« Sous nos
yeux »
Les conséquences
de la résolution 2118
Thierry Meyssan
Les
troupes de l’OTSC se tiennent prêtes à
se déployer en Syrie,
si le Conseil de sécurité en fait la
demande
Lundi 7 octobre 2013
Bien que le ministre français des
Affaires étrangères, Laurent Fabius, se
soit bruyamment félicité du vote de la
résolution 2118 sur les armes chimiques
en Syrie, ce texte marque à la fois la
victoire de la Russie et celle du
président Bachar el-Assad. Il porte en
lui-même deux conséquences qui ruinent
définitivement les prétentions
franco-britanniques sur le pays.
Une fois passé
l’étonnement face au tête-à-queue US en
Syrie, une nouvelle situation politique
se fait jour correspondant point par
point aux plans élaborés conjointement
par la Russie et la Syrie en juin 2012,
c’est-à-dire avant la conférence de
Genève 1. À l’époque, le Kremlin
envisageait de négocier un accord avec
Washington à la fois pour régler la
crise syrienne et pour permettre au
président Obama de sortir de son
tête-à-tête étouffant avec Israël.
Cependant ce plan, qui allait devenir un
projet de partage de la gouvernance au
Proche-Orient, supposait la présence de
troupes russes en Syrie. Le général
Hassan Tourekmani avait alors proposé
que des troupes d’interposition
mandatées par les Nations Unies soient
déployées par l’Organisation du Traité
de sécurité collective (« l’Otan
russe »), comme il existe déjà sur le
sol syrien une Force des Nations Unies
chargée d’observer le désengagement au
Golan.
L’idée de ce déploiement a fait son
chemin. L’OTSC a signé un Protocole avec
le département des Opérations de
maintien de la paix de l’Onu en
septembre 2012 qui lui permet, comme
l’Otan, de sous-traiter des actions du
Conseil de sécurité. Depuis un an,
l’OTSC a préparé 50 000 hommes qui
peuvent être projetés en moins de deux
semaines. Mais Moscou craignait de
tomber dans un piège : c’était pour
détruire l’Armée rouge que la CIA avait
créé, en 1979 avec l’Arabie saoudite, le
mouvement jihadiste international
aujourd’hui appelé Al-Qaëda. La Syrie
serait-elle le nouvel Afghanistan de
l’armée russe ?
Compte tenu des hésitations et
contradictions US, le projet fut
interrompu, mais pas abandonné. Or, la
solution de la crise des armes chimiques
ouvre de nouvelles possibilités.
En premier lieu, la résolution 2118
ne se contente pas de soutenir le plan
russe de destruction des restes du
programme chimique syrien des années 80,
elle implique implicitement le maintien
du président Bachar el-Assad au pouvoir
pour au moins un an afin qu’il supervise
cette destruction. Du coup, non
seulement les grandes puissances
occidentales ne réclament plus son
départ, mais seraient favorables à un
allongement de son mandat et à un report
de la prochaine élection présidentielle.
La réunion
des chefs d’État de l’OTSC a été
précédée d’une réunion des ministres des
Affaires étrangères. Le Russe Sergey
Lavrov y a expliqué la situation
internationale à propos de la Syrie. Il
a souligné que, si les jihadistes
présents là-bas n’étaient pas
neutralisés sur place, ils seraient
prochainement transférés vers d’autres
pays, notamment en Asie centrale.
En second lieu, la transmission par
la Syrie de la liste de ses stocks
d’armes chimiques à l’Organisation pour
l’interdiction des armes chimiques
(OIAC) les rend vulnérables, puisque
cette liste ne manquera pas de parvenir
à « l’opposition armée ». Malgré ses
efforts, l’Armée arabe syrienne ne
pourra pas à la fois combattre les
jihadistes internationaux sur l’ensemble
du territoire et défendre ses arsenaux.
Prévoyant cette situation, les chefs
d’État de l’OTSC, réunis autour de
Vladimir Poutine le 23 septembre à
Sotchi (c’est-à-dire quatre jours avant
le vote de la résolution 2118 du Conseil
de sécurité), ont donné ordre de se
tenir prêts à sécuriser la destruction
des armes chimiques, si le Conseil de
sécurité en faisait la demande. Les
troupes arméniennes, biélorusses,
kazakhs, kirghizes, russes et tadjiks ne
seraient plus déployées pour
s’interposer entre les deux camps comme
cela était envisagé il y a un an et
demi, mais pour défendre les arsenaux de
l’État. Leur mission serait donc
beaucoup plus simple et efficace.
Dans cette perspective, les 2 500
hommes de l’OTSC qui doivent participer
à des manœuvres au Kazakhstan, du 7 au
11 octobre, procéderont à une
simulation.
Articles sous licence creative commons
Vous pouvez reproduire librement les
articles du Réseau Voltaire à condition
de citer la source et de ne pas les
modifier ni les utiliser à des fins
commerciales (licence
CC BY-NC-ND).
Le sommaire du Réseau Voltaire
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|