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Opinion
Tunisie. Ben Ali
doit-il être extradé et jugé rapidement ?
Ridha Kéfi
Samedi 21 mai 2011 ‘‘Zine El-Abidine
Ben Ali doit être extradé et jugé’’ titrait, il y a quelques
jours, le journal ‘‘Le Monde’’. Mais les Tunisiens sont-ils
pressés de le voir débarquer parmi eux?
Par Ridha Kéfi
‘‘Le Monde’’ estime que les accusations retenues contre
l’ex-président et son épouse Leïla Trabelsi sont suffisamment
graves pour justifier que Ryad passe outre aux «prétendues lois
de l’hospitalité» et «renvoie dans son pays son encombrant
protégé».
Les pressions de la rue
L’Arabie saoudite n’a pas intérêt, en effet, à abriter
plus longtemps les Ben Ali, comme elle l’avait fait auparavant
pour d’autres dictateurs destitués comme l’Ougandais Idi Amin
Dada. Cela porterait un grave préjudice à son image sur le plan
international.
De même, le monde a évolué, et l’exigence d’équité est telle que
la justice internationale pourrait s’intéresser bientôt au cas
de Ben Ali et des autres dictateurs déchus de la région.
Il y a un autre argument qui plaide en faveur l’extradition de
l’ex-couple présidentiel. Tout en admettant que la justice
tunisienne est «composée d’hommes qui ont servi le régime
[déchu]» et qu’elle pourrait être soumise aujourd’hui «aux
passions de la rue», ‘‘Le Monde’’ estime qu’au-delà «des
risques, que le nouveau gouvernement doit s’attacher à écarter,
en garantissant dans la nouvelle Constitution en préparation
l’indépendance des tribunaux», «Zine El-Abidine Ben Ali doit
être extradé et jugé».
Sur le fond, tous les Tunisiens sont d’accord sur la nécessité
de rapatrier leur ancien oppresseur pour le juger par un
tribunal tunisien. Mais tous ne sont pas d’avis qu’il doit être
ramené dans le pays dans les plus brefs délais, car son retour
aujourd’hui pourrait avoir des conséquences incalculables.
Ses partisans, qui n’ont pas tous désarmé et sont encore tapis
dans l’ombre, sinon dans les coulisses de l’administration et de
l’Etat, pourraient en effet reprendre du poil de la bête.
On pourrait craindre aussi qu’il soit assassiné pour qu’il se
taise à jamais: combien de ses anciens collaborateurs et obligés
seraient soulagés d’apprendre cette nouvelle?
Le gouvernement provisoire, qui souffre d’un grave déficit de
légitimité et d’autorité, pourrait-il survivre à l’un ou l’autre
scénario?
Rétablir d’abord la stabilité
Rien ne presse donc. Ni le gouvernement, ni la justice,
ni les Tunisiens dans leur ensemble ne semblent prêts
aujourd’hui à assurer un procès équitable et juste à Ben Ali. Il
faut que le pays avance sur la voie de la transition
démocratique et qu’il restaure la légitimité de ses institutions
politiques, rétablisse la stabilité et remette la machine
économique en marche pour pouvoir penser à faire extrader et
juger Ben Ali.
Ce dernier pourra donc continuer à tourner les doigts à Abha, au
sud de l’Arabie Saoudite, avec son épouse et leurs plus jeunes
enfants, Halima et Mohamed Zine El Abidine. Pour quelques
semaines encore. Ou pour quelques mois. Le temps d’écrire ses
mémoires et de peaufiner sa défense. Il sait que, tôt ou tard,
il devra rendre compte de ses crimes devant la justice de son
pays, mais une justice enfin assainie et apaisée, et réconciliée
avec sa mission.
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Publié le 21 mai 2011
avec l'aimable autorisation de Kapitalis
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