Opinion
Yasser Arafat,
Mister Palestine for ever (2/2)
René
Naba
René Naba
Vendredi 23
septembre 2011
Papier paru le 9 novembre 2009,
réactualisé le 10 septembre 2011
III- Barack Obama dans
l’histoire: Un président Bounty sans
dessein, otage du lobby pro israélien,
ou le premier président afro américain
de la société post raciale américaine,
porteur des valeurs universelles des
Etats-Unis?
Les Palestiniens se sont résolus à se
lancer, en septembre 2011, dans une
campagne internationale pour l’adhésion
de l’Etat de Palestine à l’ONU,
particulièrement la reconnaissance de
leur souveraineté sur les territoires
dans les frontières de 1967, en vue de
mettre tout un terme tout à la fois à
l’expansionnisme rampant israélien et
aux tergiversations occidentales,
invoquant tantôt leur refus que la
Palestine serve de «base soviétique» ou
que Gaza ne serve de «base iranienne»
feignant d’ignorer que le problème
palestinien a pré existé à la création
de l’Union soviétique, antérieur de
soixante ans à l’accession de l’Iran au
seuil nucléaire et que de revendications
indépendantistes plus récentes ont déjà
obtenu satisfaction telles le Kosovo ou
le Sud Soudan, au mépris là du principe
de l’intangibilité des frontières issues
de la colonisation.
Depuis la 3me guerre israélo-arabe de
juin 1967 et l’occupation des
territoires arabes qui s’est ensuivie,
80 pour cent du territoire palestinien a
été spolié et gangrené par des colonies
israéliennes de peuplement, 80% des
ressources aquifères de Cisjordanie
ponctionnée au profit des Israéliens, de
même que les ressources gazières au
large de Gaza, au point que la Palestine
est devenue la plus grande prison du
monde de l’époque contemporaine avec ses
dix mille prisonniers politiques
palestiniens, quadrillé par 750 barrages
militaires et un mur discriminatoire de
séparation, alors que durant cette même
période, 42% des hommes palestiniens ont
été au moins une fois interpellés.
La chute du Mur de Berlin ne saurait
occulter la nouvelle réalité issue de la
mondialisation des flux. Aux murs
anciens séquelles de la guerre froide
(Corée, Chypre, Sahara occidental, Ceuta
et Melilla, le filtre à l’immigration
vers la riche Europe) se sont greffés de
nouveaux murs notamment entre les
Etats-Unis et le Mexique, le long du Rio
Grande, pour protéger l’Amérique de
l’invasion latino américaine, en Arabie
saoudite, pour protéger la
pétromonarchie tant de l’Irak que du
Yémen que le Royaume a cherché à
déstabiliser depuis un demi siècle;
voire en Irak même, dans la zone verte
de Bagdad, le périmètre aménagé dans
l’ancien palais présidentiel irakien
pour protéger les envahisseurs
américains des coups de butoir de la
guérilla irakienne. Mais de tous ces
murs, seul le mur d’apartheid israélien
a été édifié sur le territoire d’autrui.
Un véritable «Mur de Jéricho moderne»,
qu’il importera d’abattre, dont la Cour
internationale de Justice de La Haye a
invité à son démantèlement partiel
lorsqu’il rogne sur les territoires
palestiniens occupés, estimant «illégal»
cet édifice et «non conforme à plusieurs
obligations légales internationales
incombant à Israël». En ciment armé
d’une hauteur de huit mètres, d’une
longueur de 750 kilomètres, trois fois
plus long que le Mur de Berlin et deux
fois plus haut, ce «Mur d’Apartheid»
enferme plus de trois millions de
personnes dans des dizaines de villes et
villages de Cisjordanie et de la région
de Jérusalem.
En toute impunité, Israël a consacré
en 44 ans, depuis 1967, plus de 17
milliards de dollars à la construction
de colonies. Les accords d’Oslo, en
1993, prévoyait l’édification d’un état
palestinien dans un délai de cinq ans.
Mais en dépit de cet accord, le premier
accord direct israélo-palestinien, le
nombre des colons israéliens a triplé,
passant de 200 000 à près de 600.000. La
«feuille de route» adoptée par le
Quartet, en 2003, appelait elle aussi au
gel de la colonisation israélienne et au
démantèlement des colonies de
peuplement, mais Israël a refusé de s’y
plier. Le peuple palestinien compte près
de dix millions d’individus dans le
monde.
Sans la moindre remontrance, entre
1947 et 1948, quelque 800 000
Palestiniens, soit 85% de la population
palestinienne, ont été expulsés
d’environ 500 villes et villages par les
forces israéliennes puis par Israël. Du
fait de l’essor démographique, plus de
4,8 millions de réfugiés palestiniens
vivent de nos jours en Jordanie, au
Liban, en Syrie et dans les territoires
palestiniens occupés, la population de
réfugiés la plus importante au monde.
Illustration symbolique du
déracinement et de la volonté des
Israéliens d’extirper les Palestiniens
de leur terre ancestrale, Israël a
adopté dès 1950 une «loi des absents»
permettant à l’État israélien de
s’approprier les biens vacants ou les
biens devenus vacants par le départ
forcé de leurs propriétaires
palestiniens. Depuis cette date, plus de
deux cents mosquées ont été profanées et
détruites, remplacées par des bars et
des boites de nuit. Le mouvement s’est
amplifié en 2009 avec la décision
israélienne de procéder à la
désarabisation des noms de 2.500 (deux
mille cinq cents) villes et localités
arabes d’Israël, prohibant la
commémoration de la Nakba, la perte de
la Palestine, en 1948, gommant même ce
terme des ouvrages scolaires, accélérant
la colonisation de la Cisjordanie et du
secteur arabe de Jérusalem, dans le
souci de rendre irréversible la
situation sur le plan cadastral. Rien
qu’en 2006, les Israéliens ont déraciné
13.572 arbres, détruit 787 silos, 788
fermes avec leurs animaux (14.829
chèvres et moutons, 12151 vaches, 16.549
ruches d’abeilles), détruisant 425
puits, 207 maisons.
Dans un geste de défi, sans faire
l’objet de la moindre injonction
comminatoire, le gouvernement israélien,
a donné jeudi 11 août 2011 son feu vert
à la construction de 4.300 logements
dans le périmètre du grand Jérusalem
1.600 à Ramat Shlomo, 2.000 à Givat
Hamatos et 700 à Pisgat Zeev, trois
quartiers de colonisation de
Jérusalem-Est. Près de 200.000
Israéliens se sont installés dans une
douzaine de quartiers de colonisation à
Jérusalem-Est, où vivent quelque 270.000
Palestiniens.
Près de cent ans après sa fondation,
le Foyer National Juif apparaît ainsi
rétrospectivement comme la première
opération de délocalisation de grande
envergure opérée sur une base ethnico
religieuse en vue de sous traiter au
monde arabe l’antisémitisme récurent de
la société occidentale. Le refuge des
juifs, des rescapés des camps de la mort
et des persécutés, le pays du Kibboutz
socialiste et de la fertilisation du
désert, des libres penseurs et des
anticonformistes, est devenu aussi, au
fil des ans, un bastion de la
religiosité rigoriste, des illuminés et
des faux prophètes, de Meir Kahanna
(Ligue de la Défense Juive) à Baruch
Goldstein (l’auteur de la tuerie
d’Hébron, le 25 février 2004), des gangs
mafieux et des repris de justice, des
Samuel Flatto-Sharon, à Arcady Gaydamak,
à Marc Rich (1). Un phénomène amplifié
par la décomposition de l’esprit
civique, gangrené par l’occupation et la
corruption affairiste des cercles
dirigeants, matérialisé par le naufrage
du part travailliste (le «parti des
pères fondateurs»), et la cascade de
démission au plus haut niveau de l’état
soit pour harcèlement sexuel, soit pour
des faits en rapport avec l’argent
illicite. Et la Palestine, dans ce
contexte, est devenue un immense
défouloir de toutes les frustrations
recuites générées des bas fonds de Kiev
(Ukraine) et de Tbilissi (Géorgie) au
fin fond de Brooklyn (Etats-Unis), le
plus grand camp de concentration à ciel
ouvert pour les Palestiniens, les
propriétaires originels du pays.
Un tel bilan ne s’est accompagné de
la moindre menace d’intervention
humanitaire en faveur des Palestiniens,
ni de la moindre menace de sanctions à
l’encontre d’Israël. Manifeste est le
décalage entre le zèle humanitariste
déployé dans la zone arabo africaine et
l’impassibilité occidentale à l’égard
d’Israël, au point que la question de
Palestine apparait désormais comme la
ligne de fracture majeure entre le Nord
et le sud, au point que le dépassement
du conflit ne saurait provenir que d’une
initiative audacieuse proposant
l’inscription de la Palestine au
patrimoine de l’humanité.
En pleine tourmente contestataire
arabe, l’Arabie Saoudite, jusque là
relativement épargnée, se trouve sur la
question palestinienne devant une
redoutable épreuve. Principal
bénéficiaire des coups de butoir
d’Israël contre le noyau dur du monde
arabe, l’Egypte, la Syrie, le Liban,
l’Irak, les Palestiniens, le meilleur
allié arabe de l’Amérique apparaît sinon
le complice à tout le moins le «dindon
de la farce» du duo israélo-américain,
au point de se placer, de même que les
Etats-Unis en porte à faux de l’opinion
arabe et musulmane.
Le chef de file de l’Islam sunnite a
porté le fer aux quatre coins de la
planète pour le compte de son protecteur
américain, mais le bailleur de fonds des
équipées militaires américaines dans le
tiers monde (de l’Afghanistan au
Nicaragua) n’est jamais parvenu à
libérer l’unique Haut Lieu Saint de
l’Islam sous occupation étrangère: la
Mosquée d’al Aqsa à Jérusalem, alors que
son leadership est désormais concurrencé
par le nouveau venu sur la scène
diplomatique régionale, la Turquie et sa
posture néo-ottomane, de même que
l’Iran, puissance du seuil nucléaire. Le
loyal serviteur de l’Amérique, auteur de
deux plans de paix pour le Proche
Orient, n’a jamais réussi à faire
entériner par son protecteur américain
et son partenaire israélien, les
propositions visant à régler le conflit
israélo-palestinien, ni à prévenir
l’annexion rampante de Jérusalem, ni la
judaïsation de la troisième ville sainte
de l’Islam, pas plus qu’il n’a pu éviter
le basculement des grandes capitales
arabes hors de la sphère sunnite avec
Jérusalem sous occupation israélienne,
Damas sous contrôle alaouite et Bagdad,
enfin, sous partage kurdo-chiite.
L’issue de cette bataille engagée à
l’ONU déterminera dans une marge mesure
la crédibilité américaine dans la sphère
arabo musulmane, de même que la place de
Barack Obama dans l’histoire, à savoir
s’il laissera le piètre souvenir d’un
«président Bounty sans dessein», otage
du lobby pro israélien, ou s’il y
prendra place comme le premier président
afro américain gravant dans la mémoire
des peuples le souvenir du premier
président de la société post raciale
américaine, porteur des valeurs
universelles que les Etats-Unis se
targuent d’incarner.
A un an des élections présidentielles
américaines, en novembre 2012, Barack
Obama pourrait être tenté de faire usage
de son droit de veto afin de ne pas
s’aliéner le vote du lobby pro israélien
aux Etats-Unis qui lui assurerait une
«victoire à la Phyrrus», en ce que sa
reconduction à un nouveau mandat, au
détriment du droit et de la justice, se
ferait au détriment de sa postérité
future, comme ce fut le cas pour de
nombreux dirigeants américains pro
israéliens, à commencer par George Bush
jr, «le pire président de l’histoire
américaine».
Face au groupe occidental fragilisé
par les crises cycliques de son
économie, les revers budgétivores des
guerres d’Afghanistan, d’Irak et de
Libye, la montée en puissance de la
Chine, la dynamique du «printemps arabe»
et l’élimination des principaux pivots
de l’influence occidentale dans la
sphère arabo musulmane (Commandant
Massoud Shah -Afghanistan, Benazir
Bhutto-Pakistan, Rafic Hariri-Liban,
Hosni Moubarak-Egypte, Zine el Abidine
Ben Ali-Tunisie), l’Etat palestinien qui
se profile désormais inéluctablement à
l’horizon, compensation au rabais des
turpitudes occidentales à l’égard du
peuple palestinien innocent, retentit
aussi rétrospectivement comme le
triomphe posthume de Yasser Arafat, un
hommage rétroactif au combat du chef
historique du mouvement national
palestinien, un hommage au porteur du
keffieh palestinien, le symbole de
l’identité palestinienne, promu
désormais au rang de symbole universel
du combat contre l’oppression, au même
titre que l’icône sud américaine Ernesto
Che Guevara de la Sierna et du sud
africain Nelson Mandela.
Références
1 – Marc Rich,
spéculateur financier sur les
matières premières, a fait l’objet
de poursuite pour fraudes fiscales
et trafic avec l’Iran. Le
milliardaire s’enfuira pendant 17
ans des Etats-Unis pour échapper à
la justice de son pays. Philanthrope
des musées israéliens, il sera
gracié par le président Bill Clinton
le jour de son départ de la Maison
Blanche, en 2001, sur intervention
du premier ministre israélien Ehud
Barak du Maire de Jérusalem de
l’époque Ehud Olmert.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
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