Opinion
Retour...d'Alep
Ramadan au mois d'août 2011
S.
Lafleuriel-Zakri
Alep
Jeudi 8 septembre
2011
Un mois d’août tout entier passé à Alep,
une nouvelle fois, puisque j’y séjourne
deux ou trois fois par an. Nous y avons
une maison dans la ville ancienne,
inscrite au Patrimoine mondial de
l’Humanité. C’est aussi pour cette
demeure ombragée de jasmins et de
bougainvilliers exubérants que je me
rends régulièrement en Syrie, et depuis
des années, dans ce quartier très
populaire tout proche de la citadelle et
du souk.
Alep, en ce mois d’août et de ramadan
par très grande chaleur, reste toujours
aussi calme,
impassible comme lorsque j’y étais
pendant un mois et demi au printemps et
même si, à chaque vendredi puis à la
prière d’après le jeûne, on nous
annoncera par médias occidentaux
interposés branchés en permanence sur
les informations envoyées de Londres par
ce très étrange OSDH, le grand et
définitif soulèvement qui embrasera
Alep, la « volcanisera » et sonnera
l’embrasement de la Syrie tout entière.
Au coeur de la ville ancienne, tout
autour de la citadelle et dans le
quartier des souks où nous séjournons,
nous ne constatons jamais aucun
changement, ni dans l’attitude des
habitants, ni dans leur façon de vivre.
Ce quartier est toujours aussi animé,
bruyant, parcouru par d’infatigables
suzukis qui transportent les ballots de
tissus fabriqués dans les ateliers ou
les marchandises presque toutes arrivées
de Chine : cette partie d'Alep travaille
avec l’Asie, l’Inde mais surtout la
Chine.
A l’heure de la prière, (le quartier
compte une dizaine de mosquées
anciennes, historiques, plus de cinq à
proximité de notre maison,) les hommes,
l'été souvent en galabiyés blanches, se
pressent en foule vers leurs lieux de
culte préférés. Et la nuit, des
tracteurs évacuent les tonnes de
matériaux qui encombrent les nombreux
chantiers de rénovation de bâtiments
antiques : khans, maisons, bains qui
doivent redonner vie à la ville
ancienne. Ils devaient accueillir ces
étrangers toujours plus nombreux. Mais,
en ces mois calamiteux, ce qui frappe
c’est la terrible absence des étrangers,
des touristes et
en groupes, couples ou en
solitaires. Ils manquent terriblement à
tout ce quartier si ancien mais qui
vivait finalement à l’international, une
partie de l’année. Ces étrangers
passaient tous par ce quartier
incontournable. Les ruelles du grand
souk sont désormais revenues à leur
clientèle : femmes bédouines en groupes,
habituels acheteurs, quelques étrangers
qui pour des raisons de travail sont
encore en Syrie. Juste avant ramadan, et
ouvert tard la nuit pendant le jeûne, le
souk va retrouver pourtant son
habituelle fébrilité, heureusement !
Mais dans leurs petites boutiques bien
connues des visiteurs de la Syrie, dans
celles qui se consacraient plutôt à
cette clientèle saisonnière, c’est
l’accablement, la tristesse et
l’incompréhension. Ils m’interrogent : «
Mais pourquoi cette hostilité de la
France et que leur veulent Sarkozy et
Djioupé (Juppé et « jouppa »jupe mot
d’origine arabe).
La solitude des marchands et
artisans traditionnels du petit khan
Chouné fait encore plus peine à voir.
Depuis des années j’y ai mes habitudes.
Assise dans l’allée opposée à la
citadelle, quelquefois sur un ballot de
coton ou un tas de tapis, presque chaque
après midi, j’observe habituellement le
va et vient des touristes en bavardant
avec mes amis : le jovial égyptien
réparateur de tapis, les jeunes frères
tisserands de linge de bain ou le
fabricant de courtepointes qui a
toujours du travail parce qu’il
travaille pour une chaîne de magasins
hollandais. Au printemps et en août,
nous y seront seuls. Et presque toutes
les boutiques sont fermées. Ce n’est
même plus la peine de les ouvrir. De
plus, avec ramadan et en août, aucune
chance de voir revenir cette clientèle !
les revenus du tourisme pour 2011 se
sont bel et bien envolés. Des boutiques
sont à vendre.
A quelques pas, les cafés de la
citadelle ont encore leurs clients mais
ce sont les « accros » à la pipe à eau :
ce narguilé que tètent tout aussi
goulûment nombre de femmes et bien trop
de jeunes syriennes Il y vient encore
les gens d’Alep qui fréquentent de plus
en plus les lieux en soirée, tard dans
la nuit, tandis que les familles du
quartier investissent la grande place,
piétonnière depuis peu. :les enfants
en ont fait leur terrain de jeu.
Quand nous quittons ce quartier
d’affaires, de mosquées et de vie,
prudentes malgré tout- mes filles ou des
amies m’accompagnent - et avant de nous
lancer dans ces déplacements « à
risques» paraît-il et qui nous vaut de
réguliers coups de fils alarmés de nos
amis de France ( !!!), nous nous
téléphonons d’un quartier à l’autre pour
aller aux nouvelles. Régulièrement la
réponse nous rassure : « rien »et rien »
ou...des rumeurs : incidents sans suite
et souvent juste affrontements brefs
entre pour et contre...En tout cas c’est
ce qui me revient et ce que nous
constatons. Pas de témoignages visuels
mais surtout des « on-dit » et par
exemple : » manifestation annoncée un
soir Place de la poste », mais mon amie
qui l’a traversée justement en voiture
n’a rien observé. Une de ses amies a
aperçu un homme avec un bâton traversant
la rue mais entraîné par les passants
hors du chemin des voitures. La rumeur
de personnages armés de bâtons et de
couteaux et voulant obliger les gens à
participer à des manifestations était
récurrente en mai. En juin, des
individus avaient ainsi menacé les gens
du souk et du quartier chrétien d’Azizié
En août,
c’est le calme et l’organisation puis
l’observation de ramadan qui prévalent
sur fond bien sûr de tristesse et
d’inquiétude...
Très tranquille mais très inquiète
Alep, donc, je la parcours en toute
tranquillité, en ce mois d’août
ordinaire, et comme d’habitude, et
malgré la chaleur, mais avec les
aménagements d’horaires pour cause de
ramadan et du moment de fin de jeûne. Je
vais en taxi ou à pied, et de jour et de
nuit, des quartiers nord à ceux du sud
et dans tous les sens pour des motifs
divers : visiter des amis, faire des
courses y compris à l’excentré mall- le
grand centre commercial qui contient
aussi le super marché Carrefour, avenue
de Gazientep - voie rapide qui relie
Alep à la ville turque frontalière d’où
part tout aussi également, et à un
semblable vaste rond point, l’avenue
d’Alep. Il me faut encore aller à la
banque et au quartier chrétien d’Azizié,
me rendre aux divers et très nombreux
cafés et restaurants, ici ou là, et dans
tous les coins de la ville découvrir les
nouveaux lieux de rencontre, me rendre à
la piscine –elles sont nombreuses à Alep
ou en périphérie, mixtes mais avec aussi
des jours réservées aux femmes. Les
piscines, de toutes catégories, sont
très populaires et très fréquentées
surtout pour la jeunesse alépine.
Ordinaires ou luxueuses, elles sont
situées dans les murs ou hors des murs
sur la route de Damas et même assez
loin, dans le nouveau centre aquatique
–Les Palmes- à quelque trente
kilomètres.
Si, comme au printemps, et comme en ces
jours d’avant et de ramadan, je n’ai
jamais vu le moindre rassemblement, par
contre mes interlocuteurs alépins
s’inquiètent de ce qui se passe à Hama
ou Homs et dans le mohafaza de Hama et
d’Idleb et avec raison : les deux villes
sont sur le nœud essentiel routier et
autoroutier qui fait communiquer le nord
et le sud ; l’est vers Deir ez zor et
l’ouest (la côte). Les autoroutes
relient Alep à sa capitale Damas dont
Alep dépend encore beaucoup pour ses
relations avec l’administration même si
elle a intensifié ses relations avec la
Turquie. Ces voies vont de Damas et
d’Alep, à la côte et ses ports :
Lattaquié et Tartous. D’où d’ailleurs
l’intérêt, sans doute, pour les
organisations de la contestation de
tenir ces points stratégiques pour
ralentir l’activité économique de la
Syrie.
Alep qui ne manifeste pas est ainsi
isolée
ou ses relations avec le reste du pays
sont entravées sauf en direction de la
Turquie où même par la zone kurde, la
voie reste possible ! Les communications
avec le reste du pays n’étant plus
considérées comme sûres, les relations
sont réduites même si autobus, taxis et
véhicules privés s’adaptèrent vite ou
trouvèrent des itinéraires plus
sécurisés. Les voyageurs privilégièrent
aussi les déplacements par avion. Une
amie alla pourtant fin juillet à
Beyrouth sans encombre ; une autre
franchit la frontière turque par Bab al
Awwa fin août avec ses enfants et sans
autre ennui qu’une longue fouille de sa
voiture par les douaniers turcs.
Il est vrai que, en ces temps de
désordre, les trafics en tout genre mais
encore d’armes très lucratifs ou de
mazout habituellement importants aux
diverses frontières (Dera’a,(Jordanie) ;
Tell Khalak (Liban) et dans la zone des
frontières turque et irakienne, se sont
intensifiés. Les fonctionnaires ne sont
plus respectés et sont menacés (à Alep
par exemple et partout en Syrie, les
constructions illégales, sans permis et
titres de propriétés, prolifèrent en
ville - ajouts d’étages y compris dans
la vieille ville- ou
sur les terres agricoles aux
alentours. Ces arrangements avec les
notables locaux
se faisaient déjà avant. Ce
n’était pas sans risques. Ces entorses à
la loi, courantes relevaient de la
corruption habituelle
mais des deux parties. Elles
profitaient
surtout aux classes aisées même «
démocrates et élevées à l’occidentale ».
Cela ne les gênait pas même quand l’eau
de leurs piscines était puisée dans la
nappe phréatique.
Les fonctionnaires des
municipalités souvent de classe modeste
étaient bien impuissants pour faire
respecter la loi quand ils en avaient la
volonté. Ils sont encore plus
impuissants aujourd’hui et par peur de
représailles déjà constatées dans toute
la Syrie. Il se fait aussi un
important trafic de mazout vers la
Turquie par exemple où les carburants
sont plus coûteux,
ce qui provoque des pénuries,
obligeant comme je l’ai constaté aux
stations services de la ville, les
véhicules de transport lourds à des file
d’attente toute relatives mais nouvelles
en ce mois d’août.
Et c’est aussi cet état aggravé de
violation du droit et des lois, la peur
du chaos et de l’augmentation de la
délinquance qui assurent son soutien
populaire à Bachar al Assad.
Pourtant aux entrées de la ville d’Alep,
Il n’y a que des contrôles assez
désinvoltes, une seule fois d’une
quinzaine de minutes. Il provoqua un
ralentissement de la circulation un
vendredi quand,au soir, tous les Alépins
regagnent la ville après s’être
dispersés dans les maisons de campagne
ou sur les sites de pique-niques sous
les pins, dans les environs. Il y bien
aussi quelques voitures de police aux
deux grands carrefours : vers
l’autoroute sud sur la route de Damas et
au grand carrefour de Liramoun d’où part
l’autoroute par l’avenue de Gazientep
déjà nommée, vers la Turquie ; et la
route qui, au loin, rejoint Raqqa,
l’Euphrate et la steppe. Les fouilles
des coffres de véhicules à l’entrée du
parking du centre commercial à plusieurs
étages et du magasin Carrefour et qui
avaient eu lieu au printemps, n’étaient
plus de mise en août. Ces magasins, à
l’approche et en plein ramadan, étaient
ouverts très tard, souvent après minuit
et très fréquentés. Ils sont de plus un
lieu climatisé de shopping, de promenade
et de lèche vitrines élégantes (les
mêmes que dans nos capitales, à Dubaï et
et en Turquie).
Alep aussi dans ses quartiers informels
: gens de Sorrour, Baïdin, Bab Nerab et
autres.
Il y a aussi, et tout comme à mes
précédents séjours, mes trajets en toute
sécurité en suzuki ou en voiture dans
les quartiers informels, périphériques
ou semi périphériques nord-est et
considérés par les citadins des
quartiers traditionnels plus organisés
ou de ceux très modernes du nord
nord-ouest, comme rebelles, ignorant les
lois et déconseillés aux non initiés.
Les familles y sont toujours très
nombreuses (une spécialité syrienne où
il est courant qu’une dizaine de
personnes ou plus cohabitent sous le
même toit : couple,4 ou 5 et plus
enfants et grands parents). Les plus
précaires vivent dans des bâtisses
construites en parpaings en hâte et sans
autorisation. Branchées légalement ou
illégalement sur le réseau électrique et
d’eau, toutes ont leurs antennes
paraboliques et peuvent très vite se
transformer en véritables villas ou
immeubles cossus comme on le voyait et
depuis des lustres dans le célèbre et
turbulent quartier de Bab Neyrab.
Autrefois connu
pour ces vastes entrepôts voûtés
où s’entassaient surtout coton, laine
brute et autres produits de l’importante
filière du textile et de l’élevage
syrien dont les peaux, Bâb Narab est
aujourd’hui en pleine restructuration et
se veut honorable ! De ces quartiers
lointains viendront, par exemple, les
enfants de ces familles débrouillardes
et courageuses qui, en plus du commerce
licite ou illicite, vivent de petits
travaux divers ou de récupération. Dans
mon quartier de la citadelle, ils
récupèrent les emballages en carton
entassés au soir à la porte des ateliers
et des boutiques du souk. Tous les
garçons sont, là, auprès de leur père,
après l’école s’ils y vont, et très tard
dans la nuit en ces jours de vacances.
C’est en tout cas ce que m’expliquent
ces gamins polis, souriants et très
responsables qui aiment me raccompagner
jusqu’à ma porte.
Dans certains de ces quartiers mal vus
des « bourgeois alépins » qui ne s’y
rendent que pour affaires pressantes, il
y cohabite me raconte mon accompagnateur
qui travaille dans le bâtiment, des gens
de toutes origines : des familles de
grands négociants d’ancienne origine,
propriétaires d’entrepôts et commerçants
de longue date y compris à
l’international, des gens venus de tous
les horizons et de toutes origines
ethniques. C’est aussi les quartiers où
subsistent, à la frange de la cité et de
la campagne, des tribus – les ashirés -
On m’explique que ce ne sont pas
vraiment de grandes tribus d’Alep ou de
la région : les Hadidiyin, Sba’a, Fedan
etc, qui nomadisent ou sont plus ou
moins sédentarisées dans la badiya ou
installées dans la ma’moura (zone
intermédiaire ; désert- zones cultivées.
Ce sont plutôt des sous-tribus
paupérisées dont les Beggharas
« éleveurs de vaches », et pas
vraiment hiérarchisées.
avec chefs respectés. Ce sont
plutôt de pauvres clans et
groupes de familles, installés autrefois
à la lisière des villes et en relation
avec la campagne, aujourd’hui presque
dans la cité mais mal intégrés à la vie
citadine et suscitant toujours la
défiance des « vrais citadins du centre
» ! Ces derniers redoutent ces
populations à la réputation de rebelles.
Ils le furent à différentes occasions.
On y peut, aussi, recruter les jeunes
hommes frondeurs et désoeuvrés devenant
des sortes de mercenaires payés par «
qui paye « pour surveiller ou pour
casser ( !).
De là viendraient ceux que l’on désigne
comme les Chabbiha.
Dans l’un de ces quartiers, je retrouve,
moi, les ferrailleurs et les
récupérateurs de pierres taillées, de
boiseries, d’éléments de décors divers
arrachés aux anciennes maisons en
démolition ou écroulées sous le poids
non des ans mais de très nombreux
siècles.
C’est le quartier
de Baydin, proche de Sorrour et «
Holhok ». Si je sais y aller,
accompagnée d’artisans qui y trouvent
les matériaux réemployés dans les
nombreux projets de réhabilitation de la
ville ancienne, j’ignore comment on
écrit leur nom. Par contre, je m’y rends
toujours sans aucun sentiment jamais
d’insécurité. Quand on s’intéresse à
leur travail, à leur activité, le peuple
syrien, les artisans en particulier mais
encore les marchands, tous sont d’une
incroyable affabilité, dignité et
loyauté.
Un fait divers dans le quartier de
Sorrour fit pourtant, en août, parler de
lui y compris à l’international. Mais il
fut bien et resta, avec quelques
mouvements dans les mosquées de deux
quartiers : Saïf al Daoula et
Medine Jamahiyé,
les seuls incidents sérieux.A
Sorrour, un jour de la mi-août, on y
dénombra en effet six morts à l’occasion
de ce qui fut présenté comme un début de
révolte sans doute sur France 24 ou
Jazeera. La rumeur parla plutôt, et dès
le lendemain, d’affrontements entre deux
clans - chose récurrente en ces lieux,
et qui en restèrent là.
Il se trouve que cet événement se passa
la veille d’une invitation pour la fin
du jeûne dans une famille proche et
très, très musulmane ; une des quelques
familles contestataires avec lesquelles
j’ai discuté de la révolution ! Je
reviendrai sur ces échanges autour du
mot-clef « houria » liberté. Le chef de
famille, un commerçant homme d’affaires
très aisé, m’affirma que l’affaire de
Sorrour était le signal que la
contestation allait –enfin- gagner Alep.
« et
je t’assure que les prochains
jours vont être.. » et il me fit le
geste d’une explosion ! C’est ce soir
aussi que je constatais l’implication
(mais avec quelle importance ?) de
l’organisation des Frères musulmans dans
ce mouvement et du rôle de certains
musulmans de Turquie : des membres de
cette famille étant
actifs à Istanbul.
En
fait, rien ne se passa ni ce soir, ni
les jours suivants à Sorrour ou ailleurs
dans la ville. Et pas plus en ces jours
d’après ramadan. En tout cas, je suis
sûre que peu de ces spécialistes qui
parlent de la ville d’Alep ou de la
Syrie se rendent souvent à Sourrour, «
Baïdin » ou « Hohlok » ( !) Pourtant au
printemps, en ce dernier lieu, il y
flottait un fort mais délicieux parfum
de fraises car on découvre aussi dans
ces quartiers informels, et tout au long
des rues ou des ruelles, d’importants
marchés aux fleurs et de produits frais
venus tout droit des campagnes
environnantes. Il s’y trouve aussi, mais
plus près de l’aéroport, des grands
entrepôts, de vastes hangars de stockage
de produits locaux ou internationaux,
des usines de transformation et même des
entrepôts réfrigérés modernes pour la
viande ou le poisson et les autres
produits de l’agro-alimentaire syriens
ou d’importation.
Pour ces seules raisons de restauration
de notre maison, donc, je me rends
souvent et toujours avec plaisir et
curiosité dans ces quartiers informels.
On m’y connaît comme « l’ingénieur » que
je ne suis pas et j’y suis toujours bien
accueillie. Et si je ne m’y rends pas
seule, c’est non pas parce que j’y
serais en danger mais parce que je ne
suis pas « apte
à bien négocier » le prix des
matériaux anciens que je repère.
Il faut ajouter encore qu’un jeune ami
architecte d’origine syriaque mais
musulman, c’est cela aussi la Syrie !
m’expliquait que ces quartiers informels
faisaient depuis quelques années l’objet
de travaux d’équipement. On y accède par
un dédale de rues et ruelles toujours
très encombrées mais encore par de
grandes percées à partir de Liramoun en
direction de l’aéroport et de Raqqa
:voies larges et doubles dans un décor
assez dénudé et avenues poussiéreuses
certes mais dans une zone d’aménagement
où s’élèvent des alignements d’
immeubles collectifs, bien bâtis,
destinés et sur ordre du président, aux
jeunes ménages, aux célibataires, et
population et artisans que la rénovation
de la ville ancienne et des quartiers
qui la bordent doit déplacer et
reloger...
Se loger à Alep devenait au fil de ces
dernières années, un problème très
difficile. Il l’est toujours qui retarde
le mariage des jeunes, s’ajoute aux
dépenses lourdes de maladie
et autres qui sont cause de
l’endettement de ces familles
nombreuses. Les multiples unions le plus
souvent arrangées pour renforcer le clan
sont très coûteuses. De plus, à Alep,
mais comme partout, la spéculation
immobilière va bon train. Elle alimente
la colère de la population modeste
contre les affairistes qui, souvent,
étaient à la tête des municipalités, ou
de mèche avec les gens du régime
et en profitent pour acheter à
bas prix les terrains qu’ils savent
destinés ensuite à des projets
immobiliers qui feront très
avantageusement monter les prix. Peu de
mois avant les événements syriens, le
gouvernement entreprit, dans tous le
pays et aux zones frontalières, une
grande opération de nettoyage. Des
centaines de fonctionnaires y compris
des villes et des douanes se
retrouvèrent démis de leurs postes.
Certains, en raison de liens
particulièrement étroits avec le parti,
évitèrent le pire : beaucoup se
retrouvèrent en prison ou obligés de
rendre des comptes ! Mais si
l’interdiction soudaine et brutalement
notifiée de cesser de « s’enrichir en
rond », si l’obligation de respecter un
tant soit peu les lois- ce qui ne se
faisait plus depuis longtemps dans trop
de chasses gardées et avec l’aide de
quelques notables bien en place issus de
clans, proches du parti ou de familles
connues -, et si la récente opération «
mains propres » très médiatisée firent
plaisir aux citoyens ordinaires et leur
redonna un peu d’espoir, elles
suscitèrent par contre et certainement
de brûlants désirs de vengeance aux
frontières comme dans les villes
syriennes en pleine expansion
démographique. La très musulmane
Hama et Homs sont de celles-là
qui ,en quelques années, passèrent de
gros bourgs ou villes poussiéreuses en
cités étendues à innombrables quartiers
très modernes, aérés, cossus, en pleine
extension et bien desservies par un
réseau dense de routes importantes.
Désordre civique et laissez - aller
:l’inquiétude des Alépins et autres
syriens
Si les quartiers plutôt défavorisés sont
toujours aussi animés et super actifs
comme je l’ai constaté, ils n’ont pas
changé d’aspect non plus en ces temps de
bouleversements. Il en va différemment
en centre ville. Les commerçants
installés dans les quartiers autour de
la Grande mosquée et dans tous les
quartiers centraux se plaignent : Les
gens descendus de ces quartiers sont,
disent-ils, responsables de l’anarchie
nouvelle des marchés, du désordre et de
la désorganisation qui sont installés
dans la ville. L’administration d’Alep
étant paralysée, tétanisée par peur des
représailles, des étals illégaux et
innombrables de marchandises bon marché
mais encore de fruits, légumes ou objets
de récupération occupent désormais tous
les trottoirs des avenues et les rues
piétonnières. Ils débordent sur la
circulation et laissent en fin de vente
pas mal d’immondices. Et les produits ne
sont plus contrôlés. Les fonctionnaires
chargés de faire respecter les
règlements sont menacés. On me raconta
plusieurs
anecdotes et je fus témoin de
faits surprenants pour l’étranger. Un
chauffeur brûla- mais c’est presque
normal en Syrie- un feu au carrefour
encombré de Bab Jedid, près d’un grand
marché. le policier qui le siffla vit le
chauffeur venir le menacer : « Non mais
c’est fini tout cela, tu ne va pas nous
e.. avec tes lois comme autrefois ! ».
Et toute la ville de soupirer qu’il n’y
a plus désormais d’ordre : nizam-plus
d’organisation ni de loi –kanoun. Et
plus d’éducation ! Un chauffeur de taxi
amer concluait : « Ils veulent la
liberté sans la loi et d’autres la loi
sans liberté, ils parlent de liberté et
personne ne sait ce que veut dire Houria,
(liberté). Alors qu’installée dans un
taxi, je reproche au chauffeur son peu
de respect du code, celui-ci se retourne
et en riant me dit : « Ici, en Syrie, on
a plus de liberté ( houria) que chez
vous en Europe où tout interdit (mam’nou).
Nous, on fait ce que l’on veut ! »Effectivement,ensemble,
nous fîmes pendant un trajet assez long
le compte des « libertés » : trois
gamins avec leur père sur une moto, étal
posé sur la chaussée, irrespect du
code,etc, etc. Arrivée à destination, je
sors du taxi. Six femmes et enfants –oui
!- s’engouffrent à ma place. Je me
penche à la fenêtre du véhicule bondé et
lance « défendu ! » Tout aussitôt et
hilare, le chauffeur me répond « Houria
! »
Houria, houria mais après…
Ce mot « houria » est aujourd’hui en
Syrie de toutes les conversations et
donne lieu à des discussions parfois
amusantes. Alors que nous en étions au
café et fruits d’un plantureux repas de
fin de jeûne, la conversation d’une très
grande famille très musulmane en arriva
à cette revendication de liberté
exprimée très vigoureusement par les
chefs de famille : des hommes encore
jeunes entrepreneurs et commerçants Dans
cette famille, toutes les femmes et
filles sont voilées. Aucune ne peut
sortir sans autorisation ou non
accompagnée. Aucune n’est autorisée à
travailler. Une petite fille du
patriarche qui, de condition modeste,
est devenu un homme d’affaire connu, est
mariée à un garçon plus libéral. Elle se
plaint à nous de ne pas pouvoir aller à
la piscine y compris à celle « du jour
des femmes ». Cela parce que son père,
lui, s’y oppose quand son mari
laisserait faire. Il faut dire aussi que
cette famille aisée possède une maison
de campagne agrémentée, comme très
souvent en Syrie, d’une grande piscine–jacuzi,
où se baignent à grand plaisir les
hommes de la famille, tous les garçons
quelque soit leur âge
et les petites filles -moins de
10 11ans, elles aussi en maillot de
bain, et qui toutes nagent parfaitement
! Les femmes et les filles plus âgées
regardent ! Si elles se risquent dans
l’eau bien qu’elles sachent toutes
nager, c’est habillées et strict foulard
sur la tête ! mais ces femmes par
ailleurs n’ont pas leur langue dans la
poche et leurs revendications sont
constantes. Leurs époux s’en plaignent
amèrement. C’est le sujet principal de
leurs conversations, mais comme partout
à Alep et avec la composition des repas
pris ou à venir ! Donc à propos de «
houria » l’une d’elles s’indigne «
Houria mais pour nous aussi. Vous nous
l’accorderez la liberté ? » « Mais vous
l’avez la liberté ! c’est vous qui vous
voulez comme cela rétorque un des maris.
Vous faites ce que vous voulez !
D’ailleurs vous êtes plus gâtées que les
Européennes. Vous êtes exigeantes et
c’est nous les hommes qui assumons tout
! », « Bien sûr nous avons la liberté
d’aller de la cuisine au salon et retour
». Ensuite la discussion s’envenime sur
l’importance des événements et provoque
une scission dans la famille. L'un des
plus jeunes frères se lève et déclare :
« d’ailleurs Al Jazeera ment. Je suis
passé à Jisr al Jouggour (la famille a
une maison dans la montagne)
et ce n’est pas du tout comme ils
l’ont raconté maintenant, c’est calme !
».
Je raconte la revendication de ces
Syriennes à une amie qui connaît bien sa
société. Elle m’explique : « Ici en
Syrie la plupart des femmes qui disent
qu’elles n’ont pas de libertés, c’est
que cela les arrange et que finalement
elles préfèrent rester à la maison et se
décharger de tout par facilité, parce
que avec un peu de volonté, elles
peuvent décider de ce qu’elles veulent
pour elles. La société, depuis longtemps
l’admet ; la loi les aide. Et en effet,
nombre d’elles travaillent, à tout
niveau, et sans problème. Mais la
conversation avec les membres de cette
branche musulmane très conservatrice
d’une large famille où d’autres proches
sont, eux, très libéraux, nous montre
une fois de plus, au cours de notre
séjour et conversations diverses, à quel
point rien en Syrie ne fait l’unanimité.
Tout y est complexe y compris dans ces
familles organisées, pourtant, en clans
très solidaires liés par des mariages
arrangés visant à les protéger et les
fortifier!
En ce qui concerne la contestation, si
quelques-uns sont actifs, beaucoup sont
perplexes et attentistes mais peu
désireux de bouger pour défendre le
régime. Pourtant il y eut de grandes
manifestations « pour » et la citadelle
est maintenant ceinturée par un large
drapeau syrien ;..mais beaucoup sont
dans l’expectative et ils sont fatigués
surtout de la main-mise du parti Baath
sur toutes les activités alors que ce
parti est considéré comme improductif,
lourd et ses structures inadaptées .
A mon avis la corruption est servie
aussi par la composition de cette
société et comme partout par l’avidité
et l’égoïsme des nouveaux riches, leur
total manque de sens civique, leur
incapacité à être un modèle pour les
classes intermédiaires. Dans leurs
quartiers de plus en plus luxueux,
isolés et protégés, ils sont dans leur
monde. Ils sont étrangers à leur pays et
indifférents, ailleurs. Leur modèle
c’est Beyrouth et mieux
Dubaï ! Ils rêvent de se les
recréér mais pour eux et en petit
comité. Et ils sont complètement
incultes, ignorants, indifférents
totalement des problèmes qui agitent le
monde et plus encore de leur pays ou de
leur région. Damas, le parti, ils s’en
servent, sans adhérer. !Ce n’est pas du
tout le cas d’une autre bourgeoisie plus
récente, plus contestataire, moins
attachée au modèle occidental et plus
aux valeurs traditionnelles et plus
spécialement à celle de l’islam : d’ un
islam qu’ils veulent plus ou moins
ouvert selon les familles. C’est aussi
une partie de la société qui se dit non
corrompue et sûre d’avoir fait sa
fortune en marge des sphères du pouvoir
et de l’allégeance au parti.
Et le parti ?
Des jeunes syriens diplômés et déjà au
travail, rencontrés dans un des bars de
la ville m’expliquent que les cadres de
ce parti Baath ne sont même plus
compétents, incapables de comprendre les
changements du monde, vieillis,
dépassés, même plus capables, me dit-
encore l’un d’eux, d’encadrer la
jeunesse. Ce sont les organisations
musulmanes qui s’en chargent et c’est
cela qui pose problème. Un autre de ces
jeunes, étudiant en informatique, ajoute
à propos de la complexité de sa société
: « Nous les jeunes, nous ne nous
soucions pas des confessions et nous
voulons vivre tous ensemble. Ce sont nos
parents, notre société qui s’opposent au
changement tout comme ce parti qui n’a
plus assez de crédibilité pour faire
bouger les choses. Et par tous, nous
sommes coupés du monde, de la
créativité, des nouveautés ce qui nuit à
notre futur, à notre travail. Nous
restons en retard. Heureusement que nous
avons internet. Il faudrait tout miser
sur l’éducation. Relever le niveau...
Quand je suis chez moi, je suis comme
mort et quand je suis devant mon écran,
je suis dans la vie... ! » ..
Mais à Alep, pendant Ramadan la vie
nocturne
Les jeudi,vendredi, samedi et dimanche
soirs ,( les week ends syriens musulmans
et chrétiens se complètent) sont
particuliers...Plus que d’habitude je
parcours et traverse la ville encore
plus souvent car mes amis sont libres.
Je vais de la citadelle aux quartiers
ouest et retour, ou des quartiers dits
musulmans à ceux plus souvent désignés
comme chrétiens encore que ces
désignations ne sont plus aussi
rigoureuses et de loin. Dans le quartier
arménien, actif et dense, je retrouve
des amies dans les cafés et restaurants
très modernes et très fréquentés en
journée. Même si partout en Syrie on
peut se restaurer à toute heure et boire
aux terrasses y compris en période de
ramadan et y compris en ces périodes
troublées, les établissements sans
distinction de religion s’animent en
soirée, et jusqu’à l’heure du premier
repas de la journée et de la première
prière. En ce mois d’août, je peux donc,
avec mes amis, profiter de la vie
nocturne alépine jusqu’à des deux heures
du matin. Sauf en hiver où cette vie se
calme car la nuit tombe tôt, que le
temps est pluvieux ou très froid et que
les Alépins sont frileux, les Syriens et
surtout les Syriennes, adorent sortir.
Tous les prétextes sont bons : fêtes de
fiançailles ou de mariage innombrables
pour les femmes qui, à toute heure, le
plus souvent voilées mais soigneusement
maquillées et en habits de soirée sous
le long manteau, se déplacent en groupe
ou s’engouffrent à plusieurs et même à
des heures tardives dans des taxis, ou
dans des voitures qu’elles conduisent ou
que des hommes de la famille tiennent
prêtes au lieu de leur réunion. Il y a
le regroupement de jeunes à la terrasse
des cafés où beaucoup, filles comme
garçons, s’adonnent au plaisir vénéneux
du narguilé (En Syrie on fume avec
passion et sans raison).il y a encore
les repas en famille ou entre amis dans
les restaurants. Et tous les soirs, dès
que le temps le permet, et bien sûr en
ce mois très chaud pique niques très
populaires et décontractés le long des
boulevards ombragés de la périphérie
d’Alep, dans les jardins et en tous
lieux un peu aérés de la ville. La nuit,
le vent se lève et enfin on respire !
Les vendeurs de boissons ou les prêteurs
de narguilés installent chaises
(payantes) en plastique fluo sur les
bord des avenues. Signalées de
guirlandes lumineuses, les petites
terrasses ainsi délimitées sont prises
d’assaut une heure ou deux après la fin
du jeûne et jusqu’au repas du matin. Les
enfants s’endorment sur les nattes et
les adultes discutent, dînent, fument se
reposent de la chaleur étouffante du
jour. Quand par les médias nous arrivent
des nouvelles toutes plus atterrantes
les unes que les autres sur une Syrie
qui serait tout entière terrée et
terrorisée, ces groupes paisibles
semblent être d’une autre planète. Mais
c’est peut-être, aussi, l’occasion de
faire comme avant, de ne rien changer et
de
se mettre en retrait, d’échapper
pour quelques heures encore, à
l’inquiétude et les peurs qui taraudent
désormais l’esprit de tous les Syriens.
Encore que... rien dans ces lieux de
détente ne soit différent des années
passées. Il y a même plus de chaises et
plus de guirlandes et la location y
compris par téléphone de narguilés à la
terrasse de son domicile ou sur le
terre-plein de carrefours investi spar
la famille , est encore mieux
organisée..
Fin août. Le départ mais par pour tous !
Alors que j’observe cette paisible,
impassible société alépine au long des
places et boulevards animés pris
d’assaut par les couches les plus
populaires de cette société mille
feuille, je dois pourtant faire un
effort, me pincer pour me rappeler que
cette Syrie est peut-être naufragée,
menacée d’éclatement, de conflits inter-
communautaires, interconfessionnels, de
guerre civile même. C’est encore plus
incroyable alors qu’installée dans l’un
des trois restaurants à la mode sur la
haute terrasse très fréquentée de
l’hôtel Carlton ouvert depuis quelques
mois en face de la citadelle -le
quartier est devenu à la mode -
j’assiste assez stupéfaite à l’arrivée,
dans de luxueuses voitures, de clients
visiblement extrêmement aisés : grands
commerçants, hommes d’affaires, cadres
supérieurs descendus de leurs luxueux
quartiers ou des grandes villas et
résidences de l’ouest ou de la route de
Damas. Mais je sais aussi que nombre de
ces clients et leurs très élégantes
femmes ont déjà prévu de partir à
l’étranger. L’atmosphère en Syrie est
devenue délétère et les ennuie. Alors
certains prennent le large. Les Syriens
aisés comme les Libanais vivent à
l’international. Le problème dont
j’entends parler, aux tables ce
restaurant comme sur les bords de la
chic piscine du Blue Lagoon, est la
scolarisation des enfants aux Etats
Unis, ou ailleurs. Il se murmure que
l’Ecole française par représailles de la
France, n’ouvrira pas, que les enfants
seront à la rue, obligés de chercher des
places ailleurs . .D’ailleurs il se dit
aussi que le consulat français, le plus
ancien des consulats en terre d’Orient,
va peut-être fermer et l’ambassade de
Damas aussi.I l n’y a déjà plus d’agence
culturelle. Bof ! et la francophonie,
déjà en perte de vitesse y compris au
Moyen Orient ? Oh la francophonie en
Syrie ! Sans ressources, elle était déjà
sponsorisée par ces Syriens aisés. Mais
comment faire pour les visas, les
documents utiles aux franco- syriens ou
aux « étrangers »- syriens quand
l’Allemagne et l’Italie ont déjà fermé
boutique? La grande bourgeoisie
francophone d’Alep en ce mois d’août
panique. Pire, leurs avoirs à l’étranger
sont prisonniers des banques US .
l’Amérique menace de jouer avec leurs
cartes-visa. Et elle va le faire...y
compris pour les citoyens lambda qui
n’ont rien à se reprocher mais qui ont
besoin de leurs cartes et leurs « sous »
bien à eux mais en euros ou en dollars,
pour leurs voyages d’affaires en Europe.
Mais pour l’Occident qu’importe ;Il est
tout occupé à faire les comptes des
avoirs libyens et d’estimer les
économies à faire en remplaçant les
quelques barils de pétrole syrien pas
très pur par du bon pétrole ex-khadafi...Mais,
ces Syriens aisés ne sont pas prêts à
manifester pour ou contre et même à
défendre leur école ou quoi que ce
soit..; ..Non, on choisira...la fuite !
Dans l’avion syrien du retour, il y a
déjà de ces familles aisées qui ont
sorti par habitude griffes et marques de
luxe pour voyager. Elles détonnent un
peu! Avant, elles voyageaient par
compagnies étrangères. Elles vont se
mettre pour un temps au vert. Quelques
dames très aisées de familles connues
qui, devant moi rêvaient, en 2010,
de reproduire Versailles dans
leur maison de campagne syrienne, ont
choisi l’exil à Beyrouth ! Elles y
affichent leur opposition à un régime
qu’elles ne supportent plus ( ?)
D’autres déjà exil, installés depuis des
années à l’étranger mais qui chez nous,
à Paris par exemple, auto-parlaient du
monde arabe, s’affichent à Saint Germain
des Prés, avec BHL, avec le gratin des
partis
politique français, avec quelques
personnalités en mal de photos dans la
presse. Ils se voient déjà, en cravate
et costume grave, gravissant les marches
de l’Elysée pour serrer la main
amicalement tendue du chef de l’Etat et
chefs d’une opposition rétribuée,
subventionnée ! Les commerçants et les
industriels plus traditionnels et
musulmans et qui ne se posent en
démocrates que parce que c’est le mot de
passe, n’ont rien à perdre si la Syrie
comme ils le souhaitent, adoptent le
système envié de la Turquie. Et ils
s’imposent ! Et ils ont la foi ( !).
Et...ils ont les moyens que les premiers
ont souvent perdus, souvent parce que
héritiers, ou leurs fils à papa gâtés et
avides de luxe, n’ont pas su gérer des
affaires florissantes dans les années de
l’indépendance.
Les classes intermédiaires syriennes,
les fonctionnaires, les ruraux, les
bédouins, les artisans, les commerçants
et entrepreneurs : ceux du tourisme ou
ceux qui avaient beaucoup investi dans
leur pays quand dans les dernières
années 2000, l’avenir économique
s’éclaircissait, et comme les couches
les plus pauvres et les plus vulnérables
de Syrie, ceux-là n’ont pas les moyens
de peser sur leur destin. Ils sont
inquiets car leur vie était déjà
précaire, leur vie au jour le jour que
le moindre problème d’emploi, de santé,
de famille peut faire basculer. Ils sont
souvent endettés: achat d’une voiture,
études coûteuses, mariage des enfants.
Ils savent déjà- merci
Monsieur Sarkozy Madame Clinton, que les
embargos, les sanctions toutes ces
mesures prises là-bas pour aider
l’opposition vont les frapper de plein
fouet.
Mes amis d’Alep sont tristes, perdus,
anxieux déstabilisés..: anxieux les
artisans de khan Chouné et les petits
boutiquiers du souk; anxieux les jeunes
étudiants qui venaient chez moi pour
discuter et y organiser des repas
décontractés; exaspérés les Alépins qui
déjà, voulaient plus d’ordre, « de nizam
» et qui craignent l’insécurité à venir,
l’installation du désordre,
l’impuissance des nouveaux
administrateurs plein de bonne volonté à
peine installés et aussitôt neutralisés
ou déjà « achetés »...
« L’avenir ? On ne sait pas ..on est
dans le flou. On ne sait pas quand tout
cela va s’arrêter... » Bref, la
contestation, à Alep, un vrai cauchemar
que tous voudraient voir s’évanouir,
très vite...!
S.Lafleuriel-Zakri Paris 6 Septembre
2011
Le
dossier Syrie
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