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L'option « Hitler » en Afghanistan
Patrick Martin
Le général David Petraeus
Samedi 3 juillet 2010 Le limogeage du Général Stanley
McChrystal, de son poste de commandant en Afghanistan et son
remplacement par le général David Petraeus n'est pas, comme le
disent les apologistes politiques d'Obama, une défense de
principe du contrôle du monde civil sur l'armée. Ce n'est pas
non plus, comme voudrait nous le faire croire la ligne
officielle émanant de la Maison blanche, juste un changement de
personne et non de politique.
Tout porte à croire que ce changement de commandement est la
conséquence d'une insatisfaction grandissante des méthodes
contre-insurrectionnelles de McChrystal qui n'ont pas réussi à
déloger les forces de guérilla conduites par les Talibans et qui
contrôlent la plus grande partie du sud et de l'est de
l'Afghanistan. Cela présage une augmentation drastique du niveau
de violence militaire américaine et particulièrement du taux de
victimes civiles parmi la population afghane. Leur « crime » est
de sympathiser et de soutenir l'insurrection anti-américaine.
Petraeus se prépare déjà, selon un reportage, à modifier les
règles de combat pour permettre un plus grand usage de la force.
Selon un article du journal britannique Independant de
dimanche, McChrystal devenait de plus en plus pessimiste quant
aux perspectives de succès, notamment après avoir dû remettre à
plus tard l'offensive prévue dans la ville clé du sud, Kandahar,
bastion des Talibans. Il en aurait rendu compte au ministres de
la Défense de l'OTAN au début du mois et « averti qu'il ne
fallait pas s'attendre à un quelconque progrès dans les six
prochains mois. »
Le journal écrit: « Selon des sources informées, c'est ce
compte-rendu autant que l'article du Rolling Stone qui
ont convaincu M. Obama de limoger » McChrystal. L'article
poursuit, « On a considéré que le général était 'à
contre-courant' dans sa mise en garde aux ministres quand il
leur a dit de ne pas s'attendre à des résultats rapides et
qu'ils étaient confrontés à 'une insurrection grandissante et
qui ne se laisse pas abattre.' »
Une campagne médiatique a commencé aux Etats-Unis, avec pour
fer de lance le New York Times, disant que McChrystal
porte un intérêt excessif aux victimes civiles afghanes prises
dans la guerre qui se durcit entre les forces américaines et de
l'OTAN et les forces de guérilla menées par les Talibans.
Cela a commencé par un article du 22 juin de C.J. Chivers qui
décrit la frustration grandissante parmi les officiers
supérieurs, sous-officiers et simples soldats en Afghanistan qui
se disent « menottés » par McChrystal. Les tactiques du général
entraveraient soi-disant « la puissance de feu du côté des
forces occidentales - frappes aériennes, attaques à la roquette
guidée, barrages d'artillerie et même feu de mortier - pour
assister les troupes au sol. »
Ce thème a été repris par différents correspondants du
Times dans des commentaires en ligne sur le site Internet du
journal, Robert Mackey, John Burns et Dexter Filkins l'ont tous
repris à l'unisson, puis par les chroniqueurs du journal, qu'ils
soient libéraux ou conservateurs.
Bob Herbert, chroniqueur libéral, s'est soudain découvert une
vocation de conseiller en tactiques militaires dans une
chronique samedi intitulée « Pire qu'un cauchemar. »Il y dénonce
la stratégie contre-insurrectionnelle de McChrystal et Petraeus,
déclarant que leurs partisans « semblent avoir perdu de vue un
aspect fondamental de la guerre: on ne va pas à la guerre à
petits pas. On va à la guerre pour écraser l'ennemi. On le fait
avec férocité et le plus rapidement possible. Si on ne le fait
pas, si on a des cas de conscience, ou si on ne sait pas le
faire, alors on ne part pas en guerre. Les hommes qui ont pris
d'assaut les plages de Normandie n'essayaient pas de gagner le
coeur et l'esprit de qui que ce soit. »
Il poursuit: « Parmi les inconvénients de cette prudence à la
bataille il y a ce manque de volonté dérangeant de fournir à nos
propres troupes de combat la couverture des frappes aériennes et
d'artillerie qu'ils pensent être nécessaire. »
Ross Douthat, chroniqueur conservateur au Times a
soulevé la même question lundi arguant que « le succès est notre
ticket pour quitter » l'Afghanistan. Le gouvernement Obama « ne
choisit pas entre rester en Afghanistan et se retirer du combat.
Il choisit entre deux façons de rester, à savoir une impasse qui
se prolonge ou bien une victoire militaire franche. »
Douthat fait remarquer que l'article du Rolling Stone
qui a été le déclencheur du licenciement de McChrystal était
« ostensiblement une critique de la contre-insurrection,
critique antiguerre et de gauche. » Mais en fait, il donnait
voix aux « critiques que la stratégie en cours accorde trop
d'importance à la vie d'Afghans innocents. » Il cite un autre
analyste dont il résume l'article comme étant une critique de la
stratégie actuelle « parce qu'elle ne permet pas à nos soldats
de tuer suffisamment de personnes. »
Cela pourrait sembler quelque peu exagéré de dire que le
général McChrystal, commandant de longue date des forces
d'Opérations spéciales, et responsable de l'assassinat de
milliers d'insurgés durant ses années en Irak, soit considéré
comme insuffisamment assoiffé de sang. La logique d'une telle
critique a été expliquée en détail dans une analyse
significative du numéro de juillet 2010 du Washington
Quaterly, le magazine du Center for Strategic and
International Studies (Centre d'études stratégiques et
internationales), un groupe de réflexion politique majeur de la
capitale américaine.
Ecrit par Lorenzo Zambernardi, universitaire italien
travaillant à présent aux Etats-Unis, l'article discute de ce
qu'il appelle « le trilemne impossible de la
contre-insurrection. »
Zambernardi argue: « La contre-insurrection implique trois
objectifs principaux, mais dans la pratique réelle un
contre-insurrectionnel a besoin de choisir deux de ces trois
objectifs... Le trilemne impossible de la contre-insurrection
est que, dans ce type de conflit, il est impossible d'accomplir
simultanément : 1)la protection des forces, 2) la distinction
entre des ennemis combattants et non combattants, et 3)
l'élimination physique des insurgés. »
Selon ce schéma, McChrystal avait choisi les second et
troisième objectifs, avec pour conséquence le pic de victimes
américaines et de l'OTAN et l'insatisfaction croissante parmi
les simples soldats à qui on donne l'ordre de prendre de plus
grands risques pour éviter de faire des victimes civiles.
L'alternative, écrit l'auteur, est de se concentrer plutôt sur
les premier et troisième objectifs. « Un Etat peut protéger ses
forces armées tout en détruisant les insurgés, mais uniquement
en tuant aveuglément des civils, comme l'ont fait les Ottomans,
les Italiens et les nazis respectivement dans les Balkans, en
Libye et en Europe de l'est.
On pourrait peut-être qualifier ce choix, que l'auteur
appelle plus tard « une politique de barbarie » d' « option
Hitler. »
C'est cette direction qu'a prise à présent la politique
américaine en Afghanistan: une escalade spectaculaire de la
violence dans une guerre qui s'est toujours caractérisée par une
brutalité extrême et le mépris de la destruction de vies
innocentes.
Telle est la réponse de l'impérialisme américain à son échec
à supprimer l'opposition populaire en Afghanistan à la guerre et
à l'occupation néo-coloniale de Washington. La motivation pour
accroître le bain de sang naît de ce que l'insurrection anti
américaine jouit d'un soutien populaire massif. Cette lutte des
masses afghanes contre l'occupation étrangère est entièrement
légitime.
Des dizaines de milliers de civils afghans ont été tués en
plus de neuf ans de guerre, dans ce qui est le plus long
engagement militaire de l'histoire américaine. Les frappes
aériennes américaines ont touché des célébrations de mariage,
des sorties familiales et même des cérémonies d'enterrement.
Des milliers d'Afghans ont été capturés et détenus et
torturés dans le tristement célèbre camp de prisonniers de
Bagram et autres lieux de par le pays. Les missiles prédateurs
américains ont été lancés à partir de drones sur des villages
des deux côtés de la frontière entre l'Afghanistan et le
Pakistan, faisant des centaines et probablement des milliers de
morts.
C'est ce bain de sang qu'Obama a publiquement présenté comme
étant la « bonne guerre » lors de sa campagne présidentielle et
que l'aile libérale du Parti démocrate embrasse avec
enthousiasme jusqu'à ce jour, malgré l'opposition populaire
grandissante aux Etats-Unis. Ceux qui prennent les décisions de
continuer et d'accroître ce conflit se rendent coupables de
crimes de guerre. Ceux qui fournissent les justifications
politiques pour « vendre » cette guerre aux Américains sont
leurs complices.
(article original paru le 29 juin 2010)
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Publié le 3 juillet 2010 avec l'aimable autorisation du WSWS
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