|
El Watan
Jimmy Carter empêché par Israël de se rendre à Ghaza
Le témoin gênant
T. Hocine
16 avril 2008 Signe des temps, l'homme de Camp
David, cette résidence américaine où furent signés sous son
égide, en 1979, les premiers accords séparés entre l'Egypte et
Israël, de toute l'histoire du conflit du Proche-Orient, a été
interdit d'accès dans la bande de Ghaza par Israël.
Il s'agit bien entendu de l'ancien président américain, Jimmy
Carter, aujourd'hui à la tête d'une fondation pour la paix et
qui porte son nom justement. C'est certainement dans cet
objectif qu'il a décidé de revenir dans cette région et de
choisir lui-même ses interlocuteurs, contrairement à Israël et
même à l'administration de son pays, laquelle s'est d'ailleurs
nettement démarquée de son initiative. Subissant déjà de fortes
pressions afin de ne pas rencontrer un des leaders du mouvement
palestinien Hamas, Jimmy Carter, qui a appelé au dialogue avec
le Hamas et la Syrie, a révélé, hier, à Ramallah (Cisjordanie),
qu'il avait été empêché par les autorités israéliennes de se
rendre dans la bande de Ghaza. Lui qui a prévu de rencontrer à
Damas Khaled Mechaâl, a affirmé : « je n'ai pas pu obtenir une
permission pour me rendre à Ghaza, ce que j'aurais aimé faire.
J'ai demandé une autorisation, mais on me l'a refusée », a-t-il
expliqué à des journalistes. M. Carter devait rencontrer à
Ramallah plusieurs personnalités palestiniennes, parmi
lesquelles l'ancien vice-Premier ministre appartenant au Hamas,
Nasser Shaer, puis le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad.
Arrivé dimanche en Israël, Jimmy Carter, par ailleurs prix Nobel
de la paix en 2002, effectue une tournée de neuf jours dans la
région, qui le mènera en Egypte, en Syrie, en Jordanie et en
Arabie-Saoudite, dans le but de faire avancer les efforts de
paix. Quant à la Maison-Blanche, elle a tout simplement souligné
lundi que M. Carter ne représentait pas les Etats-Unis. Le
président George W. Bush « pense que si le président Carter veut
y aller, il le fera à titre personnel, en tant que simple
particulier ; il ne représente pas les Etats-Unis dans ces
rencontres, le président n’est pas favorable à des discussions
avec le Hamas, et nous l’avons fait savoir », a dit la
porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino. Israël, les
Etats-Unis et l’Union européenne considèrent le Hamas — qui a
remporté les élections législatives dans la bande de Ghaza en
2006 — comme une organisation terroriste. Du côté des
présidentiables américains, le républicain John McCain a estimé
qu’une rencontre avec le chef du Hamas serait « une grave et
dangereuse erreur ». Le sénateur de l’Arizona s’en est pris à
son adversaire démocrate, Barack Obama, qui a refusé de
condamner formellement l’initiative de M. Carter. « Je n’ai pas
à faire de commentaires sur l’ancien président Carter. C’est un
simple citoyen et ce n’est pas mon rôle de dire qui il devrait
ou qui il ne devrait pas rencontrer », avait dit vendredi M. Obama.
« J’ai dit de façon continuelle que je ne rencontrerai pas le
Hamas qui est une organisation terroriste », a ajouté le
sénateur de l’Illinois. Une rencontre entre M. Carter et le chef
du Hamas pourrait indirectement gêner M. Obama. Un porte-parole
de Hillary Clinton, Phil Singer a, pour sa part, indiqué que
« Hillary respecte l’ancien président Carter, mais n’est pas
d’accord avec sa décision de rencontrer le Hamas sans
coordination avec Israël ». Passant outre ces recommandations et
ces conseils, Jimmy Carter a prôné lundi, en Israël, le dialogue
avec la Syrie et le Hamas. « Je pense qu’il est absolument
crucial que le Hamas et la Syrie soient impliqués dans un accord
de paix final, rêvé et souhaité pour la région », a défendu
M. Carter lors d’une rencontre avec des acteurs économiques
israéliens. « Même si je ne suis pas dans un rôle de négociateur
ou de médiateur, j’espère que nous pourrons amener les
Palestiniens dans leur ensemble à signer un cessez-le-feu et
avancer vers la paix et la justice », a ajouté l’ancien
président. Le Hamas a estimé que la rencontre entre MM. Carter
et Mechaâl permettrait de « briser la politique d’isolement »
imposée au mouvement. La rencontre « sera l’occasion pour le
Hamas de clarifier ses positions et permettra de briser la
politique d’isolement imposée par les Etats-Unis, Israël et
d’autres parties, au Hamas », a affirmé un porte-parole, Sami
Abou Zouhri. M. Carter a foncé tout droit vers ce statu quo.
L’enjeu est important puisque le Hamas parle d’ores et déjà de
clarifications. Mais sera-t-il entendu ? Le président israélien,
Shimon Pérès, verse déjà dans la surenchère, laissant entendre
qu’il n’y aura pas d’Etat palestinien.
Droits de reproduction et de diffusion
réservés © El Watan 2006
|