Opinion
Kofi Annan, peau
noire, masques blancs
Thierry Meyssan
© Sana
Mardi 27 mars 2012
Si le bilan de Kofi
Annan à l’ONU est une réussite
incontestée en matière de management, de
gestion et d’efficacité, il est
extrêmement critiqué au plan politique.
En tant que secrétaire général, il s’est
appliqué à adapter l’Organisation au
monde unipolaire et à la globalisation
de l’hégémonie US. Il a remis en
question les fondements idéologiques de
l’ONU et l’a privée de sa capacité à
prévenir les conflits. Pourtant, il est
aujourd’hui chargé de résoudre la crise
syrienne.
L'ancien secrétaire
général des Nations Unies et Prix Nobel
de la Paix, Kofi Annan, a été désigné
comme envoyé spécial conjoint de Ban Ki-moon
et de Nabil ElArabi pour négocier une
solution pacifique à la crise syrienne.
L’homme dispose d’une expérience hors du
commun et d’une image de marque très
positive, de sorte que cette nomination
a été saluée par tous.
Que représente donc ce haut
fonctionnaire international ? Qui l’a
propulsé aux plus hautes fonctions ;
quels furent ses choix politiques, et
quels sont ses engagements actuels ?
Devant toutes ces questions, la
discrétion est de mise, comme si le
titre qui fut le sien était un gage de
neutralité.
Sélectionné et éduqué
par la Fondation Ford et la CIA
Ses anciens collaborateurs louent sa
prévenance, son intelligence et sa
subtilité. Personnalité très
charismatique, il a laissé une forte
empreinte derrière lui car il ne se
comporta pas simplement comme le «
secrétaire » de l’ONU, mais plus
encore comme son « général »,
prenant des initiatives qui
revivifièrent une organisation enlisée
dans la bureaucratie. Tout cela est
connu et rabâché. Ses exceptionnelles
qualités professionnelles lui ont valu
le Prix Nobel de la Paix, bien que cet
honneur devrait récompenser en théorie
un engagement politique personnel et non
une carrière de manager.
Kofi et sa sœur jumelle Efua Atta
sont nés, le 8 avril 1938, dans une
famille aristocratique de la colonie
britannique de la Côte d’or. Son père
était le chef tribal des Fantis et le
gouverneur élu de la province d’Ashanti.
Bien qu’opposé à la domination
britannique, il fut un fidèle serviteur
de la Couronne. Avec d’autres notables,
il participa au premier mouvement de
décolonisation, mais considéra avec
suspicion et inquiétude l’agitation
révolutionnaire de Kwame Nkrumah.
Quoi qu’il en soit, les efforts de
Nkrumah aboutirent à l’indépendance du
pays sous le nom de Ghana, en 1957. Kofi
était alors âgé de 19 ans. Bien que
n’ayant pas participé à la révolution,
il devint vice-président de la nouvelle
association nationale des étudiants. Il
fut alors remarqué par un chasseur de
tête de la Fondation Ford qui l’intégra
dans un programme de « jeune leader
». À ce titre, il fut incité à suivre un
cours d’été à l’université d’Harvard.
Ayant éprouvé son enthousiasme pour les
États-Unis, la Fondation Ford lui offrit
des études complètes, d’abord en
économie au Macalester College dans le
Minnesota, puis en relations
internationales à l’Institut
universitaire des hautes études
internationales de Genève.
La Fondation Ford, créée par le
célèbre industriel Henry Ford, est
devenue au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale un outil de la politique
étrangère officieux des États-Unis,
offrant un habillage respectable aux
activités de la CIA [1].
La période des études de Kofi Annan
aux outre-Atlantique (1959-1961)
correspond aux moments les plus
difficiles de la lutte pour les droits
civiques des noirs (le début de la
campagne de Martin Luther King à
Birmingham). Il l’observa comme un
prolongement de la décolonisation qu’il
avait connu au Ghana, mais n’y participa
pas non plus.
Satisfait de ses résultats
académiques et de sa réserve politique,
ses mentors états-uniens lui ouvrirent
les portes de l’Organisation mondiale de
la Santé, où il trouva son premier
emploi. Après trois ans passés au siège
de Genève, il fut engagé à la Commission
économique pour l’Afrique, basée à
Addis-Abeba. Cependant, ses diplômes
étant insuffisants pour lui permettre
d’ambitionner une carrière à la
direction de l’ONU, il retourna aux
États-Unis pour étudier le management au
Massachusetts Institute of Technology
(MIT) (1971-72). Il tenta un retour dans
son pays d’origine comme directeur du
Développement touristique, mais se
trouva en conflit perpétuel avec le
gouvernement militaire du général
Acheampong, de sorte qu’il renonça et
revint aux Nations Unies en 1976.
Une brillante carrière
malgré des échecs tragiques
Il y occupa des fonctions variées,
d’abord au sein de l’UNEF II (la force
maintien de la paix mise en place pour
séparer l’Égypte et Israël à la fin de
la Guerre d’octobre 1973), puis comme
directeur du personnel de l’Office des
réfugiés (UNHCR). C’est à cette époque
qu’il rencontra Maître Nane Lagergren
qu’il épousa en seconde noces. Cette
avocate suédoise est la nièce de Raoul
Wallenberg, représentant spécial de la
Suède en Hongrie durant la Seconde
Guerre mondiale. Wallenberg est célèbre
pour avoir sauvé des centaines de juifs
persécutés en leur délivrant des
passeports de complaisance. Il
travaillait aussi pour l’OSS
(prédécesseur de la CIA) comme agent de
liaison des États-Unis avec la
Résistance hongroise. Il disparut à la
fin de la guerre ; il aurait été fait
prisonnier par les Soviétiques afin de
stopper l’influence US dans le pays.
Quoi qu’il en soit, l’heureux mariage de
Kofi Annan lui ouvrit les portes qu’il
ne pouvait franchir, notamment celles
des organisations juives.
Le secrétaire général Javier Perez de
Cuellar choisit Kofi Annan comme
assistant chargé des ressources humaines
et responsable de la sécurité du
personnel des Nations Unies (1987-90).
Lors de l’annexion du Koweit par l’Irak,
900 employés de l’ONU se trouvèrent pris
au piège. Kofi Annan réussit à négocier
leur sortie avec Saddam Hussein. Il en
tira un évident prestige au sein de
l’Organisation. Il fut alors
successivement chargé du Budget
(1990-92), puis —sous le mandat de
Boutros Boutros-Ghali— des Opérations de
maintien de la paix (1993-96), avec une
brève parenthèse comme envoyé spécial
pour la Yougoslavie.
Selon le général canadien Romeo
Dallaire, commandant des Casques bleus
au Rwanda, Kofi Annan n’aurait pas réagi
à ses très nombreuses sollicitations et
porterait la responsabilité principale
dans l’inaction des Nations Unies lors
du génocide (800 000 morts,
principalement des Tutsis, mais aussi
des opposants Hutus) [2].
Un scénario identique se reproduisit
en Bosnie où 400 casques bleus furent
pris en otages par les forces
bosno-serbes. Kofi Annan resta sourd aux
appels du général Bernard Janvier et
laissa perpétrer de prévisibles
massacres.
Fin 1996, les États-Unis s’opposèrent
à la reconduction de l’Égyptien
francophile Boutros Boutros-Ghali comme
secrétaire général. Ils parvinrent à
imposer leur candidat : un haut
fonctionnaire international issu de
l’Organisation elle-même, Kofi Annan.
Loin de jouer contre lui, ses échecs au
Rwanda et en Bosnie devinrent ses atouts
après qu’il les ait candidement
confessés et promis de réformer le
système pour qu’ils ne se reproduisent
pas. Il fut élu sur cette base et prit
ses fonctions, le 1er janvier 1997.
Le Centre
de conférence de Pocantico
Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies Immédiatement, Kofi Annan mit en
place un séminaire annuel de deux
jours à huis clos pour une quinzaine
d’ambassadeurs à l’ONU. Cette «
retraite » (sic) est généreusement
accueillie par le Rockefeller Brothers Fund au Centre de
conférence de Pocantico (au Nord de
New York). Le secrétaire général y
discute avec les représentants des
États qui le soutiennent, hors
instances de l’ONU, de la réforme de
l’Organisation et des relations
internationales. Dans ce contexte, il réaffecta
les dépenses de l’ONU en fonction
des priorités politiques et réduisit
significativement le budget du
secrétariat général. Il réorganisa
le fonctionnement administratif
autour de quatre objectifs (paix et
sécurité, développement, affaires
économiques et sociales, affaires
humanitaires). Il créa un poste de
secrétaire général adjoint pour le
suppléer et se dota d’un véritable
cabinet apte à appliquer rapidement
les décisions du Conseil de sécurité
et de l’Assemblée générale.
La grande initiative de Kofi
Annan fut le Global Compact,
une mobilisation de la société
civile pour un monde meilleur. Sur
la base d’un dialogue volontaire,
des entreprises, des syndicats et
des ONG ont pu débattre et s’engager
pour le respect des Droits de
l’homme, celui des normes de travail
et de l’environnement.
Dans la pratique, le Global
Compact n’a pas eu les effets
attendus sur le terrain. Il a par
contre profondément dénaturé l’ONU,
en relativisant le pouvoir des
États-Nations et en reconnaissant
celui de compagnies transnationales
et d’associations qui n’ont de «
non-gouvernementales » que le titre
et sont en sous-main subventionnées
par les grandes puissances. En
érigeant des lobbies comme
partenaires des États-Nations, Kofi
Annan a enterré l’esprit de la
Charte de San Francisco. Il ne
s’agit plus de préserver l’humanité
du fléau de la guerre en
reconnaissant l’égalité en droit des
États grands et petits, mais
d’améliorer la condition humaine en
faisant converger des intérêts
privés. Le Global Compact,
c’est le passage d’une logique
presque unanimement acceptée selon
laquelle le Droit international est
au service du Bien commun, à une
logique défendue par les seuls
Anglo-Saxons pour qui le Bien commun
est une chimère, tandis que la Bonne
gouvernance consiste à coaliser le
plus grand nombre d’intérêts
particuliers. En définitive, le
Global Compact a eu les mêmes
effets que les galas de charité aux
États-Unis : se donner bonne
conscience avec quelques programmes
médiatisés pour s’accommoder des
injustices structurelles.
En ce sens, les mandats de Kofi
Annan (1997-2006) reflètent la
réalité de la période historique,
celle d’un monde unipolaire voué à
la globalisation de l’hégémonie
états-unienne, au détriment des
États-Nations et des peuples qu’ils
représentent.
Cette stratégie emboîte le pas au
dispositif mis en place par
Washington dans les années 80 avec
la National Endowment for Democracy,
une agence qui, contrairement à son
intitulé, vise à poursuivre l’action
subversive de la CIA en truquant les
processus démocratiques [3].
La NED subventionne, légalement ou
pas, des organisations patronales,
des syndicats ouvriers et des
associations en tout genre. Tous
participent en retour au Global
Compact et infléchissent ainsi
les positions des États-Nations qui
n’ont pas les moyens de financer
leurs propres lobbies. L’ONU ne se
préoccupe plus de la Paix puisque le
monde unipolaire a son gendarme, les
États-Unis, mais absorbe toutes les
formes de protestation pour mieux
valider le désordre mondial et la
globalisation progressive de
l’hégémonie US.
Le discours lénifiant de Kofi
Annan a atteint son apogée avec le
Sommet du Millénaire. 147 chefs
d’États et de gouvernements se sont
engagés à éradiquer la pauvreté et à
résoudre les principaux problèmes de
santé dans le monde, dont le sida,
sous quinze ans. Le bonheur
universel ne nécessiterait aucune
réforme politique, juste que chacun
y mette un peu du sien en versant
son obole. Que n’y avait-on pensé
plus tôt ? Las ! Les Objectifs du
Millénaire sont restés des vœux
pieux, les injustices se poursuivent
et nourrissent toujours la guerre et
la misère.
Dans la même veine, lors de son
discours devant l’Assemblée
générale, le 20 septembre 1999, le
secrétaire général exposa ce que
l’on nomme la « doctrine Annan
». Arguant de sa propre impuissance
au Rwanda et en Bosnie, il affirme
que, dans ces cas là, les États ont
failli à leur devoir de protéger
leurs ressortissants. Il en conclut
que la souveraineté des États,
principe cardinal de la Charte de
l’ONU, fait obstacle aux Droits de
l’homme. Cette vision sera adoptée
sous la dénomination «
Responsabilité de protéger » par
l’Union africaine, puis par l’ONU en
2005, lors du Sommet Mondial chargé
du suivi du Sommet du Millénaire. La
doctrine Annan est un avatar du
devoir d’ingérence invoqué par les
Britanniques pour guerroyer contre
l’Empire ottoman et remis au goût du
jour par Bernard Kouchner. Le
concept rénové sera explicitement
utilisé la première fois, en 2011,
pour légaliser l’opération coloniale
en Libye [4].
Par ailleurs, les mandats de Kofi
Annan ont été marqués par le
programme « Pétrole contre
nourriture » qui fut imaginé par le
Conseil de sécurité en 1991, mais ne
fut effectif que de 1996 à 2003. Il
s’agissait au départ de s’assurer
que les revenus pétroliers de l’Irak
seraient exclusivement utilisés pour
satisfaire les besoins des Irakiens
et pas pour financer de nouvelles
aventures militaires. Cependant,
dans le contexte de l’embargo
international et sous la supervision
personnelle de Kofi Annan, ce
programme est devenu un instrument
des États-Unis et du Royaume-Uni
pour saigner l’Irak tandis qu’ils
occupaient la « zone de
non-survol » (approximativement
l’actuel Kurdistan autonome) jusqu’à
ce qu’ils l’attaquent et le
détruisent [5].
Durant des années, la population fut
sous-alimentée et privée de
médicaments. Plusieurs hauts
fonctionnaires internationaux qui
ont été chargés de ce programme
l’ont qualifié de « crime de
guerre » et ont démissionné
après avoir refusé de l’appliquer.
Parmi eux, le secrétaire général
adjoint Hans von Sponeck et le
coordinateur spécial Denis Halliday
ont estimé que ce programme a
provoqué le génocide d’1,5 million
d’Irakiens, dont au moins 500 000
enfants [6].
Il fallut attendre l’invasion et
la destruction de l’Irak pour que
Kofi Annan se rebelle et dénonce le
comportement de ceux qui lui avaient
payé ses études, l’avaient propulsé
au secrétariat général de l’ONU, et
lui avaient décerné le Prix Nobel de
la Paix. Il qualifia l’attaque de
l’Irak d’illégale et s’inquiéta
publiquement de ce que ce précédent
réduise à néant le Droit
international [7].
Washington répliqua brutalement en
lançant une vaste opération
d’espionnage à son encontre, à celle
des membres de son cabinet, de sa
famille et de ses amis. En
définitive, Kojo Annan, le fils de
Kofi, fut accusé d’avoir détourné
des fonds du programme « pétrole
contre nourriture » avec la
bénédiction de son père. Or,
techniquement, c’était impossible à
l’insu des États-Unis et du
Royaume-Uni. L’accusation ne parvint
donc pas à convaincre les États
membres de l’ONU et au contraire
renforça l’autorité du secrétaire
général [8].
Cependant, durant les deux dernières
années de ses mandats Kofi Annan fut
paralysé et contraint de rentrer
dans le rang.
Retour à la case
département
Après dix ans de secrétariat
général, Kofi Annan poursuivit sa
carrière dans des fondations plus ou
moins privées.
En décembre 2007, les élections
kenyanes dégénèrent. Le président
Mwai Kibaki l’aurait emporté sur le
candidat financé par Washington,
Raila Odinga, prétendu cousin du
sénateur Barack Obama. Le scrutin
fut contesté par le sénateur John
McCain qui appela à la révolution,
tandis que des SMS anonymes
dressèrent les ethnies les unes
contre les autres. En quelques jours
les émeutes firent plus de 1 000
morts et 300 000 déplacés. Madeleine
Albright proposa la médiation de
l’Oslo Center for Peace and Human
Rights. Cet institut envoie deux
médiateurs : l’ancien Premier
ministre norvégien Kjell Magne
Bondevik et l’ancien secrétaire
général de l’ONU, Kofi Annan, tous
deux administrateurs du Centre.
À l’issue de cette « médiation
», le président Kibaki fut contraint
de se plier aux volontés US. Il put
se maintenir dans ses fonctions,
mais dut d’abord accepter une
réforme constitutionnelle qui le
prive de ses pouvoir au profit de
son Premier ministre, puis ils dut
accepter de prendre Raila Odinga
comme Premier ministre. Jouant au
vieux sage africain, Kofi Annan
contribua à donner un vernis de
légalité à un changement de régime
imposé par Washington [9].
Kofi Annan exerce aujourd’hui
deux responsabilités principales. Il
est d’abord le président de l’Africa
Progress Panel, une organisation
mise en place par Tony Blair à
l’issue du sommet du G8 de
Gleeneagles pour médiatiser les
actions du Ministère britannique de
la Coopération (DFID).
Malheureusement les promesses du G8
n’ayant pas plus été tenues que
celles du Sommet du Millénaire, l’Africa
Progress Panel a une activité
réduite.
Reste la présidence de l’Alliance
pour une révolution verte en Afrique
(AGRA) qui se propose de résoudre
les problèmes alimentaires du
continent noir grâce aux
biotechnologies. En fait, l’AGRA est
un lobby financé par les Fondations
Billes Gates et Rockefeller pour
diffuser les OGM produits par
Monsanto, DuPont, Dow, Syngenta et
autres. La plupart des experts
indépendants de ces multinationales
s’accordent à dire que, au-delà de
la question du choc environnemental,
l’usage d’OGM non reproductibles
rend les paysans dépendants de leurs
fournisseurs et instaure une
nouvelle forme d’exploitation
humaine.
Kofi Annan en Syrie
Que vient donc faire l’ancien
haut fonctionnaire international en
Syrie ? En premier lieu, sa
désignation révèle que le rôle ne
pouvait pas être tenu par Ban Ki-moon
dont l’image est ternie à la fois
par sa soumission aux États-Unis et
par des affaires ininterrompues de
corruption [10].
Kofi Annan dispose, lui, d’une image
positive malgré son bilan.
Deuxièmement, un médiateur n’a de
chance de réussir que s’il est
choisi par les protagonistes. Ce
n’est pas le cas. Il représente le
secrétaire général de l’ONU et son
homologue de la Ligue arabe. Il
défend l’honneur et la réputation de
ces institutions sans avoir
d’instruction politique précise.
Si la désignation de M. Annan a
été approuvée de facto par
les membres du Conseil de sécurité
et par ceux de la Ligue, c’est
qu’elle satisfait des attentes
contradictoires. Pour les uns,
l’envoyé spécial conjoint ne doit
pas rechercher la paix, mais
habiller une paix qui a déjà été
négociée entre grandes puissances
afin que chacun garde la tête haute.
Pour d’autres, il peut au contraire
rejouer le coup kenyan et réussir
sans violence supplémentaire un
changement de régime.
Au cours des trois dernières
semaines, l’action de Kofi Annan a
consisté à présenter comme son
propre plan, une version amendée de
celui qui avait été élaboré par le
ministre russe des Affaires
étrangères, Sergey Lavrov. Ce
faisant, il rend ce plan acceptable
par Washington et ses alliés. En
outre, M. Annan a volontairement
introduit une confusion en laissant
entendre qu’il avait convaincu le
président el-Assad de désigner un de
ses vices-présidents, Farouk al-Shara,
pour négocier avec l’opposition. Il
se serait agi d’une concession
syrienne au Conseil de coopération
du Golfe. En réalité, le
vice-président al-Shara est chargé
de ces négociations depuis un an et
l’exigence de l’Arabie saoudite et
du Qatar est tout autre : que le
président el-Assad démissionne parce
qu’il est alaouite et que le pouvoir
échoit à ce vice-président par ce
qu’il est sunnite. Il semble donc
que l’envoyé spécial conjoint soit
en train d’inventer une porte de
sortie pour les États qui ont
agressé la Syrie et inventé la fable
d’une révolution démocratique
réprimée dans le sang.
Cependant, le double langage de
Kofi Annan, qui se déclare satisfait
de son entretien avec le président
el-Assad lorsqu’il est à Damas et
déçu lorsqu’il est à Genève, n’a pas
levé les questions sur ses
intentions réelles.
[1]
«
La Fondation Ford,
paravent philanthropique de la CIA
» et «
Pourquoi la
Fondation Ford subventionne la
contestation
», par Paul Labarique, Réseau Voltaire,
5 et 19 avril 2004
[2]
Shake Hands
with the Devil : The Failure of Humanity
in Rwanda,
par Roméo Dallaire, Arrow Books Ltd,
2004. Version française :
J’ai serré la main
du diable : La faillite de l’humanité au
Rwanda,
Libre expression, 2004.
[3]
«
La NED, vitrine
légale de la CIA
», par Thierry Meyssan,
Réseau
Voltaire/Однако,
6 octobre 2010.
[4]
«
Résolution 1973
», Réseau Voltaire, 17 mars 2011.
[5]
«
Annan : Génocide
en Irak et Paix en Syrie ?
», par Hassan Hamade,
Réseau Voltaire/As-Safir,
22 mars 2012.
[6]
«
L’implication de
l’ONU dans des crimes de guerre,
entretien avec le comte Hans-Christof
von Sponeck
», par Silvia Cattori,
Réseau Voltaire,
16 mars 2007.
[7]
«
Pour Kofi Annan,
le droit international ne garantit plus
rien »,
par Sandro Cruz,
Réseau Voltaire,
7 juillet 2005.
[8]
«
Le harcèlement de
Kofi Annan
», Réseau
Voltaire,
13 décembre 2004.
[9]
«
Le dessous du prix
Nobel de la paix 2009
», par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire,
13 octobre 2009.
[10]
«
Lettre ouverte au
deshonorable Ban Ki-moon
», par Hassan Hamade,
Réseau Voltaire,
25 janvier 2012.
Thierry Meyssan,
Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Il publie des
analyses de politique étrangère dans la
presse arabe, latino-américaine et
russe. Dernier ouvrage en français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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