Interview
Interview du chef
du Hezbollah par le fondateur de
Wikileaks
Parti
Anti Sioniste
Seyyed
Hassan Nasrallah
Jeudi 3 mai 2012
*Vidéo en fin
d’article.
Julian Assange, fondateur de
Wikileaks, s’est entretenu par
visioconférence avec Seyyed Hassan
Nasrallah, secrétaire général du
mouvement politique libanais
Hezbollah. Cette interview,
réalisée en avril 2012 par la chaîne
d’information
Russia Today,
nous éclaire sur la situation au
Moyen-Orient, et notamment sur les
positions du Hezbollah vis-à-vis de la
Syrie. C’est le premier
entretien accordé par le chef du
Hezbollah à un média occidental depuis
la guerre israélo-libanaise d’août 2006.
Quelle est
votre vision pour l'avenir d'Israël et
de la Palestine ? Qu'est-ce-qu’une
victoire selon vous ? Dans l’hypothèse
d'une victoire, déposerez-vous les armes
?
Israël est un Etat illégitime qui est
né à travers la colonisation, le vol des
terres des autres, le contrôle forcé des
terres des autres et les massacres des
Palestiniens. Il y a parmi les expulsés
et les déportés, des Musulmans et des
Chrétiens. C’est pourquoi le
droit doit être rendu à celui qui a été
victime, même si des dizaines d'années
se sont écoulées, le temps ne fait pas
disparaître l'injustice ! Si
une maison vous appartient et que je
vous la prends par la force, ça ne fait
pas de cette maison ma propriété même
après cinquante ou cent ans, cela ne me
donne pas le droit de garder votre
maison ! C'est bien-sûr notre avis au
niveau idéologique et juridique. Nous
croyons que la Palestine appartient aux
Palestiniens. […] Donc, la seule
solution est un seul Etat, que sur la
terre de Palestine vivent en paix des
Musulmans, des Juifs et des Chrétiens,
dans un État démocratique. Toute autre
solution ne peut réussir.
Israël
prétend que le Hezbollah a lancé des
roquettes en direction de régions
civiles. Que répondez-vous à cela ?
Depuis 1948, depuis la création de
l'Etat israélien sur la terre
palestinienne, les forces israéliennes
bombardent les civils, les villes et
villages libanais. Durant les années de
résistance, entre 1982 et 1992, nous
avons agi en réaction aux tirs
israéliens contre les civils afin de les
stopper. C'est pour cette raison qu'en
1993, il y a eu un accord qui n'était
pas direct entre la résistance libanaise
et Israël, cet accord a été précisé en
1996. L'accord prévoit de ne pas viser
les civils libanais ou israéliens.
On a toujours dit : « Si
vous ne visez pas nos villages, nos
provinces et nos villes, on fera de même
». Le Hezbollah a du
adopter cette attitude, après des années
d'exaction de la part des Israéliens sur
les civils libanais, et le seul objectif
est d'empêcher les Israéliens de tuer
des civils libanais.
Wikileaks
a obtenu un document secret de
l'ambassade américaine au Liban. Il est
dit que vous étiez choqué de voir des
membres du Hezbollah corrompus. Ils ont
des véhicules de luxe, portent de la
soie, etc. Est-ce une évolution
naturelle pour que le Hezbollah se
présente aux élections ?
Premièrement, ce qui a été dit n'est
pas vrai et ce n'est qu'une partie des
rumeurs qu'ils propagent pour salir
l'image du Hezbollah. Bien-sûr, cela
fait partie de la guerre médiatique
menée contre nous. Ils disent aussi que
nous gérons des organisations mafieuses
et que nous trempons dans le commerce
mondial de la drogue. Il faut savoir que
ce genre d'actions est considéré dans
notre religion comme un grand péché que
nous combattons ! Ils disent beaucoup de
choses sans fondement ! Je voulais donc
vous préciser dans un premier temps que
ce qui se dit sur nous, est faux.
Deuxièmement, ce qui a été récemment
dit est un phénomène marginal. Avant
2000, des familles riches ne soutenaient
pas le Hezbollah, elles ne soutenaient
pas sa ligne de conduite, ni ses idées,
ni son programme. Après 2000, lorsque la
résistance et le Hezbollah, élément
important de la résistance au Liban, ont
pu libérer le Sud du Liban, cela a été
considéré comme un miracle et a provoqué
un choc au sein de la société libanaise.
Comment un petit groupe a pu résister
durant 33 jours devant la plus grande
armée de la région sans subir aucun
échec ! C’est donc devenu une fierté
pour certaines de ces riches familles
d’appartenir au Hezbollah. Ces familles
riches vivent selon leur niveau de vie,
il a été dit que le Hezbollah vivait
ainsi alors que c’est faux. Je peux donc
vous dire avec certitude que ces rumeurs
sont fausses.
Pourquoi
avez-vous soutenu le « Printemps arabe »
en Tunisie, au Yémen, en Égypte et dans
d'autres pays mais pas en Syrie ?
Nos raisons sont claires. Tout
d'abord, on ne se mêle pas des affaires
des pays arabes et cela a toujours était
notre politique. Les évolutions dans les
pays arabes sont arrivées à un tel point
qu'aucun parti ou mouvement ne pouvait
se taire. En Syrie, tous savent
que le régime de Bachar al-Assad est un
régime de résistance. Ce régime est
resté au côté de la Résistance au Liban
et en Palestine. C'est un
régime qui ne s'est jamais soumis aux
pressions américaines ou israéliennes,
c'est donc un régime qui est au service
de la cause palestinienne et des
Palestiniens. Ce que nous voulons pour
la Syrie, c'est le dialogue et la mise
en place de réformes. L'autre solution,
en raison de la diversité en Syrie et du
caractère sensible de la situation
syrienne, est de pousser la Syrie à la
guerre civile. C'est exactement ce que
veulent les Etats-Unis et Israël pour la
Syrie, et cela est inacceptable pour
nous.
Seyyed, en
une semaine il y a eu plus de cent
personnes tuées à Homs en Syrie, et
parmi elles, la journaliste Marie Colvin
que j'ai rencontrée il y a un an de
cela. Je comprends votre argument qui
consiste à dire de ne pas détruire un
pays sans raison et qu'il faille
privilégier la réconciliation. Mais
est-ce que le Hezbollah a une ligne
rouge à ne pas franchir ? À partir de
combien de morts le Hezbollah prendra
position et dira : « Stop » ?
Depuis le début des événements en
Syrie, nous sommes en communication
quotidienne avec les dirigeants syriens.
Nous dialoguons comme discutent des
amis, et nous nous conseillons
mutuellement sur l'importance de faire
des réformes. […] À chaque rencontre
avec les dirigeants politiques libanais,
arabes et musulmans, je leur disais que
j'étais certain que le Président Bachar
al-Assad voulait des réformes. Il fera
de vraies réformes mais c'est à
l'opposition d'accepter le dialogue. Je
vais vous dire plus que ça. On a pour la
première fois pris contact avec des
opposants au régime afin de les
encourager à choisir le dialogue, mais
malheureusement ces opposants ont refusé
tout dialogue. Depuis le début
des événements, nous avons à faire à un
régime qui est prêt au dialogue et aux
réformes, mais qui a en face de lui une
opposition ne souhaitant ni le dialogue,
ni les réformes. La seule chose
qui l'intéresse, c'est de faire tomber
le régime et c'est bien là le problème.
Autre chose, il faut voir ce qui se
passe en Syrie sous deux angles et non
un seul. Les milices armées en Syrie ont
tué beaucoup de civils !
A votre avis,
comment va évoluer la situation syrienne
? Que devrions-nous faire pour arrêter
la tuerie là-bas ? Vous avez parlé du
dialogue et c'est facile de dire cela.
Mais y-a-t-il des mesures concrètes pour
mettre fin à l'effusion de sang ?
À la question précédente, il y a
quelque chose que je n'ai pas mentionné
et que je vais ajouter. Certains pays,
arabes ou occidentaux, financent et
arment l'opposition. Ils encouragent les
combats à l'intérieur de la Syrie.
Certains sont des pays arabes, tandis
que d'autres ne le sont pas. Il y a un
autre élément qui est dangereux : nous
avons tous entendu le docteur Ayman al-Zawahiri
[chef d’Al-Qaïda, ndlr] appeler
au combat en Syrie. Il y a donc des
combattants d'Al-Qaïda qui sont déjà
arrivés en Syrie, et d'autres les
rejoignent de différents pays pour
transformer la Syrie en un champ de
bataille. Ces pays, qui fournissent des
armes et de l'argent à l'opposition,
sont en mesure d'obtenir de ces groupes
qu'ils s'assoient à une table afin de
régler les choses politiquement.
Certains pays arabes ont dialogué
pendant une dizaine d'années sans
interruption avec Israël en dépit de ce
qu'a fait Israël dans la région, et ils
considèrent qu'il n'est pas bon de
donner un an, deux ans, ni même quelques
mois pour trouver une solution politique
à la Syrie ! C'est insensé et
ce n'est pas juste.
Seriez-vous
volontaire pour être un médiateur entre
l'opposition et Bachar al-Assad ? Les
gens vous font confiance et savent que
vous n'êtes pas un agent des Etats-Unis,
d'Israël ou de l'Arabie Saoudite, mais
croiront-ils que vous n'êtes pas un
agent de la Syrie ? Et s'ils vous font
confiance, accepterez-vous d'être un
médiateur pour la paix ?
Les trente années d'existence du
Hezbollah démontrent qu'il est un ami de
la Syrie et non un agent pour elle !
Vous savez qu'il y a eu des étapes
politiques au Liban durant lesquelles
les relations entre nos deux pays
n'étaient pas bonnes. Ceux qui ont tiré
profit de la présence syrienne au Liban,
que ce soit au niveau politique ou non,
sont ceux qui, aujourd’hui, combattent
la Syrie alors que nous, nous subissions
des pressions de la Syrie à cette
époque. Pour notre part, nous nous
considérons comme des amis et non comme
des agents les différents segments de
l'opposition, et toutes les forces
politiques de la région le savent.
Deuxièmement, lorsque nous disons que
nous soutenons la solution politique,
cela veut dire que nous sommes prêts à
fournir tout effort pour aller vers une
solution politique. Au début de notre
interview, je vous ai dit que nous
avions pris contact avec l'opposition
mais qu’elle avait refusé la voie du
dialogue. Nous disons à tous
ceux qui veulent dialoguer avec le
régime et qui veulent que nous servions
de médiateur que nous sommes prêts à le
faire, mais nous demandons à tous de
faire des efforts pour une solution
politique. Allons-nous nous
défiler devant cette responsabilité ?
Bien-sûr que non ! […]
*Interview du chef du Hezbollah
par le fondateur de Wikileaks
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