Opinion
Stratfor remet en
cause le discours sur la Syrie
Sharmine Narwani
Photo: Sana
Mercredi 21 décembre
2011
Cet article de Sharmine Narwani est
avant tout un compte rendu de lecture
d’un texte publié par Stratfor, un
institut privé d’analyse stratégique
basé au Texas.
Stratfor d’est intéressé au discours sur
la Syrie et aux récits colportés par les
uns [le gouvernement] et surtout les
autres [l’opposition] et à ses
implications sur la crédibilité des
acteurs Syriens de la crise.
Je n’ai pas de commentaire particulier à
faire, le texte est d’une grande clarté.
Djazaïri
The Huffington Post
(USA) 19 décembre 2011 traduit de
l’anglais par Djazaïri
Depuis l’éclatement
des premières manifestations de rue en
Syrie en mars dernier, les discours sur
la crise syrienne sont restés assez
fidèles au thème propose pour toutes les
révoltes arabes. Un dirigeant
autoritaire qui écrase une opposition
pacifique à son régime et ouvre le feu
sur des civils avec un nombre de
contestataires qui explose et une montée
du nombre des tués…
Mais nous entrons
maintenant dans le dixième mois de cette
révolte particulièrement violente – même
la Libye avec sa guerre civile à
outrance, les choses n’ont pas été si
longues. Alors qu’est-ce qui se passe ?
Selon l’organisme
texan d’analyse du risque géostratégique
Stratfor, qui a publié la semaine
dernière un article à rebrousse-poil sur
les efforts propagandistes de
l’opposition syrienne, « la plupart des
accusations les plus graves faites par
l’opposition se sont avérées être
grandement exagérées ou tout simplement
fausses, nous en apprenant ainsi plus
sur la faiblesse de l’opposition que sur
le niveau d’instabilité à l’intérieur du
régime syrien.»
C’est important pour
deux raisons. Premièrement, c’est
peut-être la première fois qu’une firme
américaine de recueil d’informations
ayant pignon sur rue met en cause
ouvertement le discours en vigueur sur
la Syrie. Deuxièmement, les conclusions
de Stratfor soulèvent la question : sur
quoi basons-nous nos initiatives
politiques si nos hypothèses sous
jacentes sont faussées ?
Quel est réellement
le niveau d’instabilité en Syrie? Quelle
est l’ampleur de l’opposition au régime
de Bachar al-Assad ? Le bilan des
victimes nous cloue sur place de dégoût
– aujourd’hui, le plus fort taux de
décès par jour – mais quelle est la
valeur de ces chiffres ? Qui sont ces
victimes et peut-on vérifier ? Les
militants locaux sont-ils capables de
distinguer entre un civil pro-régime tué
et un civil anti-régime mort – surtout
maintenant que les deux camps sont armés
et tirent ?
Je ne suis pas en
mesure de discuter ces chiffres et ces
aspects, alors je ne le ferai pas. Mais
je poserai la question : d’où viennent
les « faits » rapportés ?
Un biais inhérent aux
données syriennes?
Le problème avec les
données qui proviennent des
organisations d’opposition est que ces
dernières ont un intérêt évident à
diffuser des informations dont elles
tirent un « bénéfice » et à minimiser
les statistiques qui leur sont «
dommageables.» Et ce même principe vaut
aussi pour le gouvernement – et c’est
pourquoi nous accueillons avec prudence
les annonces du régime syrien.
On ne voit pas
l’opposition syrienne informer
activement sur les simples soldats tués
par exemple – sauf à dire que ce sont
des militaires tués pour avoir déserté.
Twitter grouille e ce moment de messages
selon lesquelles plus de 70 de la grosse
centaine de tués sont des «déserteurs».
On n’entend pas non
plus parler du nombre de civils
favorables au régime tués par
l’opposition armée – dont certains
auraient été tués alors qu’ils
«manifestaient» pour soutenir le régime
syrien.
Maintenant, ça ne
veut pas dire que l’opposition syrienne
ment purement et simplement pour
s’adjuger la sympathie et le soutien de
l’étranger – surtout parce que «
l’opposition » n’est pas homogène et
vient de différents horizons, par leur
importance et leurs orientations.
Mais Stratfor
s’interroge clairement sur les vises de
certaines de ces organisations et le
fait sur la base de preuves très
récentes sur des campagnes de
désinformation :
L’article de Stratfor
s’intéresse principalement aux efforts
de l’opposition pour créer l’impression
ces dernières semaines qu’il existe une
fracture significative dans le propre
clan du président Assad et dans sa secte
alaouite minoritaire dont des membres
occupent les plus hautes fonctions dans
les forces armées du pays et au
gouvernement.
Parmi ces gaffes de
toute première importance, une
information du 10 décembre qui laissait
entendre que le “vice ministre syrien de
la défense et ancien chef du
renseignement militaire Asef Shawkat
avait été tué avec son adjoint et ancien
chef de la direction générale de la
sécurité, le général Ali Mamlouk.”
Stratfor postule que
“l’image [sans fondement réel] de deux
sunnites haut placés dans le régime
tournant leurs armes l’un contre l’autre
» contribue à créer « une histoire
convaincante » pour des organisations
qui veulent « entamer l’image d’un
cercle rapproché d’Assad uni dans la
volonté de réprimer l’opposition et de
sauver le régime. »
Autre exemple avec
une déclaration du 9 décembre publiée
dans le journal à capitaux saoudiens
Asharq al Awsat par une « ligue Alaouite
des Comités de Coordination » auparavant
inconnue qui prétend représenter la
communauté alaouite en Syrie, « rejetait
toute tentative de tenir la secte
alaouite pour responsable de la
‘barbarie’ du régime Assad. Stratfor
explique que cette histoire fabriquée
donne « l’impression que la communauté
alaouite se fissure et que le régime
Assad fait face à une sérieuse perte de
soutien à l’intérieur de sa propre secte
minoritaire. »
Les analystes bases
aux USA citent alors leurs propre source
interne à l’opposition syrienne qui
“admet que cette organisation était en
fait une invention de l’opposition
Sunnite en Syrie.”
Le même jour,
d’autres organisations d’opposition
connues, dont le Conseil national Syrien
(CNS), l’Armée Syrienne libre (ASL) et
l’Observatoire Syrien des Droits de
l’Homme établi à Londres, commençaient à
diffuser « des affirmations selon
lesquelles les forces du régime
assiégeaient Homs et avaient donné un
ultimatum de 72 heures aux déserteurs
Syriens pour qu’ils se rendent avec
leurs armes sous peine de risquer d’être
massacrés.»
Cette information a
fait la une dans le monde entier – après
tout, Homs avait été le centre de la
colère et de la dissidence contre le
régime, avec un nombre de tués bien
supérieur à celui d’autres points
chauds. L’enquête de Stratfor n’a
cependant trouvé « aucun signe
[annonciateur] de massacre, » et nous
avertit que «les forces de l’opposition
ont un intérêt à brosser le tableau d’un
massacre imminent, dans l’espoir de
reproduire les circonstances qui ont
entraîné une intervention militaire en
Libye.»
L’article poursuit en
laissant entendre que les massacres dont
on parle sont peu probables parce que «
le régime a calibré sa répression pour
éviter un tel scénario. Les forces
gouvernementales, » soutient Stratfor, «
ont pris soin d’éviter les chiffres
élevés de tués qui pourraient conduire à
une intervention sur la base de
principes humanitaires. »
Et ainsi de suite
Les récits mensongers
brouillent les pistes
Stratfor identifie
quelques objectifs évidents qui
orientent la propagande des
organisations syriennes d’opposition
- Convaincre les
Syriens à l’intérieur du pays (en allant
au delà de la majorité Sunnite pour
toucher les minorités qui pour l’instant
soutiennent largement le régime) que le
régime se lézarde et qu’il n’y a donc
plus d’intérêt à le soutenir.
- Convaincre les
acteurs externes, comme la Turquie, la
France et les Etats Unis, que le régime
est en train de se fracturer et
s’apprête à commettre des massacres pour
écraser l’agitation, dans le droit fil
de ce que le régime avait fait en 1982 à
Hama.
- Convaincre les
Syriens comme les acteurs extérieurs que
l’effondrement du régime Assad ne
débouchera pas sur le niveau
d’instabilité qui a sévi en Irak pendant
près d’une dizaine d’années, ni sur la
montée des islamistes comme cela semble
être le cas en Libye. A cette fin, l’ASL
a mis l’accent sur ses actions
défensives et de protection des civils
pour éviter d’être qualifiée de
militants [terroristes]. Entre temps,
l’opposition civile a souligné couloir
conserver les structures étatiques
intactes, de sorte à éviter le scénario
irakien ou d’avoir à reconstruire l’Etat
à partir de zéro en pleine guerre
sectaire.
Stratfor relève que
les organisations d’opposition ont
réussi à faire passer leurs messages
dans les media grand public occidentaux,
et que ces organes d’informations «
citent [régulièrement] des dénombrements
de victimes fournis par l’Observatoire
Syrien des Droits de l’Homme, sans être
en mesure de vérifier l’information. ».
Mais l’article observe aussi que « le
manque de coordination entre les divers
organes d’informations de l’opposition
et le manque de fiabilité des
informations fragilise la crédibilité de
l’opposition dans son ensemble.»
La Syrie a signé
aujourd’hui un protocole avec la Ligue
Arabe qui ouvrira la voie à une mission
d’enquête sur le terrain. Si cet
important processus n’est pas détourné
par des forces politiques régionales –
un scénario improbable même avec les
meilleures intentions – nous devrions
commencer à avoir des informations
vérifiables sur ce qui se passe dans le
pays.
En l’absence de
faits, l’histoire syrienne n’a aucune
chance de surmonter l’animosité et la
rancœur ressentis dans les deux camps.
Des histoires fausses, même sincères, ne
feront qu’entretenir le conflit. Bravo à
Stratfor pour avoir mis en relief
l’importance de la transparence de
l’information.
Article original:
http://www.huffingtonpost.com/...
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|