Opinion
Alain Juppé, «Le
meilleur d'entre nous» !!!... Vraiment ?
René
Naba
René Naba
Mercredi 20 juin
2012
Portrait :
Se plaçant au-dessus de la curée,
Alain Juppé brigue la présidence de
l’UMP en Novembre 2012 afin de ressouder
l‘unité d’un parti qui lui a été usurpé
par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy,
dont l’échec présidentiel a gravement
lézardé l’édifice. Retour sur le
parcours de celui qui fut longtemps
présenté au sein du parti néogaulliste
comme «le meilleur d’entre nous».
Paris- Les sentiers
de la gloire et de la renommée promis à
ce surdoué déboucheront sur un
épouvantable chemin de croix. A
l’épreuve des faits, «le meilleur
d’entre nous» se révèlera un piètre
gestionnaire de la diplomatie française
comme auparavant du patrimoine français.
Par trois fois désavoué par le peuple,
de surcroit lourdement sanctionné
moralement par la justice de son pays
pour «avoir trahi la confiance du peuple
souverain»; accablante sentence dont
l’écho se perpétue de nos jours dans les
prétoires de la République comme la
marque infamante d’une stigmatisation
morale à perpétuité.
Le condottiere de la
Syrie
Son engouement pour
la Syrie aura été à la mesure de son
dépit de la Libye. A la mesure de sa
détestation de la gestion libyenne du
tandem Nicolas Sarkozy-Bernard Henry
Lévy. La Syrie, son obsession, dont il
voulait en faire son tremplin, son
rebond, son bâton de maréchal vers une
nouvelle destinée présidentielle, s’est
soustraite à lui, refusant d’être la
proie de ses ambitions. Son Austerlitz,
fée carabosse maléfique, un Waterloo. Ah
la morne plaine en ligne d’horizon de la
Berezina.
«Juppé… On se
souvient de la façon dont il s’est
conduit au moment de la Bosnie, puis du
Rwanda, il sera forcément contre cette
histoire libyenne. Il ne serait pas
Juppé s’il n’était pas contre. Si je
peux me permettre un conseil: tout faire
depuis ici, à travers la cellule
diplomatique, et ne rien dire à personne
-garder le secret, même pour Juppé»,
chuchotera l’intrigant BHL à l’oreille
complaisante de Nicolas Sarkozy, ravi de
jouer un mauvais tour au meilleur des
compagnons des chiraquiens et
sarkozystes réunis (1).
Embarqué volontaire
à bord du Titanic en sauveur du
naufrageur du gaullisme, Nicolas
Sarkozy, au lendemain de la calamiteuse
prestation de la diplomatie française
lors du printemps arabe de l’hiver 2011,
Alain Juppé subira de plein fouet
l’affront du duo, deux semaines après sa
nomination. Au point que des
journalistes se poseront publiquement la
question de savoir si Alain Juppé «le
vrai, le fort, le tatoué, celui qui
rassemble les diplomates égarés ou
indignés» n’a pas été «remanié par BHL»
(2), floué par Sarkozy, par la réception
à l’Elysée d’une délégation de rebelles
libyens, en compagnie du
roman-enquêteur, mais à l’insu du
nouveau ministre des Affaires
étrangères.
Ah le camouflet.
Juppé écumant de rage à sa sortie d’une
conférence ministérielle européenne à
Bruxelles, la colère rentrée, la
mâchoire crispée, le mépris incrusté sur
un rictus figé, les jurons contenus face
aux caméras du monde entier. Sublime
spectacle de stoïcisme face à cet
invraisemblable coup de Jarnac. La
marque d’une ingratitude suprême.
Sur les malheurs du
peuple libyen, Nicolas Sarkozy avait en
effet décidé de sceller sa
réconciliation avec le philosophe du
botulisme, afin de purger un contentieux
souterrain para matrimonial, à la faveur
d’un indécent ballet diplomatique,
couvrant de ridicule la France, en
contournant, le gaulliste Alain Juppé,
supposé restaurer le prestige terni de
la diplomatique française. Mais cela,
Juppé ne pouvait le savoir. Il en paiera
le prix en termes de marginalisation
dans l’affaire libyenne.
L’implication d’un
des chefs de file de la stratégie
médiatique israélo-américaine sur le
théâtre européen aura été fatale à la
révolution libyenne, qui dérivera vers
l’islamisme par défiance anti
occidentale, de même que
l’instrumentalisation de citoyens
français d’origine syrienne à la tête de
l’opposition syrienne dénaturera le
combat libératoire des Syriens, le
déviant vers un bourbier inextricable.
Bel exploit que de
mésestimer le nationalisme chatouilleux
des Syriens, nourri d’une forte
suspicion à l’égard de l’ancien pouvoir
colonial, artisan du démembrement de
leur pays.
Faute psychologique impardonnable, elle
conduira le chef de la branche
syrienne de la confrérie des Frères
Musulmans à réclamer la démission de la
porte-parole française de l’opposition,
Basma Kodmani, à la carrière
exclusivement académique,
structurellement ombiliquée aux
administrations du camp atlantiste,
l’IFRI d’abord, la Ford Foundation
ensuite, Arab Reforme Initiative enfin,
sans passé oppositionnel, sans tradition
de lutte sur le terrain (3).
Au terme d’un an de
prestation chaotique des supplétifs
syriens de l’administration française,
elle suscitera, en réaction, la mise sur
pied, hors de l‘orbite française, dans
le giron saoudien, d’une nouvelle entité
de substitution à la structure poussive,
en la personne de Nofal Dawalibi, fils
de l’ancien premier ministre syrien
Maarouf Dawalibi mais néanmoins homme
d’affaires saoudien, provoquant la
démission du chef nominal de
l’opposition Bourhane Ghalioune, dans la
foulée de la prise de fonction du
socialiste François Hollande.
Faute psychologique
impardonnable en ce que la nouvelle
campagne française de Syrie, en tandem
avec le Qatar, a voulu ignorer la moitié
de la planète, la Chine et la Russie,
disposant d’un double véto au Conseil de
sécurité, l’Inde et l’Afrique du sud,
les nouvelles autorités morales de du
XXI me siècle, le Brésil, la puissance
montante de la sphère latino-américaine,
le BRICS, trois milliards de personnes,
soit la moitié de l’humanité. Au point
que se pose la question de l‘utilité des
centres de recherches sur le monde arabe
financés à grand frais par les
contribuables français, qu’induit cette
succession de bourdes, en Tunisie, en
Egypte, en Libye, enfin en Syrie (4).
Pour un surdoué, cela fait tâche.
Erreur fatale, tant
pour le bilan diplomatique de la
mandature présidentielle de Nicolas
Sarkozy que pour l’ancien prodige
gaulliste. Métronome de ses propres
revers, Juppé mutera au fur et à mesure
de l’évolution du conflit syrien, par
proximité électorale française, vers une
posture philo sioniste, concédant à
Israël le droit de modifier
unilatéralement ses frontières, au
mépris des principes du Droit
international.
Erreur fatale, le
choix de ses compagnons d’aventure, le
premier, son mentor, qui lui vaudra le
déshonneur d’une condamnation
judiciaire, par substitution, pour
emplois fictifs, le second, le
déshonneur du ridicule, par
préméditation de l’usurpateur du parti
dont il est le fondateur. On ne se méfie
jamais assez de ses amis de trente ans.
Craignant de perdre
son âme, excédé par les dérives du
vecteur qu’il voulait rassembleur,
l’Union pour un Mouvement Populaire
(UMP), Juppé tentera au lendemain du
premier tour des élections
présidentielles de 2012, désastreux pour
son camp, de reprendre la main. Mal lui
en prit. Il fera l’objet d’un rappel à
l’ordre de son cadet, lui enjoignant de
demeurer dans les rangs, sans songer à
récupérer son bien (5).
Ah quel calvaire.
La coupe jusqu’à la lie. L’homme qui
avait dégagé sans ménagement les
juppettes (les femmes ministres) de son
gouvernement, en 1995, se retrouvera
chauffeur de salle d’un meeting
électoral à Lyon, le 29 avril 2012,
dissertant sur la comptabilité du
gaullisme et du sarkozysme. Faux dur
mutique, comme il l’avait été dans
l’affaire Clearstream lors du bras de
fer épique entre son ancien directeur de
cabinet et son nouveau président, il se
laissera supplanter au poteau par le
turbo propulseur de la diplomatie
française, Dominique de Villepin, son
ancien disciple, son désormais alter
ego, plus qu’égal.
Dans une
retentissante tribune au Journal le
Monde, ce personnage de légende de la
scène internationale se distinguera par
une vigoureuse profession de foi
gaulliste, soldant avec panache son
combat homérique avec le président
sortant qu’il aura toisé avec succès
tout au long de sa mandature, vainqueur
par KO technique du «croc de boucher»
Sarkozy (6).
L’homme qui a «trahi
la confiance du peuple souverain»
Les avatars de
Daewoo ou le bradage d’un joyau
industriel pour un franc symbolique
«Le meilleur
d’entre nous» est un piètre
gestionnaire, c’est à tout le moins
ainsi qu’il apparaîtra pour l’éternité.
Pour l’homme du «Franc symbolique».
Au-delà de ses
qualités, immenses, Alain Juppé passera
à la postérité pour l’homme qui aura
voulu brader, pour un franc symbolique,
une entreprise stratégique «Thomson» et
qui s’est délesté au profit d’intérêts
privés de la plus importante compagnie
maritime navale, la Compagnie générale
maritime (CMA-CGM), d’un pays, la
France, qui dispose d’un domaine
maritime international parmi les plus
importants du monde.
A moins que ce
technocrate habile, fin connaisseur des
arcanes administratifs, présumant
toutefois de ses capacités, n’ait voulu
tirer argument du formalisme
bureaucratique de Bruxelles, les fameux
«critères de convergence» de Maastricht,
pour opérer la plus grande opération de
délocalisation du financement occulte du
RPR, le parti budgétivore chiraquien,
dont il a été le responsable des
finances à la Marie de Paris.
Sauf à considérer
ces deux opérations comme une
gratification du pouvoir chiraquien à
des bailleurs de fonds électoraux,
l’empressement de M. Juppé à lester son
pays des joyaux de son économie n’a
jamais trouvé explication convaincante.
Droit dans des
bottes, comme il se plait à se décrire,
une raideur que confère une certitude
suffisante, Alain Juppé, alors Premier
ministre, passant outre aux conseils de
prudence de son entourage, affiche, en
1996, au sortir d’un semestre social
houleux, son intention de vendre au
groupe Daewoo l’entreprise publique
Thomson Multimédia, officiellement «très
endettée», contre 1 franc symbolique
après sa recapitalisation par l’État, à
hauteur de 11 milliards de francs.
Curieux procédé qui
consiste à doter en capital public une
entreprise vouée à être cédée à des
intérêts privés, qui plus est un groupe
hors de la sphère francophone.
M. Juppé se
justifiera en invoquant le motif de la
«maîtrise des comptes publics», en
conformité avec les critères de
Maastricht, notamment le pacte de
stabilité et de croissance. Le plan, il
est vrai, avait facilité la
qualification de la France pour l’euro,
à la suite du passage du déficit public
de 5,5 % du PIB en 1995 à 3,0 % en 1997
Mais le fait que le
procédé ait été repris, avec les mêmes
arguments, pour la cession de la
Compagnie Générale Maritime, que de
surcroît les deux bénéficiaires aient
été des entrepreneurs proches du pouvoir
chiraquien, que les entreprises en voie
de cession, enfin, aient été des
entreprises stratégiques viables, ont
suscité des interrogations sur les
motivations profondes de M. Juppé et de
son mentor Jacques Chirac.
Thomson CSF
survivra, en effet, à son potentiel
repreneur, sinistré par une faillite
frauduleuse, devenant même un groupe
industriel français stratégique,
s’articulant sur trois pôles: défense,
aéronautique et sécurité. Et l’ami de M.
Juppé, le PDG de Daewoo, décoré
d’ailleurs des mains du premier ministre
français, condamné pour faillite
frauduleuse.
Thomson Multimédias
détenait, à cette époque, les brevets et
licences de la totalité des supports
numériques sur disque (CD, CD-Rom, LASER
Disc, DVD, disques magnéto-optiques,
disquettes) qui génèrent des royalties
dans le monde entier avec l’émergence de
la télévision numérique. De plus,
Thomson restait dépositaire de la marque
no 1 en Amérique du Nord: RCA.
Le groupe français était donc, en termes
économiques, un groupe viable. En tout
cas infiniment plus viable que le
repreneur. La vente n’a pas été
finalisée, en raison de la forte
instabilité qui agitait alors le groupe
Daewoo.
Groupe industriel sud-coréen, présent
dans de nombreux domaines, dont la
construction navale, les armes,
l’électroménager et l’automobile, Daewoo
a été finalement démantelé, en 1999, par
le gouvernement sud-coréen à la suite
d’une faillite frauduleuse.
L’ancien patron Kim Woo-Choong, décoré
par Alain Juppé, a été, lui, condamné
par la justice sud-coréenne, le 30 mai
2000, à dix ans de prison pour fraude et
détournement de fonds en liaison avec
cette faillite retentissante. Daewoo
est, depuis 2002, contrôlée par le
deuxième constructeur automobile
mondial, General Motors. GM est
actionnaire de GM-Daewoo à hauteur de 42
% et Suzuki à hauteur de 27 pour cent.
En France, en dépit de nombreux
avantages financiers dont il
bénéficiera, de l’ordre de 46 millions
d’euro depuis 1986, le groupe quittera
la Lorraine en licenciant tout son
personnel, soit 1200 salariés de trois
sites français. Beau retour sur
investissement pour les finances
publiques françaises
La Compagnie Générale
Maritime, une ténébreuse affaire.
Quant à la
Compagnie générale maritime, son
histoire est moins linéaire: La CGM est
à proprement parler une affaire de
famille, tant par sa conception que par
son exploitation qui mutera pour devenir
une ténébreuse affaire dans le plein
sens du terme. Première entreprise de
navigation maritime en France, elle a
été cédée à la firme libanaise Rodolphe
Saadé et Frères pour 20 millions de FF
après sa recapitalisation par l’état
français pour un montant de 1,1
milliards de FF, soit un différentiel de
1,080 milliards de FF, record
difficilement égalable dans les annales
de la jonglerie de la finance
internationale.
La transaction qui
s’apparentait à un bradage en tout point
comparable à un autre avatar financier
français, -le projet de cession de
Thomson Multimédia au conglomérat
défaillant sud-coréen Daewoo «pour un
franc symbolique»-, s’est d’ailleurs
faite, en 1996, sous le même
gouvernement de M. Alain Juppé, à une
époque où M. Bernard Pons, président de
l’association des amis du président
Jacques Chirac, officiait au ministère
des transports, l’autorité de tutelle en
la matière.
Censée dynamiser le pavillon français,
la restructuration de la CGM va se
révéler être, par ses dérives
financières successives, une opération
proprement calamiteuse non seulement
pour la compagnie mais aussi pour les
nouveaux propriétaires et sans doute
pour leurs parrains dans l’hypothèse
d’éventuels dérapages.
Principal bénéficiaire de l’opération,
Jacques Saadé n’était rien moins que le
partenaire de Rafic Hariri dans le
grandiose projet Saidoun visant
notamment à l’aménagement d’un port pour
porte-conteneurs à Saida, au sud Liban,
la ville natale du premier ministre
libanais de l’époque. Jacques et Johnny,
les deux frères Saadé, nouveaux
copropriétaires de la CGM, sont des
êtres antithétiques, nullement
prédisposés à la synthèse et défient à
ce titre les lois de la dialectique.
L’aîné, Jacques, vibrionnant, est
impulsif, le cadet, Johnny,
obsessionnel, est compulsif. En un mot,
deux êtres fratricides.
Artisan de la
propulsion transocéanique de sa
compagnie maritime, Jacques se vivait
comme l’Amiral de sa flotte, jugeant
saugrenue la vocation tardive de son
puîné au commandement, qu’il pensait
confiner à la gestion des affaires de la
société au Liban et en Syrie.
Johnny se voulait non le partenaire
mineur de son frère, mais l’égal de son
aîné en affaires, un intérêt ravivé par
la nouvelle dimension internationale
prise par l’entreprise familiale avec
l’acquisition de CGM.
Succéder au grec
Aristote Onassis en «Pacha de l’armement
méditerranéen» est le rêve de bon nombre
de navigateurs au long cours. Il était
incompatible avec les ambitions
contraires de deux êtres au souffle
court. Il se brisera avec fracas dans
les enceintes judiciaires de France et
du Liban, sous le coup de butoir des
deux antagonismes.
Par ses multiples
rebondissements, cette banale querelle
de famille portait en elle le risque
d’un dérapage vers une affaire d’état.
S’estimant abuser, le cadet poursuivra
en effet de sa vindicte implacable son
ancien mentor, non sans quelque succès,
non sans mettre en émoi la quiétude de
quelques hiérarques français, au point
qu’il sera un jour demandé instamment au
premier ministre libanais de l’époque de
veiller à mettre bon ordre dans cette
querelle de famille libanaise. Cela se
serait, semble-t-il, passé en avril 1998
en marge de la 3me visite du président
Jacques Chirac à Beyrouth à l’occasion
de l’inauguration de la nouvelle
ambassade française dans la capitale
libanaise.
Le différend sera
réglé à la veille du retour au pouvoir
de M. Hariri, en l’an 2000, mettant un
terme à un différend qui menaçait
d’empoisonner la présidence de son grand
ami Jacques Chirac, dont les soubresauts
rebondissements rocambolesques, une
dizaine de procès tant à Paris qu’à
Beyrouth-au grand soulagement des grands
protagonistes de l’affaire qui
redoutaient qu’elle n’embrase les palais
de la République et ne mette en péril la
chiraquie d’entreprise
Les experts
mandatés par la justice redoutaient en
effet que l’acquéreur, Jacques Saadé,
ait mis à profit la recapitalisation de
la société française sur les deniers
publics pour renflouer sa propre
entreprise -gratifier un éventuel
bienfaiteur?-, mobilisant une trésorerie
de l’ordre de 553 millions de FF.
Survenant après l’évocation d’une
éventuelle implication d’une piste
Hariri dans les déboires de l’Office des
HLM de Paris, les avatars judiciaires de
la compagnie de navigation française
posent le problème de la pertinence du
choix du repreneur quant à sa fiabilité
et sa capacité.
Par la suite, la compagnie se hissera au
troisième rang mondial, avec 15
milliards de dollars de chiffre
d’affaires, une activité stratégique et
4000 emplois en France, dont une bonne
partie dans la région marseillaise. Sauf
que les mauvaises habitudes ont la vie
longue. La gestion hasardeuse de Jacques
fragilisera la compagnie, faisant
l’objet, en 2010, pour la deuxième fois
en une décennie, d’un renflouement
visant à combler un gouffre financier de
6,7 milliards de dollars. Privilège
rarement concédé à tout autre
entrepreneur français.
L’armateur libanais avait joué un rôle
actif dans le ravitaillement des milices
chrétiennes libanaises du temps de la
guerre civile Libanaise (1975-1990). De
quels secrets sont-elles donc porteuses
les soutes de la flotte française, pour
que la CGM soit bradée et régulièrement
renflouée? Nul ne s’est encore hasardé à
se poser des questions sur ce plan.
L’histoire, seule, le dira.
Sauf qu’aucun
membre du trio Chirac Hariri Jupé n’aura
été épargné par le mauvais sort: Alain
Juppé a été condamné le 1er décembre
2004 à 14 mois de prison avec sursis et
une peine complémentaire d’un an
d’inéligibilité par la cour d’appel de
Versailles, pour «prise illégale
d’intérêt» et, ce faisant, avoir «trahi
la confiance du peuple français
souverain», le milliardaire libano
saoudien sera assassiné, trois mois plus
tard, le 14 février 2005, et Jacques
Chirac le pensionnaire posthume de
Hariri, condamné pour abus de biens
sociaux en 2011, premier chef d’Etat
français à faire l’objet d’une
condamnation judicaire depuis le
Maréchal Philippe Pétain en 1945.
«Le meilleur
d’entre nous» n’est nullement un enfant
de chœur. Sous l’égide de son mentor
Jacques Chirac, Alain Juppé a
personnifié mieux que quiconque «l’Etat
RPR» tant décrié par ses adversaires
pour ses extravagances. Ses performances
de piètre gestionnaire, s’ajoutant aux
accablantes motivations de sa
condamnation -«avoir trahi la confiance
du peuple souverain»- ont dissipé son
halo de «martyr de la chiraquie» pour en
faire un partenaire de plein exercice du
chiraquisme d’entreprise. Un complice?
Sous les huées de
la foule, par trois fois durant sa
carrière, il aura quitté le pouvoir, par
suite d‘un désaveu électoral. En 1997,
par suite de sa gestion calamiteuse de
la crise sociale en France. En 20O7, par
les électeurs de Bordeaux, la ville
qu’il s’est choisie comme point de
chute. En2012, enfin du fait de la
démagogie de l’usurpateur de sa
fonction.
Dans la foulée de
la défaite de Nicolas Sarkozy, Alain
Juppé, invoquant le principe de non
cumul de mandat, renoncera le 7 mai à
reconquérir son siège de député, perdu
au profit des socialistes, préférant se
consacrer à la bataille municipale de
2014, avec le secret espoir que le
courroux populaire anti-Sarkozy se sera
dissipé en deux ans.
Suprême avanie, la
projection au Festival de Cannes du film
auto promotionnel de BHL sur ses
exploits de Libye, «le serment de
Toubrouk», en pleine campagne
législative de sauvetage de l’UMP, aura
été son «cauchemar de Darwin» (7).
Alors que sa
lancinante obsession BHL, en quête d’une
nouvelle autocélébration narcissique,
rejoignait à point nommé ses amis
socialistes au seuil du pouvoir, le
condottiere de Syrie, emporté par la
tentation de Venise, s’en allait peupler
le vaste cimetière des illusions
perdues.
En trente ans de
carrière politique haut de gamme, ce
lauréat du concours général en lettres
classiques, pur produit de la voie
royale de l’élitisme républicain (Normal
sup, ENA et Sciences politiques) a fait
perdre à ses compatriotes leur grec et
leur latin, leur moral même, par sa
gestion du conflit syrien, par la
mansuétude qu’il a témoignée au
fossoyeur du gaullisme Nicolas Sarkozy,
par la succession enfin de scandales
politico-financiers qu’il aura générés
de l’affaire de l’appartement de son
fils Laurent, au scandale Thomson, de
l’affaire de la Compagnie Générale
Maritime, au scandale de la gestion du
budget de la Mairie de Paris et du RPR.
Alors? Juppé, le
meilleur d’entre nous ? Vraiment le
meilleur? Vraiment? Franchement pas.
Notes
1-Bernard Henry Lévy,
in «La guerre sans l’aimer», Edition
Grasset- Novembre 2011, récit de
l’exposition médiatique du philosophe au
printemps 2011 en Libye.
2 -«Libye: Juppé
remanié par BHL» par Daniel
Schneidermann, Fondateur d’@rrêt sur
images Cf. RUE 89 en date du 13 mars
2011.
3- Basma Kodmani est
la fille de Nazem Kodmani, ancien
ambassadeur de Syrie en France, décédé
en 2008 est l’artisan du rétablissement
des relations diplomatiques entre la
France et la Syrie après la rupture de
Suez (1956. A son retour à Damas, le
diplomate a été en charge du département
Europe occidentale au ministère syrien
des Affaires étrangères,
particulièrement du suivi du dossier
France, émargeant une large fraction de
sa carrière sur le budget du pouvoir
bassiste. Sa mère, Hyam Mardam Bey, est
la nièce de Jamil Mardam Bey, le
dirigeant syrien de l’époque du mandat
français et cousine de Farouk Mardam
Bey, l’éditeur franco syrien. Basma
Kodmani a été, tour à tour, chercheuse à
l’IFRI, puis directrice régionale de la
Ford Foundation au Caire avant de
diriger l‘ARI (Arab Reform Initiative).
Cette structure, financée par des fonds
mixtes notamment des Emirats arabes
Unies, a été initiée par Harry Siegman,
membre du Council of Foreign relations,
activiste influent de la communauté
juive progressiste de New York, via son
lobby «ME-USA project», le projet
américain pour le Moyen-Orient.
Auditrice assidue du
Forum de Bilderberg, la plateforme
décisionnelle des cosmocrates de la
trilatérale (Etats-Unis, Japon, Europe),
Basma Kodmani a été présentée lors de la
dernière session du Forum qui s’est tenu
du 6 au 12 juin à Chantilly (Virgine) a
été inscrite sous la mention «
International », alors qu’elle est de
nationalité française, d’origine
syrienne, seul participant à bénéficier
de ce label, comme pour suggérer son
cosmopolitisme, frappant de caducité sa
présence au sein de l’opposition
syrienne de France, dont elle ne
revendique ni la nationalité française,
ni la nationalité syrienne
4-Sur la
problématique de l’opposition syrienne
cf. à ce propos
http://www.renenaba.com/la-controverse-a-propos-de-basma-kodmani/
5-Nicolas Sarkozy
rappelle à l’ordre Alain Juppé mardi 24
avril2012, l’invitant à se concentrer
sur le deuxième tour de la
présidentielle plutôt que sur l’avenir
de l’UMP. Vigoureux recadrage, Nicolas
Sarkozy n’a pas du tout apprécié les
propos d’Alain Juppé sur l’après-6 mai.
Le ministre des Affaires étrangères
avait déclaré qu’en cas de défaite, ils
seraient «un certain nombre à tout faire
pour que l’UMP garde sa cohésion».
Interrogé sur les déclarations de son
ministre dans l’émission Les Quatre
Vérités sur France 2, Nicolas Sarkozy
avait répliqué: «On est exactement dans
ce qui n’intéresse nullement les
Français. Il ferait mieux de se
concentrer sur le deuxième tour».
6- La tribune de
Dominique de Villepin au Journal Le
Monde dans l’entre-deux tours des
élections présidentielles françaises de
2012 «La droite m’effraie, la gauche
m’inquiète».
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/27/la-droite-m-effraie-la-gauche-m-inquiete_1692193_3232.html
7- «Le cauchemar de
Darwin» (Darwin’s Nightmare), film
documentaire de Hubert Sauper (2004),
traite des méfaits de la mondialisation
sur le continent noir du fait du
commerce triangulaire, et, par
transposition au cas libyen, des méfaits
des équipées atlantistes sur la rive
méridionale de la Méditerranée avec
l’instauration de la charia talibane en
Libye.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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