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Bush, Clinton et les crimes de
l'impérialisme américain en Haïti
Patrick Martin
Mercredi 27 janvier 2010 L’administration Obama a annoncé que
ce serait les ex-présidents Bill Clinton et George W. Bush qui
allaient diriger la collecte des fonds destinés aux opérations
de secours après le tremblement de terre d’Haïti. Dans son
discours radiodiffusé du 16 janvier, Obama a déclaré : « Ces
deux leaders sont porteurs d’un message très clair au peuple
d’Haïti et au monde. A l’heure du besoin, les Etats-Unis sont
unis ».
La nomination de Clinton et Bush a une signification réelle,
mais il ne s’agit pas de celle que la Maison Blanche et les
médias ont suggéré. En choisissant ses deux prédécesseurs
immédiats -- ceux qui on déterminé depuis 1993 la politique
américaine dans les Caraïbes -- Obama montre que la terrible
tragédie humaine d’Haïti ne changera rien au rôle prédateur joué
par l’impérialisme américain dans ce pays semi colonial et
appauvri.
Clinton et Bush ont été, pendant huit années chacun,
directement et au plus haut point impliqués dans une suite de
machinations politiques et d’interventions militaires qui ont
principalement contribué à perpétuer la pauvreté, l’arriération
et la répression en Haïti et qui ont profondément amplifié le
désastre ayant frappé ce pays la semaine dernière. Tous deux ont
le sang d’ouvriers et de paysans haïtiens sur les mains.
Clinton est arrivé au pouvoir immédiatement après le coup
d’Etat militaire qui a chassé du pouvoir le premier président
démocratiquement élu d’Haïti, le prêtre populiste Jean-Bertrand
Aristide. Ce coup d’Etat fut appuyé par l’administration de Bush
père, qui considérait Aristide comme trop radical, indésirable
et potentiellement dangereux.
La nouvelle administration démocrate introduisit un
changement de tactique politique. Clinton imposa à la junte
haïtienne des sanctions économiques qui détruisirent les
industries d’exportations commençantes d’Haïti, puis il envoya –
pour la troisième fois au cours du vingtième siècle – les
Marines dans le pays afin de forcer le Général Raoul Cedras, le
chef de la junte, à partir. Les Etats-Unis rétablirent Aristide
à la présidence après qu’il ait donné l’assurance qu’il ne
ferait rien pour braver la domination de Washington où celle de
l’élite haïtienne et qu’il quitterait ses fonctions en 1996 sans
chercher une réélection.
Après qu’Aristide, obéissant, ait quitté ses fonctions au
moment prévu, c’est René Préval qui lui succéda, passant le
premier de ses mandats (1996 à 2001) à mettre en oeuvre les
diktats du « programme d’ajustement structurel » du Fonds
monétaire international qui détruisit l’emploi, imposa des
coupes dans les services publics et ruina les producteurs de riz
d’Haïti.
Lorsque le parti d’Aristide, Fanmi Lavalas, remporta une
nette victoire aux élections parlementaires de mai 2000,
l’administration Clinton et le Congrès contrôlé par les
Républicains refusèrent d’accepter le résultat de l’élection et
supprimèrent l’aide américaine. Aristide lui-même retourna à la
présidence après une large victoire à l’élection présidentielle
de novembre 2000, seulement pour trouver devant lui un ennemi
irréductible : l’administration Bush nouvellement élue aux
Etats-Unis.
Haïti fut systématiquement affamée pendant trois ans par la
suppression de l’aide américaine et par les mesures prises par
l’administration Bush afin de bloquer l’aide internationale et
d’isoler le gouvernement Aristide. Pour finir, en février 2004,
sur fond de mouvements de protestation fomentés par l’élite
dirigeante haïtienne, soutenue en secret par les Etats-Unis,
l’armée américaine intervint de nouveau dans le pays, se
saisissant d’Aristide et le conduisant hors du pays en exil.
Les Marines donnèrent le contrôle du pays à une force de
maintien de la paix des Nations unies dont le Brésil fournit le
plus important contingent. Cette force soutint toute une suite
de premiers ministres haïtiens non élus jusqu’à l’élection de
2006 d’où furent seuls largement exclus les candidats de Fanmi
Lavalas. René Préval fut alors élu président pour la seconde
fois, son mandat devant se terminer à la fin de cette année.
Jadis partisan et, selon ses propres dires, « jumeau » politique
d’Aristide, Préval a depuis longtemps fait la paix tant avec
Washington qu’avec l’élite haïtienne et son second mandat s’est
caractérisé par une obéissance servile vis-à-vis des injonctions
économiques de Wall Street et du Fond monétaire international.
Pendant les administrations Clinton et Bush, l’exigence
américaine d’adhésion à la politique d’austérité du FMI
s’accompagna d’un programme virulent de répression des Haïtiens
fuyant leur pays natal afin de chercher refuge et une vie
meilleure aux Etats-Unis. Lors de sa première campagne
présidentielle, en 1992, Clinton avait critiqué cette
persécution et le rapatriement forcé des réfugiés haïtiens, pour
ensuite se dédire et poursuivre, sans aucune modification, cette
même politique. Pendant dix sept ans – et cela continue sans
aucun changement de la part d’Obama – des centaines de réfugiés
sont morts dans de petites embarcations essayant d’échapper au
blocus des gardes des côtes américains.
Plus récemment, Clinton, nommé envoyé spécial des Nations
Unies à Haïti, a soutenu le régime corrompu de Préval et cherché
à faire d’Haïti la base d’une industrie du vêtement rentable,
contrôlée par les Etats-Unis et fondée sur des salaires proche
de la famine. Des émeutes de la faim secouèrent le pays en avril
2008 mais cela n’empêcha pas Préval de bloquer des lois qui
auraient augmenté le salaire minimum de 1,72 dollar par jour des
ouvriers des usines de vêtements.
Quant à George W. Bush, son choix en tant que codirigeant
d’une prétendue campagne humanitaire est une insulte tant au
peuple haïtien qu’au peuple américain. Sa nomination par Obama
est la continuation des efforts persévérants faits depuis
l’élection du président démocrate, elle-même le produit de la
haine populaire vis-à-vis de Bush et de son parti, pour
réhabiliter les Républicains.
L’accomplissement le plus marquant de Bush (un criminel de
guerre impénitent responsable du massacre d’un million
d’Irakiens) sur le plan de la politique intérieure est l’échec
abject de son gouvernement à empêcher que la Nouvelle Orléans et
la côte du Golf du Mexique ne soient ravagées par l’ouragan
Katrina, puis à organiser des opérations efficientes de secours
et de reconstruction.
C’est là le palmarès des deux hommes sélectionnés par Obama
en tant que visages publics de la dernière initiative américaine
en Haïti. Durant le week-end, Bush et Clinton firent un certain
nombre d’apparitions médiatiques parmi lesquelles des interviews
sur les cinq chaînes d’informations télévisées où ils
insistèrent sur le besoin de restaurer la « stabilité » en Haïti
et sur le rôle important que les Etats-Unis auraient à jouer
dans cet effort.
Bush et Clinton incarnent le rôle pernicieux et réactionnaire
joué par l’impérialisme américain en Haïti au cours du siècle
passé. Il n’est pas exagéré de dire que la politique de leurs
administrations ont causé autant de morts et de ravages dans ce
pays que le tremblement de terre lui-même.
(Article original paru le 18 janvier 2010)
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Publié le 27 janvier 2010 avec l'aimable autorisation du WSWS
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