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Opinion

La France, l'Europe et l'Occident
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Lundi 30 avril 2012

Les élections qui se déroulent en ce moment en France sont pleines de révélations sur l’état de la situation politique du pays mais également sur les tendances qui se répandent et se généralisent en Europe comme aux États-Unis et en Australie. L’Occident vit une crise identitaire sans pareil : son statut, sa domination, ses valeurs autant que son identité sont mis à mal et le mal-être, qui est la conséquence de ladite crise, entache tous les débats de société. En France, la dérive est patente. Depuis des années, le Président Sarkozy flirte avec le discours populiste, parle de sujets liés à l’immigration,à la sécurité, à la laïcité ou à l’islam (foulard, niqab, viande halal, prières dans la rue, etc.) afin de conforter une partie de son électorat et également ceux qui se trouvent plus à droite encore de l’échiquier politique. Il manie la politique émotionnelle basée sur la peur, la méfiance, le rejet et parfois des formes caractérisées de racisme. Son principal opposant, le Parti socialiste, a par ailleurs été souvent emprunté et somme toute incapable de proposer une vision politique répondant plus concrètement, et de façon circonstanciée, aux besoins des citoyens français en matière d’emploi, d’habitation, d’éducation, etc. Souvent, les socialistes, et l’opposition en général, on fait dans la critique rhétorique ou dans la surenchère politicienne et populiste. Rarement ont-ils été capables de recentrer le débat vers les vraies questions. La campagne présidentielle depuis des semaines a été d’un niveau inquiétant, enchaînant les controverses médiatiques et les sujets destinés à nourrir les fantasmes et les peurs. Il était évident, depuis des mois, que le parti politique qui en sortirait vainqueur serait nécessairement le Front National et son populisme fondé sur la stigmatisation de l’autre, le simplisme des solutions aux problèmes sociaux (fondées sur la pensée victimaire quant à soi et à la culpabilisation quant à autrui).

La campagne entre les deux tours de l’élection présidentielle, qui met désormais face à face le candidat de droite Nicolas Sarkozy et le socialiste François Hollande, révèle chaque jour davantage la poussée phénoménale du Front National. Non seulement le parti a fait plus de 17% des votes au premier tour ( troisième force politique nominale du pays) mais ses thèses sont partout présentes et son ombre plane sur les équilibres et les rapports de force qui opèrent entre les deux premiers partis. Nicolas Sarkozy a viré un peu plus à droite par nécessité de survie et François Hollande, pour limiter un report de voix massif, veut assurer une partie de l’électorat Front National qu’il les a bien compris. Le Front National n’est pas en finale mais ses thèses sont le ballon de jeu sans lequel il n’y a ni jeu ni vainqueur. Les promesses se multiplient, les propos s’enflamment, les dérives, les dérapages et les mensonges se multiplient. La France est en crise : on n’y parle plus de la crise économique, de la politique sociale et de son rôle international mais bien de fermer les frontières, d’armer les policiers, de protéger leur statut, et d’empêcher l’islamisation de la société.

Triste et inquiétant spectacle. À l’heure où en Norvège, on juge Anderson Behving Breivik qui se présente comme un résistant légitime et une victime de celles et de ceux qui participent à la destruction de l’identité norvégienne et européenne, on voit s’installer, de plus en plus, des courants populistes qui normalisent, au sein des partis traditionnels, les thèses les plus discutables et les plus racistes. Les racismes s’additionnent sans s’exclure et le racisme contre les étrangers, les Noirs, les Arabes, les juifs et les musulmans se conjugue au gré des circonstances historiques et politiques. Tous les pays d’Europe voient les acteurs politiques - démunis devant les diktats de l’économie, des agences de cotation, des banques et des multinationales conquérantes -, déplacer le cœur des débats et sombrer dans la distraction stratégique en blâmant les cultures, les religions, l’immigration, l’insécurité qui seraient les causes premières des malaises sociaux. L’Europe a beau se réclamer des plus belles valeurs, de la justice et des droits de l’homme ( qui sont effectivement des valeurs nobles et universelles) ; ses pratiques politiques, l’application des lois (et leur transgression caractérisée), le racisme rampant et l’exploitation des étrangers et des immigrés sont, chaque jour davantage, à l’opposé de ces idéaux. Dans la très libérale contrée des Pays-Bas, comme en France, en Suisse, en Espagne, en Norvège, au Danemark, en Allemagne, en Belgique - du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est de l’Europe, le constat est le même : le populisme règne, les peurs sont profondes, la méfiance généralisée et le racisme se trouve des justifications, comme les traitements indignes administrés aux immigrés criminalisés, aux gens du voyages, aux étrangers....aux "autres". Le populisme est le cancer de l’Europe et on le voit se répandre à la veille des élections présidentielles françaises.

On aurait pu penser que le phénomène était européen et qu’il ne pourrait, de par sa nature même, toucher les pays d’immigration, de l’Australie au Canada ou aux États-Unis. Il n’en est rien : dans le Canada de Stephen Harper ou l’Australie de Julia Gillard, les approches et les alliances politiques imposent un discours qui entretient les mêmes peurs, les mêmes amalgames. La question de l’identité, l’homogénéité culturelle, la peur, la nouvelle immigration et les limites, voire les dangers, de la multiculturalité sont des sujets majeurs. À la veille des élections américaines, les thèses des néoconservateurs et des partisans du Tea-Party agitent les mêmes épouvantails : les Noirs, les étrangers, aujourd’hui les Latinos et les musulmans sont les cibles des attaques de partis et de mouvements qui, à défaut de proposer des politiques, réussissent à identifier des ennemis (différents, inquiétants avec cette propension à se répandre et à coloniser légalement). Les mêmes symptômes révélant les mêmes maux.

On verse souvent dans la critique du voisin et beaucoup aujourd’hui, en Europe ou plus largement, critiquent et se moquent des dérives françaises, et de son Président. On ne saurait les en blâmer, le spectacle est pathétique à plus d’un point de vue. Néanmoins le mal n’est pas français, il est occidental, il est civilisationnel. La domination de l’Occident est remise en cause, des crises endémiques en minent les fondements, et des partis populistes se répandent et appellent à la mobilisation identitaire et nationaliste contre le sens de l’Histoire, dans le déni des nouveaux enjeux nationaux et internationaux. Le problème est profond, la crise multiforme. Il faudra bien regarder en face les maux qui effectivement minent la conscience occidentale contemporaine au lieu de se cacher derrière les nobles discours des valeurs héritées des Lumières. Au nom de notre sécurité et de notre bien-être, on a réussi à nous faire accepter l’emprisonnement des innocents, la torture, les dommages collatéraux, les discriminations structurelles et, en sus, à cesser de nous effrayer des nouveaux propos racistes et xénophobes tenus par des citoyens ordinaires autant que par des intellectuels ou des politiques. Sauver son avenir en pensant légitime d’atrophier les consciences n’est point une promesse d’avenir. Au contraire, c’est bel et bien une impasse, sans nul avenir. Sans un sursaut des consciences dignes et courageuses prêtes à s’opposer aux populismes, normalisés ou diabolisés, il ne faut point être devin pour annoncer que nous assistons en direct à l’auto-destruction d’une civilisation. Entre l’arrogance des populistes et l’humilité résistante des consciences dignes, le choix reste le nôtre.

© Tariq Ramadan 2010
Publié le 30 avril 2012

 

 

   

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Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

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