Opinion
Les « bataillons
musulmans » de la guerre coloniale
Rim
al-Khatib
Explosion terroriste à Alep - Photo:
Sana
Vendredi 10 février
2010 Ils sont apparus sur
le terrain en Syrie, mais également
dans les tribunes de l’ONU, dans les
médias, dans les coulisses et
sphères politiques internationales.
Ce sont les nouveaux bataillons
musulmans, engagés non pour
participer à la libération de la
Palestine et de sa capitale al-Qods,
non pour desserrer l’étau qui
enferme la bande de Gaza ou pour
mener une attaque contre les prisons
sionistes et libérer les prisonniers
palestiniens et arabes. Non, tout
cela ne les intéresse pas ou plus,
ils en sont loin, ces jours-ci. Ils
se sont engagés, corps et âme, comme
ils ne l’ont jamais fait, pour
participer à la nouvelle guerre
coloniale engagée contre un pays
arabe, la Syrie, en vue de le
détruire. Ce pays arabe, qui même
fragile de par la nature de son
régime, a réussi à s’opposer pendant
vingt ans à la politique américaine
dans la région, à l’heure où le
monde entier courbait l’échine,
signait les traités de la capitulation
et ouvrait grandes ses portes
à la domination impérialiste
unilatérale sur le monde. Les nouveaux
bataillons musulmans engagés sous la
houlette états-unienne et
européenne, surtout française et
britannique, ne cachent pas leur
désir de s’emparer du pays et de le
réduire à un bastion hostile aux
ennemis d’Israël. Certains
porte-paroles de ces bataillons ne
le cachent pas, d’autres évitent la
question, comme si elle les
dérangeait parce qu’elle les oblige
à réfléchir sur leur engagement et à
modérer leurs paroles. Il n’est plus
question de modération vis-à-vis de
la Syrie, l’heure est venue pour
l’engagement total et démesuré
contre le nouvel ennemi, le
‘alaouite, le shi’ite, le persan, le
safavide, représenté par l’alliance
stratégique entre l’Iran, la Syrie
et le Hezbollah. En France, Nabil Ennasri n’hésite pas, alors qu’il
préside un conseil de musulmans et
que ses paroles engagent son
mouvement, à mobiliser ses troupes
pour la nouvelle guerre coloniale,
sans mentionner bien évidemment la
politique officielle française, ni
les enjeux internationaux de cette
nouvelle guerre. Se barricadant
derrière « les massacres de civils
», ce que font d’ailleurs toutes les
sphères internationales, pour
justifier l’intervention
impérialiste, il essaie de justifier
sa haine irraisonnée en mentionnant
l’Iran et le Hezbollah. Selon lui,
ce n’est pas la fatwa de sheikh
Qardawi qui appelle à former les
bataillons de combattants pour «
libérer » (détruire) la Syrie qui
pose problème, mais plutôt la
déclaration du guide Khamena’i et du
Hezbollah qui auraient agité « le
devoir religieux » pour soutenir le
régime syrien, alors que leurs
déclarations très claires ne font
que réclamer la fin de
l’intervention étrangère pour
entamer les réformes promises par le
régime et l’entente entre syriens.
Mais Nabil Ennasri, comme tant
d’autres musulmans, ont trouvé dans
la guerre menée contre la Syrie un
nouveau terrain pour affirmer autre
chose, la « pureté » de son Islam et
de sa doctrine. Dans le paysage
colonial français, il est bon
d’affirmer « un islam modéré » (à la
manière qatarie), mais il est
surtout bon de se démarquer de
l’Iran et du Hezbollah, que
l’Occident cherche d’ailleurs à
détruire, en leur prêtant des
paroles rapportées par des chaînes
(encore qataries ou saoudiennes, ou
même occidentales, c’est kif-kif),
car le cercle des « amis de la Syrie
» est large. Cela permettrait
peut-être d’y avoir sa « petite
place », d’autant plus que l’argent
coule à flot.
De l’autre côté de
la planète, en Palestine
précisément, et dans les même
bataillons, un journaliste apprécié
par les militants occidentaux, parce
qu’il écrit en anglais dans des
termes mesurés, contre l’AP et les
sionistes, ne retient plus sa haine
contre ….les shi’ites. Là, il est
plus que virulent, il est insultant,
déchaîné. Il a ôté tous les gants du
savoir-vivre et du savoir-écrire.
C’est Khaled Amayreh, le chroniqueur
apprécié d’Al Ahram Weekly, qui
écrit : « le régime « assadien » est
un régime impie, criminel, fasciste,
terroriste, qui ressemble au régime
nazi dans une grande mesure, il faut
détruire ce régime, même s’il faut
pour cela le martyre d’un million de
syriens. Le régime représente le
cancer qui, s’il n’est pas arraché
par le peuple syrien, déracinera le
peuple syrien, car la Syrie est
devenue une ferme iranienne, la
mosquée omeyyade est devenue une «
hussayniya » où se pratiquent les
lamentations, l’éventration des
corps humains, l’adultère, les jeux
de hasard, que Dieu nous en préserve
». On se demande, à la lecture
de ces descriptions, de quoi sont
formés les phantasmes de certains
musulmans… Ce genre de « littérature
» anti-shi’ite a fleuri, ces
jours-ci, en même temps que se
prépare la guerre coloniale, par
bataillons musulmans interposés.
Nous l’avions déjà lu, ici et là, et
il n’y a pas longtemps encore,
lorsque le Fateh et le Hamas sont
entrés en conflit, mais c’étaient
les « enragés » du Fateh qui
accusaient les membres du Hamas de
ces « crimes moraux ». Ce qui
signifie que quelque soit le conflit
interne, on agite l’épouvantail
iranien, shi’ite, safavide, persan
etc… pour se donner une légitimité
ou faire avaler son histoire. Le
criminel, c’est toujours l’iranien,
le safavide, le shi’ite, et on
remonte à l’histoire, une « histoire
» que l’on fabrique, selon le moment
et l’intention. Et les cercles
impérialistes approuvent, diffusent,
engagent des chercheurs, publient.
Là encore, il y a de l’argent. Telle littérature a
toujours existé, mais après les
efforts de nombreux ulémas, shi’ites
et sunnites, de nombreux instituts
religieux dont le prestigieux
al-Azhar, en Egypte, ces forcenés
agités par les plus bas instincts de
leur être ne trouvaient qui les
écouter, à l’exception de leurs
cercles étroits dans les bas-fonds
de l’ignorance et de la bêtise.
Aujourd’hui, ce sont ces écrits et
ces appels qui mobilisent les
bataillons musulmans de la guerre
coloniale, une haine démesurée qui
fait appel à une histoire distordue
(n’est-pas Nabil Ennasri qui écrit à
une collègue que « Khomeyni a
insulté le calife ‘Umar », et devant
l’insistance de la collègue à
connaîre ses sources, il renvoie à
une vidéo d’un obscur sheikh qui le
dit….), et à des instincts
malfaisants et malades.
Les bataillons
musulmans de la guerre coloniale,
sur le terrain ou dans les médias
ont leurs appuis, financiers d’abord
(le Qatar aurait versé un milliard
de dollars pour ce faire), mais
aussi étatiques et institutionnels
(les centres de recherches
prestigieux de Qatar, par exemple),
dans les métropoles impérialistes.
Il n’est plus question de parler de
la Palestine et de sa libération,
c’est devenu vieux jeu, une guerre
d’antan et le fait de rappeler cette
question centrale dans la conscience
populaire arabe est vu par ces
bataillons, comme un prétexte pour
détourner l’attention du vrai enjeu
en cours : la guerre contre le «
régime impie syrien, ‘alaouite,
allié ou même devenu shi’ite,
iranien, persan, safavide ». C’est
pour cette guerre fratricide que
sont envoyés des centaines de
combattants arabes, venus de Libye,
du Liban, de Jordanie, du Qatar, et
probablement des pays européens.
Dans le nord du Liban, des camps
d’entraînement rassemblent des
milliers de ces « volontaires
musulmans » pour la nouvelle guerre
coloniale, supervisés par des
officiers britanniques et français.
A ces appels à la
mobilisation des bataillons
musulmans, une certaine « gauche
anti-impérialiste » s’est jointe.
Elle réclame, comme tout Européen
qui se respecte et n’aime pas « se
mouiller », la traduction du
président syrien devant ce qui se
déclare Cour Pénale Internationale.
Il faut dire que les Européens et
autres occidentaux continuent à se
croire le centre du monde et à
considérer que leurs Cours ou
Organisations ou autres fadaises
fondées pour nous empêcher
d’arracher nos droits ont une
certaine légitimité pour nous. En
fait, et en réalité, non. Plus rien
de ce qui est concocté dans leurs
capitales que ce soient des chartes
de droits de l’homme ou des chartes
de vie civile ou urbaine, ou des
chartes de chasseurs ou
d’écologistes, ne nous intéressent.
Au fur et à mesure que nous
avançons, dans notre chemin vers la
libération de la Palestine et de nos
pays, nous prenons conscience que ce
sont précisément ces « chartes »,
ces « organisations internationales
», et tout ce qui va avec, sont des
entraves et non des moyens, pour
notre libération.
Vous nous avez eu en
1947 (partage de la Palestine), vous
nous avez eu en 1916 (Sykes-Picot),
vous ne pourrez plus nous avoir en
2012, d’autant plus que le monde
devient multipolaire, que de
nouvelles puissances émergent, et
que ni l’Europe, ni les Etats-Unis
ne peuvent imposer leurs diktats.
Vous voulez la guerre et le martyre
d'un million de syriens pour
renverser cette réalité ?
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