications
pour vous dire à vous solidaires de
notre noble cause ces quelques
mots venus du cœur :
Soyons tous
vigilants
La lutte continue
en Palestine
Le combat, c’est
notre combat à nous tous
Palestiniens et
solidaires pour la justice en Palestine.
Vive la solidarité
internationale avec les Palestiniens.
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