Journée de lutte contre les violences
faites aux femmes
Bienvenue dans la
« zone libérée » d'Alep Thierry
Meyssan
Mardi 27 novembre
2012
Grâce au
soutien logistique de la France, les
nouvelles autorités de la « zone libérée
» d’Alep sont en train d’installer une
dictature religieuse inspirée du modèle
saoudien. La réalité est bien éloignée
des discours lénifiants des présidents
Sarkozy et Hollande sur la défense de la
liberté et la promotion de la
démocratie.
Le gouvernement français assure être en
contact permanent avec les représentants
des « zones libérées » en Syrie
et leur fournir une aide logistique. Il
déclare également œuvrer à ce que la
révolution ne soit pas détournée par des
islamistes.
Cependant, la Coalition nationale,
qui avait été saluée comme représentant
à la fois l’opposition de l’extérieur et
celle de l’intérieur, a été récusée par
le Comité révolutionnaire d’Alep qui a
instauré un gouvernement islamique dans
la « zone libérée » [1].
Le gouvernement français n’a pas
clarifié sa position. Il n’a pas indiqué
avoir suspendu son aide logistique (à la
fois humanitaire et militaire « non
létale ») à la « zone libérée
» d’Alep, bien que celle-ci soit
clairement aux mains des islamistes et
qu’ils aient dénoncé la démocratie comme
« un complot de l’Occident ». On
se souvient que la France avait soutenu
l’Émirat islamique de Baba Amr et que
François Hollande a reçu en grande pompe
plusieurs de ses dirigeants en fuite, le
6 juillet 2012 à Paris.
Il est difficile de se faire une idée
précise de ce qui se passe à Alep, où
trois quartiers sont désormais sous
contrôle de groupes armés. Contrairement
à Baba Amr (Homs), dont la population
s’était enfuie lorsque un Émirat
islamique y avait été proclamé, une
partie des habitants serait restée sur
place et soutiendrait les nouvelles
autorités. Les hérétiques (sunnites
soufis, chiites, y compris les druzes,
alaouites et ismaélites) et les
infidèles (chrétiens) ont été expulsés
et leurs biens confisqués.
Les troupes gouvernementales n’osent
pas donner l’assaut de peur de provoquer
un bain de sang et de nouvelles
destructions. Petit à petit, une
nouvelle vie s’organise.
Quoi qu’il en soit, les autorités «
révolutionnaires » viennent de
créer un Comité pour ordonner le Bien
et prohiber les actes impies et, le
22 novembre, de publier leur premier
acte législatif, dont nous donnons ici
la traduction exhaustive :
« Au nom de Dieu clément et
miséricordieux,
Les troubles qui secouent notre
nation islamique ne doivent pas
surprendre. Elle fait face aux
dilemmes et aux épreuves qui
l’entourent. Chaque nuit est plus
sombre que la précédente. Les temps
sont critiques. Le moment est
difficile.
Nous voyons certains de nos frères
se dirigeant aveuglément dans les
ténèbres. On dirait qu’ils se
pressent vers leur malheur, tombant
aux genoux de l’Occident sans
réfléchir, courant vers le vide,
pensant que le mode de vie des
infidèles est le sommet de la
culture, leurs mœurs la base du
développement, et leurs idées la
source de lumière, sans la moindre
étude, ni quête.
La charia et les faits montrent que
ce point de vue est illégitime et
impur. Des Fatwas ont été délivrées
en ce sens par les plus grands
cheikhs de notre nation : leurs
saintetés Abd al-Aziz ibn Abd Allah
ibn Baaz [2],
Abdul-Azeez ibn Abdullaah Aal ash-Shaikh
[3],
Muhammad ibn al Uthaymeen [4],
Abdullah Ibn Jibreen, [5],
Saleh al Fawzan [6],
Bakr abu Zayd [7],
Abdullah bin Ghailan et bien
d’autres.
Par exemple, combien de femmes
vertueuses ont été déshonnorées ? Et
combien de jeunes filles libérées
[par l’islam] ont été offensées dans
leur dignité lors d’accidents de la
route ? L’un marchandant pour son
honneur, l’autre prenant avantage de
sa faiblesse, le troisième jouant
avec ses émotions… surtout lorsqu’il
sait que la pauvre fille est
embarrassée par la situation et ne
veut pas que son mari ou son tuteur
en soit informé.
C’est pourquoi le Conseil militaire
et le Conseil civil provisoire
d’Alep ont donné ces explications
aux habitants d’Alep et ont décidé
qu’il est interdit aux femmes de
conduire. Toute personne
contrevenant sera punie jusqu’à ce
qu’elle renonce, au besoin par
l’usage de la force. Le Comité
pour ordonner le Bien et prohiber
les actes impies est chargé de
l’application de la présente. »
On constate que la
décision est exclusivement motivée par
des références aux interprètes saoudiens
du Coran.
Bien que le 24 novembre soit en
France la journée de lutte contre les
violences faites aux femmes, la ministre
française des Droits des femmes, Najat
Vallaud-Belkacem, n’a pas commenté cette
grande avancée « révolutionnaire
».
Par ailleurs, le Comité pour
ordonner le Bien et prohiber les actes
impies a mis en place une police
chargée d’appeler les habitants d’Alep à
la prière et de punir ceux qui ne s’y
rendent pas.
Dans la vidéo ci-dessous, on voit un
de ces policiers rappelant aux habitants
leurs devoirs de bons musulmans.
[2]
Abd al-Aziz ibn Abd Allah ibn Baaz
(1910-1999), ancien grand mufti d’Arabie
saoudite. C’est lui qui édicta la fatwa
interdisant aux femmes de conduire en
Arabie saoudite. C’est également lui qui
autorisa le déploiement de troupes
infidèles dans la péninsule arabique
lors de
Tempête du désert.
Il est par ailleurs célèbre pour avoir
professé que le soleil tourne autour de
la terre et non l’inverse. Cependant, il
changea d’avis lorsque le prince Sultan
ben Salman acheta une place dans le vol
de la navette spatiale Discovery
(au passage, je ne résiste pas au
plaisir de vous rappeler que le prince
Sultan s’est plaint qu’il n’était pas
possible en vol de se positionner
durablement en direction de La Mecque).
[3]
Abdul-Azeez ibn Abdullaah Aal ash-Shaikh
est l’actuel grand mufti d’Arabie
saoudite. C’est lui qui ordonna la
destruction du Dôme vert (la sépulture
du prophète Mahommet) ainsi que de
toutes les anciennes églises d’Arabie,
au motif que ces monuments sont l’objet
de cultes idolâtriques.
[4]
Muhammad ibn al Uthaymeen (1925-2001)
fut l’un des principaux maîtres
salafistes d’Arabie saoudite.
[5]
Abdullah Ibn Jibreen (1933-2009), maître
saoudien. Il considérait les chiites
comme des hérétiques et appelait à leur
expulsion hors de la terre d’islam.
[6]
Saleh al Fawzan est l’ancien président
de la Cour suprême de Justice d’Arabie
saoudite.
[7]
Bakr abu Zayd est l’ancien Procureur
général d’Arabie saoudite. Il est mort
en 2008.
Article sous licence creative commons Vous pouvez
reproduire librement les articles du
Réseau Voltaire à condition de citer la
source et de ne pas les modifier ni les
utiliser à des fins commerciales
(licence
CC BY-NC-ND).
Les avis reproduits dans les textes
contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs.
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance
du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org