C'est un scandale !
900 jours de
préventive pour un présumé djihadiste
Mehdi
Fikri
Halim
Hicheur (à droite), frère d'Adlène
Hicheur, et Rabah Bouguerrouma, du
comité de soutien au chercheur du Cern
accusé de terrorisme.© DR
Source photo:
Le Point.fr
Vendredi 16 mars
2012
Adlène Hicheur
dialoguait sur Internet avec des
islamistes, il est accusé de terrorisme.
Son procès débute le 29 mars.
Adlène Hicheur, trente-cinq ans,
parlait de terrorisme sur des forums
islamistes. Il moisit depuis deux ans et
demi en détention préventive. Son procès
aura lieu les 29 et 30 mars, pour
« association de malfaiteurs en relation
avec une entreprise terroriste ». Jeudi,
son comité de soutien était réuni dans
les locaux de la Ligue des droits de
l’homme. « Nous sommes des gens
normaux », affirme son frère Halim. À un
détail près, manque de bol : « Nous
avons découvert que notre père est dans
le fichier Cristina pour avoir fait le
pèlerinage à La Mecque. »
Au terme d’une scolarité exemplaire,
Adlène Hicheur est devenu docteur en
physique des particules et enseignant à
l’école polytechnique de Lausanne. « Un
homme intégré », insiste son avocat,
Patrick Baudoin. Mais « un mec qui a ses
idées », ajoute son frère. En 2009,
immobilisé chez lui à cause d’une hernie
discale, Adlène Hicheur surfe beaucoup
sur Internet. Il entre en contact avec
Mustapha Debchi, activiste islamiste qui
sera arrêté en Algérie en février 2011.
Avec lui, Adlène Hicheur évoque sa
« participation au djihad » et imagine
d’éventuelles actions. « Mais il n’a
jamais franchi le pas, pointe son
avocat. Il n’a jamais montré le moindre
début d’intention de passer à l’acte ou
d’aider un éventuel projet terroriste.
Il est resté dans le virtuel. » Le
9 octobre 2009, les agents de la
direction centrale du renseignement
intérieur (DCRI) l’arrêtent chez lui, à
6 heures du matin. Depuis, ils ne l’ont
pas lâché.
« Le but de l’antiterrorisme n’est
pas de saisir des faits, mais de
raconter une histoire qui fasse peur,
pour mieux rassurer ensuite », estime
Matthieu Burnel, inculpé dans l’affaire
Tarnac et soutien d’Adlène Hicheur. Dans
ce registre, l’histoire du présumé
djihadiste tient du film d’angoisse bien
flippant. « À la sortie de ses quatre
jours de garde à vue, mon frère était
comme une merde. Il rampait. “On va te
casser, ta mère diabétique va y passer”,
lui ont dit les policiers », raconte
Halim Hicheur. « On était dans le
marketing sécuritaire, tout un fantasme
a été monté sur un dossier vide »,
poursuit Patrick Baudouin. L’avocat
passe en revue les faiblesses du
dossier : « Les traductions de l’arabe
au français sont approximatives. Les
enquêteurs ont tenté de suborner les
témoins pour trouver chez les proches
des personnes susceptibles de présenter
Adlène comme un radical. »
Enfin, le personnage clé de
l’affaire, Mustapha Debchi, a été, selon
l’avocat, « sorti du chapeau en
septembre 2011 ». « Une commission
rogatoire internationale fait état d’un
interrogatoire en février 2011, par la
police algérienne, mené sans pièce
d’identité. Et là, c’est assez
extraordinaire, Mustapha Debchi
surenchérit pour charger Adlène Hicheur »,
raconte Patrick Baudouin. Selon Michel
Tubiana, président de la Ligue des
droits de l’homme, « cette affaire
montre que la justice antiterroriste
reste une justice d’exception ».
Mehdi Fikri
© Journal
L'Humanité
Publié le 19 mars 2012 avec l'aimable
autorisation de
L'Humanité
Le dossier Adlène Hicheur
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