Usage de l'antisémitisme à des fins
politiques
L'accusation d'antisémitisme ne fait pas toujours
recette
Silvia Cattori
23 mai 2008 MM. Bernard Ravenel
et Richard Wagman - deux responsables d’associations de
solidarité avec la Palestine qui, en France, en lien avec les
militants du « camp de la paix » israélien ont exercé, ces
dernières années, une influence dominante dans les débats et les
orientations du mouvement de solidarité (*) - ont été condamnés,
le 15 janvier 2008, par la XVIIème chambre du tribunal
correctionnel de Paris pour avoir diffamé en le traitant d’
« antisémite notoire » et de « négationniste notoire », sans
aucune preuve à l’appui, le journaliste et écrivain Jean-Paul
Cruse. (**) Cette
condamnation, [1]
n’a apparemment pas fait la une des médias : c’est généralement
quand quelqu’un est accusé d’ « antisémitisme » que l’on parle
de lui, et pas quand il est absous. Elle doit néanmoins être
ressentie comme une grande délivrance par toutes les personnes
qui se sont trouvées injustement diffamées par ce genre
d’accusations. Mais également par toutes les personnes qui ont,
aujourd’hui, peur de s’exprimer, ne sachant plus si elles
peuvent encore dire ce qu’elles pensent sans encourir le risque
de se voir faussement accusées d’un délit sanctionné par la loi
et passible de prison.
À noter que les accusations
d’ « antisémitisme » s’intensifient quand les opérations
militaires israéliennes contre ses voisins augmentent en
intensité meurtrière ; on pourrait en déduire qu’elles
contribuent très utilement à détourner l’attention de l’opinion
des atrocités commises par Israël.
En 2003 déjà, M. Bernard
Ravenel, avait accusé publiquement « d’antisémitisme » M. Marcel
Charbonnier. Cela avait été relayé sans aucune vérification par
les quotidiens Le Monde et
Libération. Ce qui avait valu à M. Marcel Charbonnier un
interdit professionnel et un procès, heureusement remporté,
conjointement avec M. Pierre-Alexandre Orsoni, à Marseille [2].
L’accusation d’
« antisémitisme », est une arme très efficace quand on veut
faire taire des voix qui dérangent. Que cette arme soit utilisée
à cet effet par des organisations juives dont la vocation est de
faire la promotion de l’Etat d’Israël comme le CRIF, l’UPJF,
l’UEJF [3]
n’est guère étonnant. Mais qu’elle le soit aussi par des
organisations de solidarité avec les Palestiniens est beaucoup
plus intrigant. Or, MM. Ravenel et Wagman et leurs associations,
en ont largement usé [4].
Alors que l’Etat d’Israël
peut se permettre de pratiquer ouvertement l’apartheid et le
nettoyage ethnique, sans susciter de réactions de la part de la
« communauté internationale », jamais les Palestiniens n’ont été
dans une situation plus effroyable. Et les gens lucides, qui
continuent de soutenir les droits inaliénables des Palestiniens,
n’ont jamais été aussi découragés par les échecs et les
déceptions essuyés, à cause des trahisons de ceux qui sont
censés les défendre.
Dans le débat autour de la
Palestine, de plus en plus de gens préoccupés par l’aggravation
de la situation et les réponses inadéquates apportées, se sont
sentis désorientés par les options de responsables
d’associations, de journalistes et de sites réputés
« progressistes », dont la pratique consistait, en réalité, à
contrôler le discours sur Israël, donc à censurer, à contenir ou
à contrer les voix « radicales ». C’est-à-dire l’expression de
celles et ceux qui soutenaient ouvertement le droit du peuple
palestinien à combattre l’occupant israélien par tous les
moyens, y compris par les armes. Ou encore l’expression de ceux
qui contestent la légitimité de l’Etat ‘juif’ d’Israël et qui
considèrent qu’il n’y aura jamais de solution à ce conflit tant
que l’idéologie sioniste n’aura pas été éradiquée, comme en
conviennent de plus en plus d’Israéliens éclairés, tel M. Avraham
Burg.
Mais pourquoi ont-ils agi
ainsi ?
Est-ce parce que leur loyauté
profonde va davantage à la préservation de l’« l’Etat juif »
qu’à la Palestine, et qu’ils cherchent ainsi à orienter le
mouvement de solidarité sur des positions qui soient le moins
dommageables aux intérêts d’Israël ?
Reste à espérer que la
condamnation de MM. Ravenel et Wagman par le Tribunal
correctionnel de Paris mette un terme aux manoeuvres déloyales
de celles et ceux qui n’ont pas hésité à jeter la suspicion et
l’anathème sur des honnêtes gens, dans le but de leur imposer le
silence sur les crimes d’Israël, un Etat colonial violent et
raciste.
(*) Bernard Ravenel est responsable de
l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et Richard
Wagman est membre de l’Union Juive Française pour la Paix
(UJFP).
(**) Journaliste et délégué syndical depuis
la fondation de Libération, M. Cruse avait
négocié, fin 1994, son départ contre une importante indemnité de
la part de ce journal. Nous n’entrons pas ici dans la substance
des campagnes médiatiques lancées contre lui à cette époque, et
qui n’ont pas de lien direct avec l’affaire qui vient d’être
jugée.
Nous ne connaissons personnellement ni M.Cruse, ni ses
accusateurs MM. Ravenel et Wagman. Mais nous connaissons de
nombreuses personnes qui, comme M. Cruse, ont vu leur réputation
salie ou leur vie détruite par de fausses accusations d’
« antisémitisme » ou de « négationnisme ».
Silvia Cattori
[1]
Voir : « La
XVIIème chambre du Tribunal correctionnel de Paris rend justice
à Jean-Paul Cruse », 22 janvier 2008.
[2]
Ces deux personnes traduisaient et diffusaient des textes qui ne
pouvaient que déranger la ligne politique de M. Ravenel et de
ses amis. La prise de position de M. Ravenel dans
Le Monde avait suscité des protestations
même au sein de son association, voir :
« Lettre
de Sabine Gherrak, membre de l’AFPS à l’Association France
Palestine Solidarité », 12 avril 2003.
[3]
CRIF : Conseil Représentatif des Institutions Juives de France.
UPJF : Union des Patrons et des professionnels Juifs de France.
UEJF : Union des Etudiants Juifs de France.
[4]
Sur ces pratiques de l’UJFP, voir :
« Palestine :
l’ampleur de la tragédie exige un soutien sans faille »,par
Silvia Cattori, 30 janvier 2005.
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