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Réseau Voltaire
Les Etats-Unis ont confisqué les biens
d'opposants à leur politique en Irak et au Liban
Michel Chossudovsky, Matthew
Rothschild
Arrestation de manifestant
anti-guerre aux Etats-Unis.
Jeudi 20 mai 2010
Depuis 2007, les Etats-Unis ont procédé la confiscation
des biens de personnes qui s’opposent à leur politique en Irak
et au Liban. Cette mesure a été appliquée aussi bien à des
nationaux qu’à des étrangers ; que leur opposition ait pris une
forme violente ou non. Ces dispositions, prises par
l’administration Bush, ont été prorogées par l’administration
Obama. Elles violent aussi bien la Constitution des Etats-Unis
que le Pacte des droits civils et politique de l’ONU, dont
Washington est pourtant signataire.
Le président Bush a signé deux décrets
permettant au département du Trésor des Etats-Unis de confisquer
les biens de toute personne perçue comme une menace directe ou
indirecte pour les opérations des Etats-Unis au Proche-Orient.
Le premier, intitulé « Saisie des propriétés de certaines
personnes qui menacent les efforts de stabilisation en Irak »,
signé par Bush le 17 juillet 2007 [1],
autorise le secrétaire au Trésor à confisquer, après
consultation avec le secrétaire d’Etat et le secrétaire à la
Défense, les biens des citoyens ou des organisations qui,
« directement ou indirectement », font courir des risques aux
opérations menées par les Etats-Unis en Irak.
Les décrets de Bush
« J’ai émis un ordre de saisie des propriétés
des personnes dont il est établi 1) qu’elles ont commis ou
risquent de commettre un acte ou des actes de violence dont
l’intention ou l’effet serait de menacer la paix et la stabilité
de l’Irak ou le gouvernement de l’Irak, ou de miner les efforts
de reconstruction économique et de réforme politique en Irak ;
2) qu’elles ont aidé sensiblement, ou fourni un appui financier,
matériel, logistique ou technique, ou encore des biens et des
services, pour soutenir de tels actes de violence ou toute autre
personne dont les propriétés ou les intérêts auraient été saisis
en vertu de cet ordre… »
Le Titre V de ce décret annonce qu’« en
raison de l’existence de moyens permettant de transférer
instantanément des fonds ou d’autres biens, tout préavis adressé
à ces personnes sur les mesures à prendre contre elles en vertu
de ce décret rendrait celles-ci inutiles. Je décide par
conséquent (…) qu’il n’est pas nécessaire d’émettre de préavis
concernant la programmation ou l’ordre (de saisie des biens)… »
Le 1er août, Bush publiait un décret
similaire, intitulé « Saisie des propriétés des personnes qui
minent la souveraineté du Liban ou ses processus et institutions
démocratiques » [2].
Le texte de ce deuxième décret est en grande partie identique à
celui du premier, avec toutefois des dispositions plus sévères :
Dans les deux cas, ces décrets ignorent
l’ordre constitutionnel en conférant au département du Trésor
l’autorité de confisquer les biens des personnes qui
représentent un risque de violence ou qui contribuent de manière
non précisée à contrer la politique des Etats-Unis. Par contre
le décret du 1er août est dirigé contre toute personne ayant
réalisé un acte ou représentant une menace significative
d’action, violente ou non violente, conspirant contre les
opérations au Liban. La loi autorise aussi à confisquer les
biens « d’un conjoint ou d’un enfant dépendant » de toute
personne dont les propriétés auraient été saisies. Le décret
concernant le Liban interdit aussi de fournir aliments, toit,
médicaments ou toute autre forme d’aide humanitaire aux
personnes dont les biens ont été confisqués et à leurs « enfants
dépendants ».
Les termes vagues de ce décret
anticonstitutionnel, dangereusement ouverts à toute
interprétation, permettent de choisir arbitrairement un citoyen
états-unien et de le dépouiller de tous ses biens en le
soumettant de surcroît à l’ostracisme. Bruce Fein, avocat
constitutionnaliste et ex-fonctionnaire du département de
Justice sous l’administration Reagan, ne cache pas son
étonnement : « Le texte est si général qu’il vous plonge dans la
stupéfaction. Je n’ai jamais rien vu d’aussi vague. Cela va
au-delà du terrorisme, du recours à la violence ou de la menace
de violence pour faire peur à la population ou l’intimider. »
Dans un éditorial pour le Washington Times,
Fein signale : « La personne dont les biens sont saisis est
traitée plus ou moins comme un lépreux. Les sentences de mort
financière sont imposées par le département du Trésor sans
préavis, ni possibilité de contestation, c’est-à-dire qu’il n’y
a plus de place pour le recours en justice. Cette mesure frappe
comme la foudre. Quarantaine immédiate et absolue pour toute
personne dont les biens sont confisqués. La victime ne peut
recevoir d’aide, ni ses bienfaiteurs lui envoyer de fonds, de
marchandises, de services d’aucune sorte. Un avocat ne peut pas
lui offrir ses services sans défier le décret. Un médecin ne
peut pas non plus prodiguer de soins en cas d’arrêt cardiaque
(…) Le département de la Justice a habituellement pour mission
d’examiner les décrets émanant de l’exécutif pour vérifier
qu’ils sont compatibles avec la Constitution. Le Procureur
général a-t-il sombré dans le sommeil ? » [3]
Mise à jour de Matt Rothschild
Cette nouvelle a été, que je sache,
pratiquement ignorée des principaux médias. Lorsque je suis
parti en tournée dans le pays pour donner des conférences, l’été
dernier et que j’ai évoqué la question de ces décrets émanant de
l’exécutif, les gens avaient du mal à y croire et se demandaient
pourquoi ils n’en avaient jamais entendu parler. Je me pose
encore la même question.
Voici deux sites où trouver de l’information
sur ce sujet :
The American Civil Liberties Union et
The Center
for Constitutional Rights.
[1]
« U.S.
Presidential Executive Order 13438 : Blocking Property of
Certain Persons Who Threaten Stabilization Efforts in Iraq »,
Voltaire Network, 17 juillet 2007.
[2]
« U.S.
Presidential Executive Order 13441 : Blocking Property of
Persons Undermining the Sovereignty of Lebanon or Its Democratic
Processes and Institutions », Voltaire Network, 1er
août 2007.
[3]
« Our
Orphaned Constitution », par Bruce Fein, Washington Times,
7 août 2007.
Michel Chossudovsky,
Directeur du Centre de recherche sur la mondialisation à
l’université d’Ottawa (Canada). Editeur du site multilingue
Mondialisation. Dernier ouvrage publié en français :
Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial.
Matthew Rothschild,
Rédacteur en chef du mensuel
The
Progressive (USA).
Sources
• Global Research, juillet 2007
Titre : “Bush
Executive Order : Criminalizing the Antiwar Movement”
Auteur : Prof. Michel Chossudovsky
• The Progressive, août 2007
Titre : “Bush’s
Executive Order on Lebanon Even Worse Than the One on Iraq”
Auteur : Matthew Rothschild
• Etudiants chercheurs : Chris Navarre et Jennifer Routh
• Tuteur : Amy Kittlestrom, Ph.D.
Précision du Réseau Voltaire
Plusieurs collaborateurs du Réseau Voltaire ont été frappés par
les décrets présidentiels 13438 et 13441 en raison de leur
soutien intellectuel ou matériel aux mouvements de résistance au
Proche-Orient.
C’est également à ce titre que Thierry Meyssan, président du
Réseau Voltaire, a perdu la possibilité d’engager un recours
contre son premier éditeur qui a volé la rémunération de ses
ouvrages en les transférant dans une filiale aux Etats-Unis. Et
c’est toujours à ce titre que Washington a sollicité l’aide des
Etats membres de l’OTAN à l’encontre de Thierry Meyssan (cf.« Si
j’avais plié, je n’aurais pas eu à partir »).
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