Tendances de l'Orient
La Ligue arabe
d'Amérique pave la voie à la
recolonisation de la Syrie
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Orient News
Mardi 15 novembre
2011
Avant même que n’expire le délai de 15
jours accordé à la direction syrienne
pour mettre en œuvre le plan arabe de
règlement de la crise, la Ligue arabe a
décidé, dans une mesure inattendue, de
suspendre la Syrie de toute ses
institutions.
Cette décision était planifiée à
l’avance, comme l’ont affirmé les
ministres syrien et russe des Affaires
étrangères, Walid Moallem et Serguei
Lavrov (Voir ci-dessous). D’ailleurs,
l’initiateur de ce complot, le Premier
ministre qatari, Hamad Ben Jassem,
n’avait pas pu cacher son irritation
lorsque Damas avait accepté le plan
arabe, le 1er
novembre. La France, les Etats-Unis et
la Turquie, qui coordonnent leur action
étroitement, ont eu la même attitude
négative. Ce plan de règlement avait en
fait été mis en place pour qu’il soit
refusé par la Syrie. Sentant le piège,
Damas l’avait accepté. Mais
l’acharnement des Arabes de l’Amérique
n’a, semble-t-il, aucune limite. Sans
prendre la peine de préserver les
formes, ils ont initié une campagne
médiatique féroce, avançant tous les
jours des bilans fantaisistes de morts
en Syrie, pour dénoncer le non-respect
par Damas du plan arabe, afin de
justifier une réunion urgente. Lors de
cette rencontre au Caire, le 12
novembre, l’affaire a été expédiée en un
quart de tour. Pas de délibérations, pas
de lecture des lettres adressées par les
autorités syriennes expliquant les
mesures prises (libération de 550
détenus), début du retrait de l’Armée
des villes, visas pour 80 journalistes
etc…), pas de débat. La décision
–illégale car ne faisant pas
l’unanimité- de suspendre la Syrie, pays
fondateur de la Ligue et dernier Etat
arabe à faire face à Israël, a été
annoncée.
Une tentative d’internationalisation
Le but de cette décision est d’assurer
une couverture arabe à
l’internationalisation de la crise, en
renvoyant le dossier devant le Conseil
de sécurité. Progressivement, des
mesures seront prises pour accentuer
l’isolement et l’affaiblissement de la
Syrie, en prélude d’une intervention
militaire, vraisemblablement conduite
par la Turquie, membre de l’Otan.
La Syrie a réagi sur le double plan
populaire et diplomatique à ce coup de
poignard.
Dès les premières heures de dimanche,
des millions de personnes ont commencé à
se rassembler à Damas et dans les autres
grandes villes du pays. De la côte
méditerranéenne à l’ouest, jusqu’à la
frontière irakienne à l’Est; de Daraa et
Soueida au Sud, à Alep et Raqqa au Nord,
les Syriens se sont mobilisés en masse.
Les manifestants ont brandi des
portraits de Bachar al-Assad et déployé
des drapeaux syriens géants, tout en
scandant des slogans à la gloire du
président et hostiles aux pays du Golfe.
Une foule en colère avait attaqué,
samedi, l’ambassade d’Arabie saoudite à
Damas et les consulats de France et de
Turquie à Lattaquié.
Sur le plan politique, la Syrie a
annoncé qu’elle était disposée à
recevoir, avant le 16 de ce mois, le
comité de médiation arabe. Les
médiateurs pourraient se fait
accompagner d’observateurs militaires et
civils et de journalistes pour vérifier
les développements sur le terrain. Damas
a également réclamé la tenue d’un sommet
arabe urgent au niveau des chefs d’Etat,
pour examiner la crise syrienne et ses
répercussions sur la conjecture arabe.
En faisant preuve d’ouverture, Damas
veut prouver à son peuple d’abord et aux
autres ensuite, que la Ligue arabe n’est
pas motivée par le souci de «protéger
les civils», ni de régler la crise via
le dialogue, mais par l’exécution des
ordres de Washington qui consistent à
renvoyer le dossier au Conseil de
sécurité. Bien que fortement embarrassés
par l’offre syrienne, la Ligue n’avait
toujours pas donné de réponse lundi
soir. Les Arabes d’Amérique étaient
occupés à préparer une autre réunion
ministérielle à Rabat, mercredi, au
cours de laquelle ils projettent de
donner leur feu vert à la création, par
la Turquie, d’une zone tampon, dans le
Nord de la Syrie. En d’autres termes,
ils prévoient de couvrir l’occupation
d’un pays arabe par une puissance
régionale non-arabe!
Quoi qu’il en soit, Walid Moallem a
assuré que la Syrie défendrait la plus
petite parcelle de sa souveraineté.
La Russie campe sur ses positions
La manœuvre de la Ligue arabe, dominée
par un petit émirat sous-peuplé ployant
sous d’incroyables richesses, était
tellement grossière que Serguei Lavrov
n’a pas pu s’empêcher, lundi, de la
dénoncer en des termes on ne peut plus
sévères. Le chef de la diplomatie russe
a réaffirmé que son pays refuse toute
intervention étrangère en Syrie et
s’oppose à la suspension de Damas des
instances de la Ligue. Il a accusé
l’Occident d’encourager la contestation
et les voisins de la Syrie de transférer
des armes aux insurgés. L’Iran, l’Irak
et le Venezuela ont dénoncé les
ingérences américaines dans les affaires
syriennes et l’Algérie a annoncé qu’elle
ne comptait pas rappeler son
ambassadeur.
Et comme si la trahison des Arabes ne
suffisait pas, la coalition
pro-américaine du 14-Mars, au Liban,
s’investit à fond aux côtés de
l’opposition syrienne. L’Armée libanaise
a annoncé à plus d’une occasion avoir
saisi des armes destinées aux insurgés
syriens. La Sureté générale a arrêté à
l’aéroport de Beyrouth trois
ressortissants syriens avec des listes
de matériels réclamés par les groupes
armés en Syrie. Ils étaient en route
pour un pays du Golfe pour trouver le
financement.
Dans les régions frontalières à majorité
sunnite, allant du Nord à l’Est du Liban
sur une distance de plus de 100
kilomètres, les opposants syriens et
leurs familles sont accueillis et logés.
Deux députés islamistes proches du
Courant du Futur de Saad Hariri, Mouïn
Merhebi et Khaled Daher, ont mis en
place une importante logistique pour
accueillir non seulement les réfugiés
mais aussi les blessés. Et depuis
quelques jours, le 14-Mars mène campagne
pour l’installation d’un camp de
réfugiés, comme en Turquie, qui
deviendra, très vite une base d’entrainement
d’extrémistes. Pourtant, selon les
Nations unies, il n’y a au Liban que
3300 réfugiés, logés la plupart chez des
proches.
L’encerclement de la Syrie se met en
place et «la guerre rampe très vite»
vers ce pays, pour reprendre le titre du
quotidien arabophone londonien
Al-Qods Al-Arabi.
Les conditions actuelles rassemblement à
celles d’il y a 20 ans, lorsque la Ligue
arabe a fait de même avec l’Irak suite à
l’invasion du Koweït.
Mais la Syrie n’est ni la Libye de
Moammar Kadhafi ni l’Irak de Saddam
Hussein. Et tous ceux qui complotent
contre elles le découvriront… à leurs
dépens.
Déclarations et prises de positions
Walid Moallem,
ministre syrien des Affaires étrangères
«Le leadership syrien voit dans le
dialogue et les réformes dans un climat
de paix civile la base d'une vie digne à
laquelle tous les Syriens aspirent. Et
c'est pour cela qu'il traite ouvertement
avec tout effort contribuant au
lancement du dialogue. L’attitude de la
Russie et de la Chine ne changera pas
tant que la coopération avec ces deux
pays amis se poursuit. Le peuple syrien
ne doit pas s'inquiéter d’une éventuelle
internationalisation et de la répétition
du scénario libyen en Syrie. Il n'y a
pas d'escalade dans la crise; au
contraire nous nous orientons vers sa
fin. Nous réaffirmons que le comité de
médiation arabe est le bienvenu en
Syrie, accompagné d’observateurs
militaires, civils et de journalistes
afin de vérifier que le plan de la Ligue
arabe a commencé à être mis en œuvre. Je
ne cache pas qu'il y a une crise en
Syrie et que les conspirations l'a
frappent de toutes parts, car elle paie
le prix de la fermeté de ses positions
et de la sincérité de son Arabité. Mais
la Syrie ne fléchira pas et sortira
forte de la crise. La décision de la
Ligue arabe de suspendre la Syrie est
très dangereuse pour l'action arabe
commune dans l'immédiat et à l'avenir.
Cette mesure a été planifiée à l’avance.
Nous disposons d’une étude juridique qui
confirme que la suspension est illégale
et contraire à la charte de la ligue car
elle doit être décidée à l'unanimité de
tous les pays membres, à l'exception de
l'Etat concerné. La Syrie a ses raisons
de croire que les parties qui avaient
préparé cette mesure ont été surprises
par la mise en œuvre des points du plan
d'action arabe par Damas. Une campagne
médiatique sans précédent a accompagné
cette acceptation, en plus d'une
escalade des actes criminels armés sur
le terrain. La Syrie avait commencé à
retirer les troupes des villes, libéré
553 détenus, autorisé l'entrée de 80
journalistes. Si les Arabes ne
réagissent pas positivement à l'appel de
la Syrie, cela veut dire qu'ils auront
abandonné leur rôle. Les comploteurs
contre la Syrie avaient prévu que le
mois ramadan verrait la réalisation de
leur complot. Cette date a été prolongée
jusqu'au 16 de ce mois et la voilà
prorogée une nouvelle fois jusqu'à fin
2011, date du retrait des Américains
d'Irak. Mais tous ces plans seront voués
à l'échec»
Serguei Lavrov,
ministre russe des Affaires étrangères
«La décision de la Ligue arabe de
suspendre la Syrie est une faute et une
action planifiée à l’avance. Ceux qui
ont pris cette décision ont perdu une
chance très importante de mettre la
situation sur une voie plus
transparente. Les pays occidentaux
incitent l'opposition syrienne à
déstabiliser la Syrie. Je suis vivement
déçu par les déclarations du ministre
français des Affaires étrangères, Alain
Juppé, dans lesquelles il avait indiqué
que le plan arabe était mort-né. De
même, il est inacceptable que Washington
appelle les manifestants armés, d'une
manière flagrante, à ne pas rendre les
armes ni à bénéficier de l'amnistie
générale. Les groupes armés exploitent
insolemment les manifestations
pacifiques afin de provoquer les
autorités syriennes. Il existe un trafic
d'armes de Turquie, d'Irak et d'autres
pays en faveur des extrémistes en Syrie.
Je ne crois pas que l’évolution des
événements en Syrie exige un examen par
le Tribunal pénal international. Les
partenaires de la Syrie qui ont une
influence sur les différentes forces de
l'opposition syrienne doivent assumer
leurs responsabilités.»
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