Opinion
Les raisons d'un
échec
Saïd Radjef
Samedi 12 février 2011
La classe politique algérienne, après l’échec qui a ponctué
la marche d’aujourd’hui, ressemble à l’univers aux premiers
jours de sa création lorsqu’il offrait un seul et même aspect :
le chaos. Lorsqu’il n’était qu’une masse informe et confuse, un
bloc inerte, un entassement d’éléments contradictoires,
discordants et mal unis. Un univers ou chaque élément était un
obstacle au développement et à l’épanouissement des autres.
La démobilisation et le peu d’engouement affichés par la rue,
en réponse à l’appel de la coordination qui a exhorté les
algériennes et les algériens pour marcher aujourd’hui en faveur
d’un changement pacifique au régime totalitaire en place depuis
plus d’un demi siècle, ne sont pas seulement le résultat du
travail de sape entrepris par le DRS. C’est beaucoup plus le
résultat de la démarche des partis politiques. En tout état de
cause, cette démobilisation et ce manque de solidarité avec
« l’homme politique opposant » ne sont pas étrangers aux
méthodes archaïques et populistes si ancrées dans les traditions
de l’opposition algérienne.
Deux dictatures viennent de tomber grâce à la mobilisation de
deux peuples, que rien ne distingue du peuple algérien, tant sur
le plan culturel, civilisationnel qu’intellectuel. L’une en
rendant l’âme à Carthage, et l’autre en s’essoufflant sur les
bords majestueux du Nil.
Ni l’une ni l’autre ne semblent inspirer pour autant les élites
algériennes qui ont préféré plutôt se recroqueviller sur leurs
divergences superficielles et dont le comportement nous incite à
nous poser ces questions : l’opposition algérienne est-elle
aussi faible et aveugle au point de ne pas pouvoir déjouer le
travail de fractionnement entamé par la police politique depuis
l’avènement de « la révolution de jasmin » ? Comment donc le DRS
a-t-il réussi a faire ressurgir les querelles et les haines du
passé pour refroidir les ardeurs de toute une nation ?
La parfaite illustration est que certains camarades ont refusé
de marcher sous prétexte de voir les islamistes, le RCD et le
MDS à cette manifestation. Cette attitude suicidaire, outre son
caractère vaniteux, démontre l’immaturité politique de celles
et de ceux qui prétendent être les seuls représentants légitimes
pour guider la jeunesse et la rue d’une façon générale vers des
lendemains radieux. A cela hélas, s’ajoutent désormais, pour le
grand malheur de la rue, les querelles de clochers au niveau des
syndicats.
Pour empêcher la société de tisser des liens de solidarité et
de fraternité avec les corps constitués, le pouvoir d’Alger
désormais abandonné par ses tuteurs de Paris et de Washington,
s’est préparé à l’éventualité d’une « révolution » en augmentant
généreusement les salaires des policiers de 50% avec des rappels
de trois ans décrétés en décembre dernier, alors que les
gendarmes, les agents du CTRI et les troupes subalternes de
l’ANP ont subitement reçu d’autres faveurs, d’autres privilèges
et d’autres prérogatives extra constitutionnelles. Chose que la
junte a refusé de faire au moment le plus fort du terrorisme.
Le peuple voue une haine viscérale à la dictature des
généraux du DRS, mais refuse cependant de se reconnaître dans
les querelles, les divisions, les hésitations et l’absente d’une
stratégie concertée de l’opposition.
Le peuple algérien n’est ni dupe ni stupide. Comme tous les
peuples de la terre, il aspire à la liberté, à la démocratie et
à la diversité politique. Le mal n’est pas dans le peuple ; il
est dans les élites. Aussi il est tout à fait exact de dire que
le changement prendra plus de temps en Algérie par rapport à la
Tunisie et à l’Egypte.
Toutefois une chose est sure : en dépit de toutes les
hésitations et de toutes les suspicions, le changement est
inéluctable. Quelles que soient les circonstances, il aura lieu.
Que faire pour renverser le régime militaire en place depuis
plus d’un demi siècle ?
Il n’y a pas de recette miracle. Il faut faire preuve de
solidarité comme sont en train de le faire les différentes
castes du pouvoir. Il faut rompre avec les archaïsmes du passé
et du mensonge. Il faut cesser avec le populisme et faire preuve
de sacrifice et de détermination politique. Le peuple algérien
est aussi fort, homogene et généreux que les peuples tunisiens
et egyptiens.
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Publié le 12 février 2011
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