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Al-Ahram Hebdo
Décision
controversée
May Al-Maghrabi
Mercredi 10 février 2010
Normalisation.
Le syndicat des Journalistes a
sanctionné deux de ses membres accusés d’avoir enfreint le
règlement sur la normalisation avec Israël.
Deux journalistes accusés de normalisation
avec Israël ont été sanctionnés cette semaine par la commission
disciplinaire du syndicat des Journalistes. La commission
composée de cinq membres (quatre journalistes et un magistrat du
Conseil d’Etat) s’était réunie pour se prononcer sur les mesures
à prendre contre Hala Moustapha, rédactrice en chef du magazine
Al-Democratiya (la démocratie, publié par Al-Ahram) et Hussein
Sérag, rédacteur en chef adjoint du magazine October. Les deux
journalistes étaient accusés d’avoir enfreint le règlement du
syndicat qui interdit tout acte de normalisation avec Israël.
Hala Moustapha avait soulevé un tollé en recevant l’ambassadeur
d’Israël au Caire dans son bureau d’Al-Ahram au mois de
septembre dernier. Quant à Hussein Sérag, il a enfreint le
règlement du syndicat en visitant Israël et il aurait assisté,
il y a quelques mois, à un dîner chez un diplomate israélien. Si
Hala Moustapha a écopé d’un avertissement, Hussein Sérag a eu
trois mois de suspension.
Depuis les années 1980 et sur décision de
l’Assemblée générale, le syndicat des Journalistes interdit à
ses membres toute forme de normalisation avec Israël et ce tant
que les territoires palestiniens occupés n’auront pas été
libérés. L’article 77 de la loi du syndicat des Journalistes
prévoit des sanctions contre les membres qui enfreignent le
règlement. Les sanctions vont d’un simple avertissement à la
suspension en passant par la privation des élections syndicales.
« Nous nous sommes contentés d’un avertissement parce que la
mission de la commission est de garantir le respect des
décisions prises de manière démocratique. Le règlement du
syndicat interdit à ses membres tout geste de normalisation à
l’égard d’Israël, sous peine de blâme ou d’exclusion, c’est la
décision prise à l’unanimité de l’Assemblée générale et elle
doit être respectée », déclare Gamal Fahmi, membre de la
commission disciplinaire du syndicat. Il explique que la
commission a pris en compte le fait que Hala Moustapha n’était
pas au courant des détails du règlement du syndicat. Elle
pensait que le règlement interdisait seulement de se rendre en
Israël. « Ce qui, visiblement, n’était pas le cas de Hussein
Sérag, dont les multiples visites en Israël constituaient un
défi flagrant aux règlements du syndicat », ajoute Fahmi.
A l’issue de cette décision du syndicat, Hala
Moustapha a déclaré qu’elle la rejetait. Elle n’écarte pas un
recours devant la justice pour annuler ce qu’elle considère
comme un dommage moral. « Cette décision est contre le principe
de la liberté d’expression que le syndicat devrait protéger », a
déclaré Hala Moustapha à Al-Ahram Hebdo. Elle s’engage toutefois
à respecter la décision du syndicat. Quant à Hussein Sérag, il
est plus critique. Selon lui, cette sanction est inéquitable et
injustifiée. « Il est invraisemblable que je sois sanctionné
parce que j’exerce mon métier. Où était le syndicat des
Journalistes depuis 1981 ? Je travaille sur le dossier
palestino-israélien depuis 25 ans et il est tout à fait normal
que je sois amené à visiter Israël pour couvrir des événements
sur le terrain. Quand je me suis rendu à Tel-Aviv, c’était au vu
et au su de tous et avec l’autorisation de mon rédacteur en
chef. Je respecte le règlement du syndicat, mais il y a une
différence entre l’exercice professionnel qui exige parfois des
contacts avec la partie israélienne et une prise de position
politique. C’est là que réside le problème », lance Hussein
Sérag. Et d’ajouter qu’il n’appartient pas à un syndicat de
décider pour ses membres « où ils doivent aller et où ils ne
doivent pas aller ». Des arguments que rejette Abdel-Mohsen
Salama, membre du conseil du syndicat des Journalistes. Selon
lui, chaque syndicat a un code de conduite que les membres
doivent respecter. Mais des questions surgissent alors : quelle
est la signification exacte du mot normalisation ? Et surtout
comment faire la différence entre un acte professionnel et un
autre politique ? Abdel-Mohsen Salama reconnaît qu’il y a une
ambiguïté dans la définition de la normalisation. « Même les
membres du comité disciplinaire n’étaient pas d’accord sur la
nature des actes qui doivent entrer sous l’interdiction de
normalisation », explique Salama, ajoutant que le conseil du
syndicat se réunira prochainement pour se mettre d’accord sur la
définition de la normalisation et établir des règles précises
concernant l’exercice du métier dans le cadre du règlement du
syndicat.
Au-delà de ces considérations, c’est le
dossier de la normalisation qui est, une fois de plus, au centre
d’un débat. L’Egypte est le premier pays arabe à avoir signé la
paix avec Israël en 1979, mais les milieux intellectuels et la
société civile restent largement hostiles à une normalisation
avec l’Etat hébreu sans accord de paix avec les Palestiniens. Si
au niveau officiel les relations avec l’Etat hébreu sont
normalisées, il n’en est pas de même au niveau populaire et
intellectuel. « Ce décalage n’a mené à rien et n’a pas aidé la
cause palestinienne », pense Hala Moustapha. Et d’ajouter que le
gros de la tendance prônant le boycott d’Israël est alimenté par
un milieu médiatique qui n’a pas changé depuis les années 1960.
« Alors que le gouvernement égyptien est le plus grand
normalisateur avec Israël, les gens qui agissent de la même
manière sont punis », poursuit-elle, en allusion aux visites
régulières de responsables politiques israéliens en Egypte. Ceux
qui s’opposent à la normalisation avec Israël estiment que cela
constitue une carte de pression importante sur l’Etat hébreu.
Salah Eissa, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Al-Qahira (Le
Caire), trouve que le recours à des sanctions disciplinaires
vis-à-vis des journalistes accusés de normalisation est une arme
à double tranchant, surtout que la politique officielle n’est
pas hostile à la normalisation. « Le respect des règlements et
l’éthique du syndicat sont recommandés. C’est la première fois
qu’un syndicat professionnel sanctionne un de ses membres pour
avoir enfreint une décision de l’assemblée générale. Or, la loi
sur les syndicats professionnels ne mentionne pas l’obligation
pour les membres d’un syndicat de se soumettre aux décisions de
l’assemblée générale. Et par conséquent, un verdict judiciaire
en faveur d’un de ces journalistes fera de ces décisions lettre
morte », conclut Eissa.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 10 février 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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