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Asia Times Online
Des tirs dans l'obscurité, au-dessus des cieux
de la Syrie
Sami Moubayed
22 septembre 2007
article original : "Shots
in the dark over Syria's skies"
DAMAS - Alors qu'il est devenu le premier officiel
israélien à admettre que son pays a bien mené une attaque aérienne
contre la Syrie, le 6 septembre, le chef de l'opposition israélienne,
Benjamin Netanyahou, n'a pas donné d'autres explications sur
cette escapade, ajoutant ainsi un peu plus à la montagne de spéculations
qui existe déjà à propos de cet incident.
Netanyahou a déclaré jeudi qu'il avait apporté son soutien au
Premier ministre Ehoud Olmert pour "une attaque" et il
s'est promptement fait rabrouer par le chef du gouvernement pour
avoir commis un impair.
Israël a imposé un black-out sur les médias à propos des événements
de la nuit du 6 septembre, alors que la Syrie a affirmé que son
espace aérien avait été violé dans la province septentrionale
de Raqqa et que ses défenses avaient obligé les F-15 israéliens
à s'enfuir, larguant des "munitions" et des réservoirs
de carburant dans le désert près de la frontière turque.
Cependant, les médias américains insistent pour dire que les
Israéliens ont touché quelque chose d'essentiel. Les derniers
rapports, attribués aux "sources gouvernementales étasuniennes",
disent qu'Israël, avec l'aide et le soutien tacite des Etats-Unis,
a bombardé une installation où des armes nucléaires étaient en
cours de développement avec l'aide de la Corée du Nord.
La Syrie et la Corée du Nord ont toutes deux réfuté qu'elles
coopéraient en matière de technologie nucléaire et Pyongyang a
émis une condamnation sévère de l'intrusion israélienne dans
l'espace aérien de la Syrie.
Ces deux pays insistent sur le fait que ces accusations ont été
fabriquées par les Etats-Unis pour des raisons politiques -
visant principalement la Corée du Nord. Les faucons, en
particulier John Bolton, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à
l'ONU, s'inquiètent de la tournure pacifique que prennent les
pourparlers sexpartites sur le programme nucléaire nord-coréen,
préférant la confrontation.
Joshua Landis, professeur à l'Université d'Oklahoma et expert en
affaires syriennes - il dirige le site Syriacomment.com -, a déclaré
: "Bolton représente la masse de ceux qui sont très
bouleversés que les Etats-Unis aient déclaré avoir perdu en Corée
du Nord, par faute d'avoir fait confiance aux Nord-Coréens. Ils
aimeraient faire échouer cet accord."
Un diplomate lié à l'Agence Internationale à l'Energie Atomique
(AIEA) a été cité disant que l'AIEA n'avait aucune connaissance
d'une installation nucléaire en Syrie.
Buthaina Shaaban, la ministre syrienne des expatriés, a fait le
commentaire suivant sur al-Manar TV : "Toute cette histoire
est fausse. Je ne sais comment leur imagination a pu atteindre une
telle créativité." Elle a ajouté : "Il est
regrettable que la presse internationale soit si occupée à
justifier cette agression contre un Etat souverain et le monde
devrait s'occuper de la condamner au lieu d'inventer des raisons
et des justifications pour cette agression."
Cette histoire sur la Syrie et la Corée du Nord a commencé
lorsque Andrew Semmel, du Département d'Etat américain, a
soutenu que la Syrie "pourrait avoir" obtenu des équipements
nucléaires de la part de "fournisseurs secrets",
ajoutant : "Là-bas [en Syrie], il y a des Nord-Coréens. Il
n'y a aucun doute là-dessus".
Il a réitéré ces accusations, qu'il avait portées dès 2004,
selon lesquelles un réseau dirigé par Abdul Kader Khan, le
scientifique nucléaire pakistanais, aujourd'hui en disgrâce, qui
aurait fourni des centrifugeuses de gaz et de l'hexafluorure
d'uranium à la Corée du Nord, opérait depuis la Syrie. Mais il
n'y a pas la moindre preuve du réseau de Khan opérant depuis le
territoire syrien - autrement, elle serait remontée à la
surface.
Aux Etats-Unis, les journalistes ont pris la suite, disant que le
dirigeant nord-coréen, Kim Jong-il, pourrait cacher des matériaux
en Syrie, tout en prétendant débarrasser son pays des armes nucléaires
afin d'améliorer ses relations avec les Etats-Unis.
Il y a eu des rapports selon lesquels, trois jours avant l'attaque
israélienne, un bateau transportant les matériaux nord-coréens
étiquetés comme "ciment" a déchargé sa cargaison en
Syrie. Ces matériaux, estimaient ces rapports, étaient de l'équipement
nucléaire.
Ces rapports ont été récusés. Joseph Cirincione, l'auteur de Bomb
Scare: The History and Future of Nuclear Weapons [Alerte à la
Bombe : l'histoire et le future des armes atomiques], chercheur et
directeur de la politique nucléaire au Center for American
Progress, a déclaré : "Cette histoire est
absurde".
Ainsi qu'il a été dit plus haut, cette histoire sur la Corée du
Nord n'est pas nouvelle. Elle a commencé en 2004 lorsque Bolton,
alors sous-secrétaire au contrôle des armements, a accusé la
Syrie de couver des ambitions nucléaires. Cela faisait partie du
flot d'accusations après l'invasion de l'Irak en 2003.
On a d'abord accusé les copains de Saddam Hussein de s'être
enfuis à Damas. Lorsqu'ils ont été arrêtés les uns après les
autres à l'intérieur de l'Irak, l'histoire a changé : Les armes
de destruction massive de Saddam étaient cachées en Syrie.
Lorsque cela s'est avéré faux, Bolton est arrivé avec son
accusation énorme.
Cela a provoqué une enquête de l'AIEA, à la suite de laquelle,
l'agence a déclaré qu'il n'y avait aucune preuve soutenant ces
accusations. Le chef de l'AIEA, Mohamed el-Baradei, a fait le
commentaire suivant le 26 juin 2004 : "Nous n'avons obtenu
aucun élément d'information nous permettant d'avoir quelque
inquiétude vis-à-vis de la Syrie".
David Albright, l'ancien inspecteur en armement des Nations-Unies,
dit que l'AIEA a trouvé que les accusations de Bolton sur la
Syrie étaient "sans fondement".
La Guerre ou des mots ? Cette semaine, Israël a semblé essayer
de désamorcer les tensions avec la Syrie, avec Olmert disant
qu'il était prêt à entamer avec Damas des pourparlers de paix
sans conditions. Les deux pays sont en conflit depuis l'occupation
du Plateau du Golan par Israël, lors de la Guerre des Six Jours.
Le quotidien d'Etat syrien, Tishreen, a été prompt à répliquer
: "Ce qui est nouveau dans les propositions d'Olmert est le
ton respectueux, mais le reste n'est qu'une répétition des
vieilles propositions destinées à duper et à diviser".
Le 11 juillet, Olmert a fait une proposition similaire durant une
interview avec la chaîne saoudienne par satellite Al-Arabiyya :
"Je suis prêt à m'asseoir avec vous et à parler de paix,
pas de guerre. Je serai content si je pouvais faire la paix avec
la Syrie. Je ne veux pas livrer de guerre à la Syrie", a déclaré
Olmert.
Le 18 septembre, cette proposition a reçu un écho du Président
Shimon Peres, qui a ajouté : "Nous sommes prêts au dialogue
avec Damas".
A la suite de l'incursion aérienne, Israël a aussi transféré
des troupes depuis le Plateau du Golan vers le désert du Néguev,
pour désamorcer les tensions croissantes à la frontière. On
avait dit à Damas que cela se produirait.
Plusieurs heures avant que les avions israéliens ne traversent la
frontière syrienne, Javier Solana, le chef de la politique étrangère
de l'UE, a délivré un message du Ministre de la Défense Ehoud
Barak, selon lequel le déploiement de soldats sur la frontière
syrienne serait réduit pour éviter le déclenchement d'une
guerre, insistant sur le fait que son pays n'était pas intéressé
par une guerre avec les Syriens.
Si c'est le cas, cela n'aide pas à expliquer ce que les avions
israéliens faisaient au-dessus de la Syrie.
Sami Moubayed est un analyste politique
syrien.
© copyright 2007 : Asia Times On Line /
Traduction : JFG-QuestionsCritiques
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