Urgent
L'OTAN prépare une
vaste opération d'intoxication
Thierry Meyssan
Dimanche 10 juin
2012
Des États membres
de l’OTAN et du CCG préparent un coup
d’État et un génocide sectaire en Syrie.
Si vous voulez vous opposer à ces
crimes, agissez dès maintenant : faites
circuler cet article sur le Net et
alertez vos élus.
Dans quelques jours,
peut-être dès vendredi 15 juin à midi,
les Syriens qui voudront regarder les
chaînes nationales verront celles-ci
remplacées sur leurs écrans par des
télévisions créées par la CIA. Des
images réalisées en studio montreront
des massacres imputés au gouvernement,
des manifestations populaires, des
ministres et des généraux donnant leur
démission, le président el-Assad prenant
la fuite, les rebelles se rassemblant au
cœur des grandes villes, et un nouveau
gouvernement s’installant au palais
présidentiel.
Cette opération, directement pilotée
depuis Washington par Ben Rhodes,
conseiller adjoint de sécurité nationale
des États-Unis, vise à démoraliser les
Syriens et à permettre un coup d’État.
L’OTAN, qui se heurte au double veto de
la Russie et de la Chine, parviendrait
ainsi à conquérir la Syrie sans avoir à
l’attaquer illégalement. Quel que soit
le jugement que l’on porte sur les
événements actuels en Syrie, un coup
d’État mettrait fin à tout espoir de
démocratisation.
Très officiellement, la Ligue arabe a
demandé aux opérateurs satellitaires
Arabsat et Nilesat de cesser la
retransmission des médias syriens,
publics et privés (Syria TV, Al-Ekbariya,
Ad-Dounia, Cham TV etc.). Il existe un
précédent, puisque la Ligue avait déjà
œuvré à la censure de la télévision
libyenne pour empêcher les dirigeants de
la Jamahiriya de communiquer avec leur
peuple. Il n’y a pas de réseau hertzien
en Syrie où les télévisions sont
exclusivement captées par satellite.
Mais cette coupure ne laissera pas les
écrans noirs.
En effet, cette décision publique
n’est que la partie émergée de
l’iceberg. Selon nos informations
plusieurs réunions internationales ont
été organisées cette semaine pour
coordonner l’opération d’intoxication.
Les deux premières, d’ordre technique,
se sont tenues à Doha (Qatar), la
troisième, politique, s’est tenue à
Riyad (Arabie saoudite).
Une première réunion a rassemblé les
officiers de guerre psychologique «
embedded » dans quelques chaînes
satellitaires, dont Al-Arabiya, Al-Jazeera,
BBC, CNN, Fox, France 24, Future TV, MTV
— On sait que depuis 1998 des officiers
de l’United States Army’s Psychological
Operations Unit (PSYOP) ont été
incorporés dans la rédaction de CNN ;
depuis, cette pratique a été étendue par
l’OTAN à d’autres stations
stratégiques—. Ils ont rédigé à l’avance
de fausses informations, selon un «
storytelling » élaboré par l’équipe
de Ben Rhodes à la Maison-Blanche. Une
procédure de validation réciproque a été
mise au point, chaque média devant citer
les mensonges des autres pour les rendre
crédibles aux yeux des téléspectateurs.
Les participants ont également décidé de
ne pas uniquement réquisitionner les
chaînes de la CIA pour la Syrie et le
Liban (Barada, Future TV, MTV, Orient
News, Syria Chaab, Syria Alghad), mais
aussi une quarantaine de chaînes
religieuses wahhabites qui appelleront
au massacre confessionnel au cri de «
Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites
au tombeau ! »
Le second meeting réunissait des
ingénieurs et des réalisateurs pour
planifier la fabrication d’images de
fiction, mêlant une partie en studio à
ciel ouvert et une partie d’images de
synthèse. Des studios ont été aménagés
durant les dernières semaines en Arabie
saoudite pour reconstituer les deux
palais présidentiels syriens et les
principales places de Damas, Alep et
Homs. Il existait déjà des studios de ce
type à Doha, mais ils étaient
insuffisants.
La troisième réunion regroupait le
général James B. Smith, ambassadeur des
États-Unis, un représentant du
Royaume-Uni, et le prince Bandar Bin
Sultan (que le président George Bush
père désignait comme son fils adoptif,
au point que la presse états-unienne l’a
surnommé « Bandar Bush »). Il
s’agissait de coordonner l’action des
médias et celle de « l’Armée syrienne
libre » dont les mercenaires du
prince Bandar forment le gros des
effectifs.
L’opération qui était en gestation
depuis des mois a été précipitée par le
Conseil de sécurité nationale des
États-Unis après que le président
Poutine ait notifié à la Maison-Blanche
que la Russie s’opposerait par la force
à toute intervention militaire illégale
de l’OTAN en Syrie.
Cette opération comprend deux volets
simultanés : d’une part déverser de
fausses informations et d’autre part
censurer toute possibilité d’y répondre.
Le fait d’interdire des TV
satellitaires pour conduire une guerre
n’est pas nouveau. Ainsi, sous la
pression d’Israël, les États-Unis et
l’Union européenne ont successivement
interdit des chaînes libanaise,
palestiniennes, irakiennes, libyennes,
et iraniennes. Aucune censure n’a été
effectuée envers des chaînes
satellitaires provenant d’autres régions
du monde.
La diffusion de fausses nouvelles,
n’est pas non plus une première.
Cependant, quatre pas significatifs ont
été franchis dans l’art de la propagande
au cours de la dernière décennie.
• En 1994, une station de musique pop,
la Radio libre des Mille Collines (RTML)
a donné le signal du génocide rwandais
en appelant à « Tuer les cafards !
».
• En 2001, l’OTAN a utilisé des médias
pour imposer une interprétation des
attentats du 11-Septembre et justifier
les attaques de l’Afghanistan et de
l’Irak. À l’époque déjà, c’est Ben
Rhodes qui avait été chargé par
l’administration Bush de rédiger le
rapport de la Commission Kean/Hamilton
sur les attentats.
• En 2002, la CIA a utilisé cinq
chaînes, Televen, Globovision, Meridiano,
ValeTV et CMT, pour faire accroire que
des manifestations monstres avaient
contraint le président élu du Venezuela,
Hugo Chavez, à démissionner, alors qu’il
venait d’être victime d’un coup d’État
militaire.
• En 2011, France 24 faisait de facto
office de ministère de l’Information du
Conseil national libyen, avec qui il
était lié par contrat. Lors de la
bataille de Tripoli, l’OTAN a fait
réaliser en studio et diffuser par Al-Jazeera
et Al-Arabiya des images des rebelles
libyens entrant sur la place centrale de
la capitale, alors qu’ils étaient encore
loin de la ville, de sorte que les
habitants, persuadés que la guerre était
perdue, cessèrent toute résistance.
Désormais, des médias ne se
contentent plus de soutenir la guerre,
ils la font.
Ce dispositif viole des principes de
base du droit international, à commencer
par l’article
19 de la Déclaration universelle
des Droits de l’homme relatif au
fait « de recevoir et de répandre,
sans considérations de frontières, les
informations et les idées par quelque
moyen d’expression que ce soit ».
Surtout, il viole les résolutions de
l’Assemblée générale des Nations-Unies,
adoptées au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale pour prévenir les
guerres. Les résolutions
110,
381 et
819 interdisent « les obstacles
au libre-échange des informations et des
idées » (en l’occurrence la coupures
des chaînes syriennes) et « la
propagande de nature à provoquer ou
encourager toute menace à la paix,
rupture de la paix, ou tout acte
d’agression ». En droit, la
propagande de guerre est un crime contre
la paix, le plus grave des crimes,
puisqu’il rend possible les crimes de
guerre et les génocides.
Thierry
Meyssan, Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Il publie des
analyses de politique étrangère dans la
presse arabe, latino-américaine et
russe. Dernier ouvrage en français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
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