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IRIS

Islamabad, 3 novembre 2007 : le second putsch de général Musharraf
Olivier Guillard


Olivier Guillard - Photo IRIS

IRIS, 5 novembre 2007  

Il y a tout d’abord ceux qui sont surpris et, à juste titre, consternés ; et puis les autres, observateurs attentifs de la volatile scène politique, ethnique et sécuritaire du Pakistan. Ceux-là auront vécu les derniers rebondissements au pays du Quaid – e -- Azam, le « père de la nation » Mohammed Ali Jinnah, avec le recul des contemplateurs avertis et impuissants. Point de grande surprise – surtout de bonne -- dans ce nouveau coup d’éclat, à défaut d’être d’état, du général-président Pervez Musharraf. Ce 3 novembre, l’homme qui est à la tête de la nation de 160 millions de citoyens depuis son coup d’état militaire d’octobre 1999, proclame l’état d’urgence dans l’ensemble du pays. Ses mots et motifs pour justifier ce tour de force -- fort mal vécu par la population -- laissent en réalité planer peu de doutes sur ses véritables intentions : parmi les griefs exposés, relevons l’extrême fragilité dans lequel se débat le pays, la détérioration de l’ordre et de la sécurité imputable aux attentats-suicides et kidnappings des islamistes radicaux et autres partisans d’Al Qaeda et, motif infiniment plus discutable, l’action déstabilisatrice que mènerait contre le gouvernement, sciemment ces derniers mois, la Cour Suprême et son emblématique président Iftikhar Chaudhry. Une attitude qui, selon les termes de l’administration Musharraf, nuirait au moral du gouvernement, de la police et de l’armée. Une influence néfaste, condamnable, qui empêcherait par conséquent, selon la philosophie gouvernementale, les forces de l’ordre de se concentrer sur la lutte contre les groupuscules radicaux et terroristes criblant ces derniers mois le pays, depuis le triste épisode du siège et de l’assaut de la Mosquée rouge au cœur de la capitale Islamabad en Juillet, de sanglantes attaques-suicides au bilan humain épouvantable (près de 500 morts depuis juillet). Ainsi donc, d’après l’argumentaire de l’administration Musharraf, si le Pakistan se trouve à l’automne 2007 au bord de la rupture, il le doit en grande partie à son institution suprême et à ses « méchants » juges, coupables de velléités d’indépendance vis-à-vis d’un pouvoir exécutif ne tolérant guère cette insubordination, là où la dépendance a toujours (ou presque) été le principe roi. N’était-ce la réalité dramatique imposée à cette population qui voit s’évanouir, reporter aux calendes grecques, ses aspirations à plus de démocratie, on serait tenter d’en sourire. Hélas, tel ne peut-être le cas.

Car d’élections législatives (programmées en janvier 2008) et de « réconciliation nationale », il n’est déjà presque plus trace. La promulgation de l’état d’urgence – que d’aucuns peinent à distinguer de la loi martiale – interdit les rassemblements politiques, les meetings, les réunions de plus de 5 personnes et toute discussion mettant en cause l’autorité de l’état et la légitimité de ses dirigeants ; sur ce sujet fécond, il y aurait pourtant beaucoup à dire…

Quelle mouche a bien pu piquer le général-président Musharraf, l’homme qui concentre encore à ce jour – contre le cours de l’histoire et l’avis de l’immense majorité de la population – les fonctions de chef d’Etat (réélection à la Présidence le 6 octobre) et de chef des armées ? De bien mauvaises augures probablement … En effet, en ce début de semaine, la Cour Suprême devait se prononcer sur la légalité de la réélection du Pdt. Musharraf, divers concitoyens doutant que l’on puisse briguer la présidence … dans des habits de militaire. En proie à une farouche lecture indépendante des textes et des enjeux, on prêtait ces jours-ci à la Cour Suprême la possible invalidation de cette réélection ; tout ancien commando qu’il soit, le général Musharraf n’était pas prêt à assumer ce risque et préfère le cadre moins incertain – à court terme à tout le moins – d’un nouvel épisode de loi quasi-martiale, plus adaptée à son maintien au pouvoir.

Un choix à l’évidence critiquable et douteux , et en tous les cas pas soutenu depuis l’étranger, où même la puissante Amérique, alliée stratégique du Pakistan dans ce recoin tourmenté du monde, entre islamisation et crise afghane, s’est répandue en condamnations. Dans un an tout juste, les électeurs américains auront élu leur prochain(e) Président(e). En dépit des discours critiques (quoi que fort justes et non immérités) à l’endroit de ce général qui s’accroche par tous les moyens au pouvoir à Islamabad, qui revient plus souvent que de raison sur ses promesses (abandon de ses fonctions militaires une fois réélu ; tenue des élections générales en janvier 2008 ; etc.), les décideurs de la Maison-Blanche sacrifient probablement à leur sensibilité démocratique la stabilité, fut-ce pour un temps court et incertain, de leur interlocuteur privilégié qu’est Pervez Musharraf. La poursuite de la guerre contre le terrorisme justifie à leurs yeux ce choix, fut-il imparfait. Une préséance qui ne constitue en rien, au « pays des purs » comme en Amérique, la panacée aux mille maux dont souffre cette jeune nation, entre état d’urgence, attentats et chaos. Chargés d’orages, les temps à venir ne tarderont pas à nous le rappeler.



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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