Les mécanismes de la propagande
Syrie : que dit le
Conseil de sécurité ?
Thierry Meyssan
Lundi 28 mai 2012
C’est un
artifice classique de propagande de
présenter une opinion particulière comme
une vérité consensuelle, de sorte que
ceux qui la contestent ont l’impression
de se marginaliser. Appliquant ce
mécanisme à la Syrie, la presse
occidentale et du Golfe attribue
mensongèrement à l’ONU toutes sortes de
positions qui ne sont pas les siennes.
En réponse à des courriels de lecteurs,
Thierry Meyssan pointe quelques
manipulations de vocabulaire.
Les médias
occidentaux et du Golfe ont, depuis
longtemps, pris l’habitude d’employer
l’expression « communauté
internationale » pour désigner le
groupe d’États conduits par les
États-Unis, au mépris de tous les
autres. On lit ainsi que, à propos de la
Syrie : « La Russie et la Chine
s’opposent à la communauté
internationale » (sic).
Une étape suivante dans la
désinformation a été d’inclure un
refrain dans toutes les dépêches
d’agence : « La répression a fait
plus de 10 000 morts selon l’ONU ».
Or, jamais l’ONU, n’a avancé de tels
chiffres. Ceux-ci proviennent de
certains experts qu’elle emploie : ceux
du Haut Commissariat aux Droits de
l’homme et du Conseil des Droits de
l’homme pour être précis. Si l’ONU avait
validé leurs rapports, le Conseil de
sécurité aurait autorisé une
intervention internationale.
Seule l’Assemblée générale et
subsidiairement le Conseil de sécurité
sont habilités à parler au nom de l’ONU
:
Voici que maintenant les médias
occidentaux et du Golfe déforment la
position de la Russie en l’accusant de
se contredire. Selon eux, Moscou a mis
en cause l’opposition syrienne pour le
massacre de Houla alors qu’il a adopté
hier une déclaration du président du
Conseil de sécurité reconnaissant la
responsabilité de l’État syrien.
Ceci mérite une explication de texte.
Le fait de condamner le
massacre de Houla ne signifie pas que
l’on accuse le gouvernement syrien d’en
être coupable. En ce qui le concerne, le
gouvernement de Damas a été le premier à
condamner ces atrocités qu’il impute à
son opposition armée. Une manifestation
contre les crimes des groupes armés a
immédiatement été organisée dans la
capitale par des pro-Assad. Pour le
moment, tous les protagonistes ont
condamné le massacre, aucun ne l’a
revendiqué.
Le fait d’affirmer que le
gouvernement syrien est responsable
du massacre ne signifie pas qu’on
l’accuse d’être coupable. En vertu du
principe d’indépendance et de
souveraineté, un gouvernement est
responsable de tout ce qui se passe sur
son territoire. L’affirmation de cette
responsabilité est une reconnaissance de
ses prérogatives pour répondre à
l’événement. Le propos du Conseil de
sécurité signifie exactement l’inverse
de ce que feignent de croire les médias
: il affirme que le gouvernement syrien
a le devoir d’intervenir pour protéger
sa propre population, que l’usage de la
force est légitime.
Sommer le gouvernement syrien de
ne pas faire usage d’armes lourdes
dans les zones peuplées en vertu des
résolutions 2042 et 2043 ne signifie ni
qu’on le rend responsable des massacres
commis dans ces zones, ni qu’on lui
interdit de réprimer les crimes de
l’opposition armée, mais qu’on lui
demande d’user de la force de manière
proportionnée. Le Conseil de sécurité
appréhende les troubles à l’ordre public
en Syrie comme des problèmes de police
et non comme une guerre civile. Dès
lors, il attend des autorités syriennes
qu’elles rétablissent l’ordre sans faire
usage de l’artillerie —laquelle fait
inévitablement des victimes
collatérales—, même si les rebelles
disposent aussi d’armes lourdes.
Les déclarations du Conseil de
sécurité sont le fruit d’un consensus
entre grandes puissances. Le vocabulaire
utilisé doit être compris dans son sens
le plus strict. Toute autre
interprétation est abusive. Le Conseil
n’a pas validé les imputations de la
Haut-commissaire des Droits de l’homme
accusant le gouvernement d’avoir tué
plus de 10 000 manifestants pacifiques
en un an. Le Conseil n’a pas attribué la
culpabilité du massacre de Houla au
gouvernement syrien. La Russie n’a pas
varié dans ses positions.
Thierry
Meyssan, Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Il publie des
analyses de politique étrangère dans la
presse arabe, latino-américaine et
russe. Dernier ouvrage en français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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