Mercredi 24 février 2010
Membre du
Comité central du Fatah et responsable des relations
extérieures, Nabil Chaath
évoque la réconciliation palestinienne et les chances de relance
du processus de paix.
Al-Ahram Hebdo : Comment est née l’idée de la
visite que vous avez effectuée la semaine dernière à Gaza, pour
relancer la réconciliation avec le Hamas ? A quoi a-t-elle
abouti ?
Nabil Chaath :
L’idée de visiter Gaza m’est venue à l’esprit depuis quelque
temps, et plus précisément après les événements de juin 2006,
lorsque je fus réélu membre du Comité central du mouvement
Fatah. A cette date, le président Mahmoud Abbass m’avait
encouragé à aller à Gaza pour rendre visite aux nôtres. Mais
l’idée est restée en suspens. J’ai finalement décidé d’effectuer
cette visite pour les motifs suivants : j’ai senti que Hamas, un
an après l’arrêt des hostilités, souffrait toujours du blocus
permanent. Israël répétait que la levée du blocus était
conditionnée à l’arrêt du lancement des roquettes. Même les
efforts diplomatiques déployés par de nombreuses capitales,
n’ont pas réussi à mettre fin à l’intransigeance israélienne et
à lever le blocus étouffant Gaza.
N’oublions pas également que la relation des
Gazaouis avec l’Egypte s’était détériorée, d’autant plus que
l’Egypte représente une dimension stratégique d’envergure pour
la Palestine et à tous les paramètres, que ce soit en temps de
guerre ou de paix. Cependant, le Hamas a porté préjudice à ce
rôle par des positions et des déclarations irresponsables.
Les négociations n’ont pas réalisé de progrès
sur aucun volet et le gouvernement israélien de droite persiste
dans sa politique de colonisation et de judaïsation de
Jérusalem. Ainsi, il s’est avéré que la lutte armée n’a pas
abouti à une solution et que la stabilité en Cisjordanie n’a pas
réussi à relancer les négociations.
Dans son discours devant le conseil
révolutionnaire, Abou-Mazen a appelé à visiter Gaza et a
réconforter ses habitants. C’est à ce moment-là que j’ai senti
que le moment était approprié. J’ai alors contacté les
dirigeants du Hamas pour les informer de ma visite.
- Votre rencontre avec le premier ministre du
gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, comportait-elle des
promesses de réconciliation ou bien une éventuelle signature du
plan égyptien, ou était-elle une simple rencontre sans
lendemain, telle qu’elle fut qualifiée par certains ?
- Nous avons parlé de tous les points de
discorde et de divergence. Tout le dialogue était articulé
autour de la nécessité de signer le plan égyptien, même s’il
fallait lui rajouter des réserves. Mais en dépit et contre tout,
l’ultime choix devant être celui de l’unité de la Palestine et
de son peuple. La discussion a évoqué également les mesures
devant être prises pour établir la confiance, comme la
réouverture des bureaux de Fatah à Gaza et la nécessité de
mettre un terme au harcèlement dont font objet certains éléments
pour leurs appartenances factionnelles. D’ailleurs, ils m’ont
demandé de négocier autour de quelques-uns de ces points, mais
j’ai refusé, en leur disant que ma visite n’était pas destinée à
la négociation. J’avais parlé avec Salam Fayyad, le premier
ministre, avant ma visite, sur la responsabilité de l’Autorité
palestinienne concernant la facture d’électricité à payer à
l’Egypte et Israël. J’ai obtenu son approbation. Voilà un pas
que j’ai fait sans contrepartie pour établir la confiance, et le
Hamas doit faire des pas similaires sans en demander le prix. Si
nous parvenons à opérer des mesures concrètes sur le terrain
sans négociations, nous parviendrons inévitablement à la
réconciliation. La dernière de ces mesures fut la décision de
Haniyeh de libérer 20 éléments du Fatah. Mais je n’ai pas
insisté pour obtenir une promesse pour la signature du papier
égyptien, qui est considéré comme l’unique issue à la situation
actuelle.
- Pensez-vous que le blocage de la
réconciliation tient aux clivages entre le Hamas de l’intérieur
et celui qui vit en exil à Damas ?
- En revenant de Gaza, j’ai entendu, dans une
émission radiodiffusée, le Hamas de l’intérieur parler de
l’inévitable unité palestinienne. Alors que Ezzat Al-Rachq, de
Hamas, à Damas, avait rétorqué que tout ceci était une
propagande organisée par le Fatah pour s’attirer la sympathie de
la population, mais qui n’influence en rien la position du Hamas
vis-à-vis du papier égyptien qui reste inchangée. Des éléments
du Hamas à Gaza m’avaient transmis, quant à eux, leur
approbation du papier voilà plus de deux mois, alors que nos
frères à Damas avaient d’autres calculs. D’ailleurs, j’avais
déclaré que j’avais perçu une grande différence dans le ton et
une contradiction entre l’avis des deux parties à propos du plan
égyptien. Quatre ailes du Hamas prennent part à la prise de
décision, celle de Gaza, les éléments de la Cisjordanie, ceux
incarcérés dans les prisons israéliennes et ceux de Damas. Ces
derniers sont derrière l’immobilisme, ils sont la véritable
entrave face à la réconciliation, à l’opposé des trois autres
ailes.
- Comment voyez-vous l’avenir de la
réconciliation et la possibilité de sa concrétisation sur le
terrain ?
- Malgré tout ce qui a été mentionné et qui
reflète la difficulté de signer le papier égyptien par le Hamas,
il n’en demeure pas moins que je suis optimiste de le signer
avant le sommet arabe en mars. Mais la question ne se limite pas
à la simple signature, parce que nous avons déjà signé l’accord
de La Mecque qui a été violé trois mois plus tard. Mais il y a
des mesures qui peuvent être prises, comme la présence d’une
équipe sécuritaire arabo-égyptienne et leur application a besoin
d’un soutien économique et politique de toutes les parties. Nous
avons besoin de ce soutien après les élections prévues par le
papier égyptien. Au cas où aucune faction ne parviendrait à
gagner les élections, nous serons obligés de former un
gouvernement d’union nationale.
- Les négociations indirectes avec Israël
proposées par les Etats-Unis peuvent-elles mener à une solution
au conflit ?
- C’est possible théoriquement, mais
pratiquement parlant, il est impossible, parce que les
circonstances objectives nécessaires à l’aboutissement des
négociations résident dans la volonté réelle des deux parties,
ce qui fait visiblement défaut chez l’Etat juif qui persiste
dans sa politique de colonisation, de judaïsation et de
confiscation.
- La démarcation des frontières peut-elle
être un premier pas sur la voie des négociation avec Israël,
comme le suggère l’émissaire américain, George Mitchell ?
- Avec Netanyahu et sans un rôle américain
effectif, il serait extrêmement difficile de le faire. Je n’aime
pas utiliser le mot impossible, mais la droite israélienne a
besoin d’une administration américaine déterminée à parvenir à
la solution des deux Etats. Si Barak Obama n’est pas parvenu à
mettre un terme à la colonisation, comment aspirer alors à une
solution juste. Cependant, je n’ai pas perdu l’espoir en Obama.
- Comment voyez-vous l’avenir de la solution
à Jérusalem ?
- Jérusalem-Est est un territoire qui a été
occupé en 1967. La solution est que les Israéliens la quittent
et qu’ils se contentent d’un contrôle religieux sur le Mur des
lamentations en vertu d’un accord de coopération entre les
municipalités, ou bien des mesures de sécurité ou en présence de
forces internationales. Telle est la solution équitable, mais la
justice et l’équité ne satisfont pas toujours toutes les
parties.
- Pensez-vous que la question des réfugiés
palestiniens pourrait trouver une solution, étant donné le refus
d’Israël de tout retour ?
- Tant que le dossier des réfugiés n’est pas
réglé, il y aura toujours des menaces pour la sécurité. Nous
n’avons pas le droit de renoncer aux droits de 5 millions de
Palestiniens qui détiennent un droit dans leur patrie et qui ne
renonceront pas à ce droit. Si le droit du retour est garanti
aux juifs qui prétendent que leurs grands-pères et leurs aïeux
sont sortis de cette terre il y a 3 500 ans, comment peut-on
alors dénier ce droit aux Palestiniens qui ont quitté ces
territoires en 1948 par les armes ?
- Obama est-il arrivé à une impasse avec le
gouvernement israélien de droite ? Ou bien détient-il encore des
cartes susceptibles de mettre en avant l’option des deux Etats ?
- Obama détient toutes les cartes de la
solution, mais il ne veut pas les utiliser maintenant pour
maintes raisons. Tout d’abord à cause de Dick Cheney, qui a tué
toute coopération entre les deux partis républicain et
démocrate, contrairement à la tradition américaine. La direction
du Parti républicain a réussi à encercler tous les Républicains
au Sénat et au Congrès. Dans de telles conjonctures, le lobby
sioniste peut devenir très influent et avorter les plans d’Obama
au cas où il n’obtiendrait pas des voix républicains. Ce qui est
le cas actuellement.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 24 février 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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