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Opinion - El Watan
Marche du RCD à
Alger: état de siège et répression
Mustapha Benfodil
Photo: El Watan
Dimanche 23 janvier 2011
Cela ne s’était pas vu depuis la marche des archs du 14 juin
2001 : Alger arborait hier le visage d’une ville sous «état de
siège». Un état de siège cependant en bleu, comme l’uniforme de
la police, tant était impressionnant le dispositif de sécurité
déployé pour contrer la marche du RCD.
Une image forte résume à elle seule, si besoin est, cette
atmosphère particulièrement oppressante : le bureau de wilaya du
RCD, rue Didouche Mourad, encerclé par une armada de forces
antiémeute. Le docteur Saïd Sadi, les cadres et députés du parti
ainsi qu’une foule de militants, de sympathisants et de
journalistes étaient assiégés des heures durant dans les locaux
du RCD et aux abords du siège algérois du parti par un important
cordon de policiers antiémeute affichant casque, bouclier et
matraque. Tout Alger, ses principales artères, ses bâtiments
officiels, ses accès, ses venelles étaient sévèrement contrôlés
par des dizaines de camions de police.
Ainsi, à proximité du Palais du gouvernement, de la
présidence de la République, de l’Assemblée populaire nationale
(APN), de la Cour d’Alger et de nombreuses institutions,
différents engins des services de sécurité ainsi que des camions
de la Protection civile et des ambulances ont pris place dès les
premières heures de la journée, tandis qu’un hélicoptère ne
cessait de bourdonner dans le ciel. Un véritable climat de
guerre régnait sur la capitale. Outre cet attirail, on pouvait
remarquer un cordon de 4x4 Toyota de couleur noire, une
vingtaine environ, déployé le long de la rue Didouche Mourad. Il
s’agit d’éléments de la Brigade de recherche et d’intervention
(BRI), une unité d’élite de la police spécialisée dans la lutte
contre le… crime organisé.
Face à cette folle agitation policière, cette pancarte solitaire
posée contre un mur : «El harga ouala houma. Vive la jeunesse
algérienne !» (le feu plutôt que ces gens-là !). La pancarte
était illustrée d’un dessin campant une flamme rongeant le corps
d’un homme. Une allusion claire à la vague d’immolations qui
embrase notre jeunesse.
La rue Didouche Mourad était, on l’aura compris, le théâtre
par excellence du bras de fer RCD-forces de l’ordre. Même décor
sur la place du 1er Mai d’où devait s’ébranler la «Marche pour
la dignité». La porte de l’hôpital Mustapha donnant sur le
quartier Meissonnier était fermée au public. Un dispositif tout
aussi important encercle les abords de l’Assemblée nationale,
point de chute originel de la marche. La rue Asselah Hocine est
carrément fermée à la circulation automobile. Même dispositif
hermétique devant le port d’Alger. La gare routière de Tafourah
est «tenue en respect» par des véhicules de police. La route
Moutonnière connaît des bouchons inhabituels : les voitures
entrant vers Alger sont passées au crible par des barrages de
police. La gare routière du Caroubier connaît, elle aussi, un
quadrillage sans précédent, une forte escouade de policiers
déambulant ostensiblement dans le hall de la station de
voyageurs. Des fourgons de police ont pris place aux arrivées de
bus.
Les cars en provenance de Tizi Ouzou et de Béjaïa semblent
être leur hantise. D’ailleurs, aucun bus n’est rentré à la gare
durant la demi-heure que nous avons passée sur les lieux. Selon
le site TSA, des étudiants en provenance de Tizi Ouzou à bord de
trois autobus ont été interceptés dans la nuit de samedi à
dimanche à un barrage de police, à Bab Ezzouar. Si en temps
normal, le trajet Tizi Ouzou-Alger est un véritable parcours du
combattant en raison, notamment, du barrage «infernal» de
Reghaïa, le contexte particulièrement tendu suscité par cette
marche avortée a rendu autrement plus éprouvants les
déplacements des personnes en provenance de Kabylie. Les cités
universitaires et les stations ferroviaires étaient,
signale-t-on, également sous forte surveillance policière ces
dernières quarante-huit heures.
Le déploiement exceptionnel des hommes du général Hamel, hier,
n’a pas manqué de faire sourire : «Ce n’est plus la marche du
RCD, décidément, c’est la marche de la police !», ironisait-on.
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