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Opinion - El Watan
L'embarras de
Sarkozy
Nadjia Bouaricha
Photo: El Watan
Mardi 25 janvier 2011
Outre la tête de Ben Ali, la révolution tunisienne en marche a
fait tomber bien des masques et mis dans ses petits souliers
l’ancien colonisateur français.
L’implication et le soutien français aux régimes dictatoriaux du
Sud ne sont plus un secret, c’est même aussi visible qu’un nez
au milieu d’un visage. Nicolas Sarkozy qui a attendu la fuite de
Ben Ali pour soutenir le mouvement libérateur du peuple
tunisien, vient d’infliger un autre camouflet au pays «des
droits de l’homme», dont il est le président. Lors d’une
conférence de presse tenue hier, une journaliste allemande lui a
demandé s’il accueillerait Bouteflika en France dans le cas où
il lui arriverait la même chose qu’à Ben Ali.
Après un silence cachant mal son embarras, Nicolas Sarkozy a
lancé gêné : «En visite officielle !» Puis reprend avec une
remarque qui en dit long : «Vous imaginez l’exploitation qui
risque d’être faite de ma réponse dans un grand pays comme
l’Algérie ?» Et d’ajouter, en y mettant une grimace : «C’est
tout à fait normal que vous vous posiez ces questions, mais moi
je suis en charge d’une grande responsabilité, c’est ça la
différence». M. Sarkozy a donné, sans le dire, sa réponse à «son
ami Bouteflika». Voulant sortir sans trop de dégât de l’embarras
que lui a causé la question, le président français confirme ô
combien le soutien français aux régimes qui est plus important
que la défense du droit des peuples à la démocratie. Une réponse
qui montre que la France préserve ses amitiés avec les chefs
d’Etat du Maghreb tant qu’ils sont au pouvoir et jusqu’à ce
qu’ils soient «lâchés» par les leurs. Nicolas Sarkozy, qui a
fait son mea culpa quant à la position de la France sur le
régime tunisien, pourrait donc faire de même si le régime
algérien venait à être déposé. Il a même évoqué un droit de
«réserve» sur les questions liées aux anciennes colonies
françaises. Interrogé si la France va continuer à soutenir
d’autres régimes peu démocratiques dans la région comme
l’Algérie, Sarkozy a eu cette réponse très claire sur les
priorités françaises : «Le président de la République française
doit tenir compte du poids de l’histoire dans le jugement qu’il
porte sur l’évolution de chacun de ces pays.»
Ceci et d’ajouter : «Je revendique une certaine réserve
lorsqu’il s’agit de commenter les événements de pays qui étaient
d’anciennes colonies françaises et qui ne le sont plus. Je
revendique cette réserve, ce recul, spécialement sur l’Algérie.
Peut-être ai-je tort mais je revendique cette position-là.» Tout
en reconnaissant avoir sous-estimé «les aspirations du peuple
tunisien à la liberté», comme si la France n’avait pas jugé
encore ce peuple prêt à accueillir ce droit universel à la
démocratie, Sarkozy enchaîne pour justifier la position de son
pays vis-à-vis du régime Ben Ali : «Quand on est si proche,
quand les destinées individuelles et collectives sont tellement
imbriquées, on n’a pas toujours le recul nécessaire pour
comprendre les sentiments de l’autre.» Continuant de justifier
ce soutien à des régimes dénoncés par les peuples, il fait
valoir que la France n’est pas tenue de «discuter qu’avec les
pays à qui nous n’avons aucun reproche à faire». Après tant de
justificatifs aussi inélégants que méprisants vis-à-vis des
peuples du Maghreb, Sarkozy enterre définitivement l’image du
pays des droits de l’homme. Difficile aujourd’hui aux citoyens
d’ici aspirant à une vie meilleure sous l’emblème de la
démocratie de voir en la France un quelconque soutien.
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