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Opinion
Les Libanais ne sont
plus dupes
Soraya Hélou
Vendredi 25 mars 2011
Les dépêches diplomatiques américaines révélées par « Wikileaks
» sont en train de peser une tonne et rien ne bouge au sein de
la classe politique libanaise. La situation est quand même
étrange. Une seule de ces dépêches montrant la collusion entre
des personnalités à l’intérieur d’un pays et l’agresseur de ce
même pays auraient suffi partout ailleurs qu’au Liban à secouer
l’ensemble de la classe politique et à provoquer des changements
importants sur l’échiquier national. Mais au Liban, les dépêches
se multiplient, devenant chaque jour un peu plus compromettantes
pour une partie non négligeable de la classe politique, et rien
ne se passe. Au contraire. Les personnes impliquées dans les
dépêches, qui ont fait des confidences aux diplomates américains
sur les meilleurs moyens de briser le Hezbollah et de donner une
victoire à Israël protestent de leur innocence et se présentent
comme des fervents nationalistes, ayant à cœur l’intérêt du
pays. On croirait rêver. Jamais sans doute le niveau de
décadence politique n’a été aussi bas. Et les Libanais,
emprisonnés dans leurs considérations confessionnelles, ne sont
plus en mesure d’avoir un jugement sain et clair.
C’est vrai que les dépêches remontent à 2006 et qu’elles portent
sur une période particulière, celle de la guerre israélienne de
2006. Mais quelles que soient les circonstances, comment
appelle-t-on dans le dictionnaire universel celui qui souhaite
ouvertement la victoire de la force qui attaque son pays et ses
citoyens et fournit des conseils via les diplomates américains à
l’ennemi pour que ses frappes soient plus efficaces, allant même
jusqu’à solliciter la prolongation de la guerre pour que la
résistance soit définitivement brisée? Désolée pour les
personnes mises en causes, mais leur action ne peut être
qu’appelée de la traîtrise. Et elle exige une demande de compte
voire une plainte devant la justice. C’est d’ailleurs ce que
compte faire le Hezbollah, même si nul ne se fait beaucoup
d’illusions sur l’issue des plaintes devant la justice.
Par cette réaction, le Hezbollah a sans doute voulu calmer ses
nombreux partisans et les nationalistes choqués de l’ampleur de
la traîtrise au sein de la classe politique. Reste un élément
important: la campagne actuelle du 14 mars et en particulier du
Courant du Futur contre les armes « utilisées à l’intérieur »
prend une tout autre dimension à la lumière des révélations de «
Wikileaks ». En 2006, Israël avait lancé une guerre féroce
contre le Liban faisant pleuvoir au-dessus des têtes des
Libanais des milliers d’obus. Cela n’avait pas empêché les
piliers du 14 mars de réclamer la défaite de la résistance face
à l’armée ennemie. A cette époque-là, les armes du Hezbollah
étaient dirigées contre les soldats israéliens et les «
souverainistes » du Liban avaient souhaité leur disparition.
Alors comment ces mêmes souverainistes comptent-ils nous
convaincre qu’aujourd’hui, ils ne réclament que le retrait des
armes dirigées contre l’intérieur, en faisant une distinction
virtuelle entre les armes tournées vers l’intérieur et celles
destinées à la résistance contre Israël? La nuance pourrait être
ridicule si elle n’était aussi grave, se voulant subtile et
préservant la face de ceux qui réclament le désarmement du
Hezbollah. Mais avec les révélations de Wilikelaks, cette nuance
dans la revendication montre clairement son intention cachée:
rendre un service gratuit à Israël et mettre en difficulté le
Hezbollah parce qu’il dérange les Américains et les Israéliens.
D’ailleurs, en écoutant les orateurs du 13 mars, de nombreux
Libanais se sont demandés: mais de quel pays parlent-ils? Au
Liban, sont-ce bien les armes du Hezbollah qui menacent les
citoyens dans leur vie quotidienne, qui empêchent les autorités
de baisser le prix de l’essence ou bien de surveiller les prix
et la qualité des produits fournis aux consommateurs? Cela
suffit de prendre les libanais pour des imbéciles. La réalité
est claire comme de l’eau de roche: au Liban, une partie de la
classe politique veut désarmer le Hezbollah, faire la paix avec
Israël et contrôler ensuite le pays à la manière de la famille
Kadhafi qui a fait main basse sur toutes les ressources du pays.
Le problème c’est que cette partie ne représente pas tous les
Libanais et toutes ses belles déclarations en faveur de la
démocratie et des libertés n’y changeront rien. Les Libanais,
heureusement ne sont plus dupes.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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