Opinion
Les non-dits et
les suites de la chute de M.
Strauss-Kahn
Une tempête sur
l'échiquier de la politique
internationale
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Dimanche 19 juin 2011
La tragique
élimination d'un candidat binational à
la tête de la nation a provoqué une onde
de choc salutaire non seulement au sein
de la classe politique française, mais
également aux yeux de l'anthropologie
critique. Une foule de non-dits sont
montés du champ de course jusqu'aux
oreilles du peuple, puis de celles des
sciences humaines. Qu'est-ce qu'un homme
d'Etat, se demandait-on subitement sur
l'hippodrome, et quelles sont les
relations que l'inconscient religieux
des populations entretient avec le
comportement de leurs dirigeants sur la
scène internationale se demandaient les
connaisseurs de la vie onirique de notre
espèce. A quelque chose malheur est bon,
disaient-ils. Jusqu'alors, la question
posée aux démocraties était seulement:
"Qu'est-ce qu'un conducteur de train, un
instituteur, un négociant?" et jamais,
comme Platon le soulignait déjà, on ne
se demandait: "Qu'est-ce qu'un grand
homme d'Etat?"
On a
commencé d'examiner à la loupe les
conditions mystérieuses dans lesquelles
M. Strauss Kahn a été retiré de la liste
des partants deux jours avant la
catastrophe scabreuse que l'on sait.
Puis, il a été révélé au grand jour
qu'une opposition vigoureuse et secrète
au sein de la presse parisienne avait
brisé la montée à l'assaut de l'Elysée
d'un banquier richissime et tout dévoué
à l'Etat d'Israël. Mais pourquoi
l'interdiction tacite persistait-elle
d'évoquer devant l'opinion publique le
contexte international dans lequel
l'élection présidentielle d'un sioniste
aurait conduit le pays ? Et pourtant,
tout cela se trouvait soudainement mis
en évidence par le naufrage même de
l'homme qui symbolisait toutes les
contradictions inscrites dans l'alliance
bancale de la France renaissante avec
une Amérique devenue un peu moins
régnante au sein de l'OTAN. Il me faut
donc revenir en arrière de quelques pas
afin de tenter d'observer les évènements
extraordinaires de ces derniers jours
dans le rétroviseur que la sortie de
l'arène de M. Strauss-Kahn a remis entre
les mains des astronomes qu'intéressent
les trajectoires stellaires
interrompues.
1
- La montée sur les planches d'un
nouveau type d'intellectuel
Le 7 mai
dernier, dans leur brève conversation du
samedi matin sur France-Inter,
MM. Jean-Marie Colombani et Stéphane
Rozès avaient présenté un étrange
document aux sociologues, aux
ethnologues et aux anthropologues à
l'affût des innovations intellectuelles
souvent inaperçues auxquelles le théâtre
de la démocratie sert de détecteur. Le
journaliste et le sociologue avaient
analysé l'immensité de la faute
politique commise par les agents de M.
Strauss-Kahn et d'Anne Sinclair: on
avait vu, la veille, le couple des
sionistes de choc à la recherche du lieu
le plus approprié à l'installation du
quartier général où les Clausewitz du
premier banquier de l'univers,
élaboreraient leur stratégie électorale.
Or, ils étaient au volant d'une Porsche
magnifique. Nos deux éminents
spécialistes du suffrage universel
paraissaient expliquer du haut d'une
chaire de politologie électorale le mode
d'emploi et la méthode adéquate que
requiert l'entreprise de se faire porter
à l'Elysée par la voix du peuple
souverain. Le principe de cette
ascension était simple: il fallait,
disaient nos deux docteurs, non point
paraître se hisser au sommet de l'Etat,
mais sembler se laisser rouler doucement
et à votre corps défendant par la houle
d'une opinion publique qui vous déposera
sans accroc sur le seuil du palais.
Elle
était donc irréparable, soulignaient nos
commentateurs, l'erreur de navigation du
capitaine de vaisseau qui courait au
port en héritier d'un "Président des
riches", alors qu'il fallait
s'efforcer, le cœur sur la main,
d'incarner le parti des pauvres gens. Il
n'appartenait qu'à un néophyte de la
marine de tomber raide mort sur le pont
avant d'entreprendre la manœuvre. Ils
étaient donc de retour, le yacht de M.
Bolloré et les parquets glissants du
Fouquet's sur lesquels votre malheureux
prédécesseur avait chu de tout son long.
Voyez M.
Hollande, ce Machiavel de la démocratie,
qu'on voyait monter de la Corrèze à
califourchon sur son scooter.
Souvenez-vous de M. Raffarin qui
répétait déjà: "La route est droite,
mais la pente est forte". Comment,
disait M. Colombani, pouvait-on s'étaler
sur les coussins d'un carrosse de grand
luxe et sous les yeux du public! C'était
sur deux roues gonflables avec une pompe
à main qu'il fallait escalader le
Capitole. Avis aux augures: jamais le
peuple souverain ne vous déposera sous
les dorures et les lambris de l'Etat sur
un drap d'or.
2 - Les apprêteurs
du suffrage universel
Il appartient donc aux anthropologues du
régime démocratique d'observer l'étrange
dichotomie cérébrale qui change
l'intellectuel contemporain - donc le
rationaliste laïc d'hier - en un
personnage dont aucun romancier n'a
jamais dessiné ni les vêtements de
satin, ni la perruque, ni le bicorne. Le
journaliste d'envergure s'est
métamorphosé en savant de la politique,
en pédagogue initié aux arcanes des
Etats, en spécialiste de la science
historique au jour le jour.
A ce titre, c'est d'égal à égal qu'il
s'entretient maintenant avec Machiavel,
Vergennes ou Talleyrand. On dirait que
ce familier des cours et des
chancelleries du peuple tient entre ses
mains les documents les plus secrets
dont les chefs d'Etat ne s'entretiennent
entre eux qu'à mi-voix. Mais, dans le
même temps, ô prodige, ce type de
professeurs de la démocratie explique à
la foule des citoyens massés sur
l'Agora, non seulement les plans de
bataille longuement mûris qui
permettront de rouler les patriotes dans
la farine, mais l'art des grands
théoriciens du suffrage universel de
tendre à la nation les pièges nouveaux
dans lesquels on fera tomber la
multitude si seulement on se montre un
enseignant réfléchi de la sottise
publique et un parfait connaisseur de
l'art de la gérer. La classe dirigeante
des masses serait donc un cancre que son
apprentissage initiera aux secrets des
leurres qui égarent les foules.
Mais l'intellectuel de ce modèle
exprimerait-il une ambiguïté psychique
viscéralement attachée à la machine
humaine? Notre anthropologie est encore
si timide qu'elle aurait grand intérêt,
me disais-je, à tenter de radiographier
les praticiens de la vie cérébrale des
démocraties et les gestionnaires de leur
langage. Car personne ne s'adresse
vraiment à la foule des illettrés. Seule
la fraction aristocratique de la
population intéresse la politologie. Du
coup, ce sont exclusivement quelques
privilégiés de la réflexion publique que
l'on convie sur les ondes à porter un
regard d'aigle sur l'infirmité cérébrale
de la classe dirigeante du pays. Mais
quelle proportion du public se révèlera-t-elle
en mesure de peser l'incapacité des
pilotes du suffrage des masses et de
recaler les sorciers incompétents? Les
démagogues professionnels savent faire
jaillir des entrailles du "peuple
souverain" des décisions censées
habilement apprêtées, mais les magiciens
patentés du mythe de la Liberté
travaillent dans les coulisses pour le
seul intérêt de telle faction ou de
telle autre du corps électoral. S'il
peut exister une démocratie pensante, le
"Connais-toi" socratique est-il
applicable à la politique?
3 - Les hauts
consultants de la démocratie et les
nababs du suffrage universel
Le trône bancal sur lequel le pouvoir
d'Etat de type démocratique est prié de
s'asseoir quelques minutes le samedi
matin se révèle pourtant muni de solides
ressorts, parce que les nombreux
auditeurs présélectionnés par l'écoute
de nos deux intellectuels en toge se
montrent tout heureux, à mon avis, de se
trouver embusqués dans les coulisses aux
côtés du haut clergé de notre
démocratie. Le public a le sentiment, me
semble-t-il, d'assister aux conclaves
des princes de la nation de la Liberté.
Quant aux apprentis susceptibles de
s'instruire à l'école des hauts
hiérarques de la République, ils ne vont
pas se précipiter en toute hâte dans la
rue, ils ne vont pas, toutes affaires
cessantes y arrêter les passants, ils ne
vont pas quitter l'antenne sur l'heure
pour aller de ce pas dessiller les yeux
du public, ils ne vont pas divulguer les
secrets qu'ils viennent d'apprendre. Au
contraire, ils vont tenter de
s'agglutiner aux phalanges cogitantes de
la République de demain et de sauter
d'un bond sur les recettes de la vie
publique que des prêtres défroqués leur
ont imprudemment livrés.
Et puis,
me répétais-je, MM. Colombani et Rozès
ne sont pas des Harpagons de
l'instruction publique, au contraire:
ils se montrent si peu jaloux de
protéger leurs sacrilèges de la vue du
public qu'ils côtoient leurs blasphèmes
du pas tranquille des apostats
libérateurs. Ces déserteurs du temple
vont même confier aux oreilles de leurs
auditeurs qu'aucun évènement n'est un
tonneau de poudre en soi et que la
dynamite n'explose sur le parcours d'un
candidat que si quelque détonateur,
mèche ou étincelle s'amuse à en
déclencher la foudre. Or, en l'espèce,
c'était une voix isolée qui avait lancé
le brandon enflammé, c'était une seule
parole, mais bien placée, qui avait mis
le feu à l'édifice, c'était le grain de
raison d'un gamin qui avait allumé
l'incendie: "C'est la Porsche
tranquille", s'était-il exclamé
- et le champignon d'Hiroshima était
monté dans l'atmosphère.
Comment un tel éclair peut-il traverser
le ciel de la gauche? M. Berlusconi est
un richissime industriel, mais ses
frasques se localisent à droite de
l'échiquier; M. Balladur avait une
réputation de mamamouchi véhiculé en
chaise à porteurs - et l'on prétend
qu'il dormait dans les draps en satin -
mais il ne se présentait pas en choriste
des pauvres. Quant à M. Pasqua, il
traînait une réputation maffieuse, mais
il ne cachait pas son jeu à la tête des
gueux et des miséreux. Certes, les
papes, les cardinaux et les archevêques
d'autrefois étalaient l'or et la pourpre
d'une religion fondée sur la
sanctification de la pauvreté; mais si
les évangélistes de la gauche portaient
un nabab à leur tête, n'était-ce pas le
monde à l'envers ? On connaissait les
couronnes en or massif dont la caverne
d'Ali Baba regorgeait: une maison à
Washington, un appartement de deux cent
quarante mètres carrés place des Vosges,
un palais à Marrakech, un tailleur dont
les complets lui coûtaient entre sept
mille et trente cinq mille dollars.
4 - La
démocratie et la géopolitique
Deux
siècles après la Révolution de 1789, le
suffrage universel demeure absent de la
scène internationale, mais le "parti de
l'étranger" qu'illustraient autrefois
les immigrés de 1793 a seulement changé
de costume, de culte, de train de vie et
de complot: il ne s'agit plus de
rétablir la royauté, mais d'enflammer
dans le monde entier des phalanges
d'ardents défenseurs des conquêtes
passées et à venir d'Israël et d'en
porter les légions à la tête de tous les
Etats démocratiques du monde. Quel
révélateur de l'immaturité des peuples
modernes ! Comment tenter de dénouer les
fils de cette intrigue internationale
sans tomber dans le piège évoqué par le
Guardian, qui focalisait
l'attention de la France et du monde
entier sur le scandale local du "Porschegate"
et qui se demandait seulement si le
spectacle évangélique d'un socialiste
dans une Porsche était théologiquement
"possible", alors que le vrai drame est
de savoir si un suffrage universel
demeuré apostolique dans l'âme se rendra
un jour capable de changer le regard que
le globe oculaire du genre humain porte
sur le monde. Quel spectacle que celui
de la course de la planète vers le
gouffre qu'Israël ouvre sous ses pas!
Je rappelle que tout cela se passait
avant le coup de tonnerre qui a déchiré
le ciel de la démocratie mondiale à
New-York le 14 mai. Pour ma modeste
part, la seule question qui me
préoccupait était de prévoir quelle
serait la politique internationale de la
France si un pur sioniste installait à
l'Elysée son identité douloureusement
déchirée entre deux patries et si le
monde arabe se réveillait, et si le
drame palestinien imposait à la
démocratie mondiale le devoir de
défendre ou de renier ses principes
fondamentaux au point de légitimer un
guerrier et un seul, un colonisateur et
un seul, un messie et un seul. La France
n'accorde la double nationalité qu'à des
pays minuscules et sans poids sur la
scène internationale. Mais Israël est
devenu l'axe central de la politique
mondiale, le pivot de la civilisation de
l'éthique et du droit, le carrefour des
empires et le quartier général où se
décide un avenir ouvert au fermé de
l'Occident sur le monde arabe.
Le
public de haut niveau que j'imaginais à
l'écoute des Machiavel de la démocratie
d'aujourd'hui et auquel MM. Colombani et
Rozès s'adressaient par-dessus la tête
des simples d'esprit, ce public d'élite
se souvenait-il seulement d'un
chef-d'œuvre de la démagogie "
communicationnelle " vieux de trente ans
et que revendiquait le génie politique
d'un grand prélat de la gauche de 1981?
En ce temps-là, les bataillons serrés de
l'utopie d'extrême gauche jouaient les
hauts dignitaires et les docteurs
professionnels du salut du monde sur
toute la terre habitée; en ce temps-là,
même les archevêques et les archidiacres
de l'orthodoxie du profit capitaliste
pliaient l'échine devant un marxisme de
masse trépidant; en ce temps-là, des
volcans crachant le feu du messianisme
politique menaçaient de faire tomber le
réalisme du capitalisme bon teint dans
une anarchie redoutable; en ce temps-là,
il fallait encore inventer la tiare
champêtre et apaisante de M. François
Mitterrand pour conjurer la tempête; en
ce temps-là, on collait partout des
affiches couronnées d'un gentil clocher
de village afin de chapeauter de
clochettes inoffensives le spectre de la
Révolution de 1917. Les moissons de la
prière du soir de Meissonnier étaient de
retour, le slogan paisible des nouveaux
catéchistes du peuple disait seulement:
"La force tranquille".
Et maintenant, la démocratie de la
Porsche tranquille posait à la planète
entière la question de l'identité de
toutes les nations de la terre.
Qu'était-ce qu'un Français sioniste, un
Américain sioniste, un Européen sioniste
? Pour tenter de comprendre ce mystère
de la foi, je me demandais de quel type
de dirigeants M. Strauss-Kahn se
réclamait.
5 - Qu'est-ce
qu'une classe dirigeante ?
Le genre simiohumain, me disais-je,
exerce le pouvoir politique, donc
l'autorité sur lui-même selon trois
modèles principaux. Le premier rassemble
une élite d'ascètes étrangers à la
gestion dispendieuse des cités et
composée de diverses catégories de
ploutocraties jansénistes et frugaux -
les Rockefeller, les Rothschild. Cette
classe de dirigeants de l'ombre s'exerce
aux multiples activités des négociants
de tous ordres, mais elle se tient
prudemment hors de l'enceinte des Etats,
des gouvernements et des foules.
La seconde catégorie est celle des
tribuns ambitieux. Ceux-là ne pilotent
nullement les nations dans les tumultes
périlleux de l'histoire, ni ne
s'enrichissent effrontément, mais se
grisent seulement à ameuter les foules
avant que la rage allumée dans leur cœur
les précipite dans des massacres
vengeurs.
La troisième catégorie se nomme
l'oligarchie. Elle est tellement
multiforme qu'elle a illustré la caste
des patriciens et des sénateurs de la
Rome antique, les doges de Venise, la
haute aristocratie française
antérieurement à sa domestication sous
Louis XIV, la cléricature somptueuse du
catholicisme, la monarchie héréditaire
et de droit divin, la concentration du
pouvoir financier entre les mains de
quelques banquiers de haut vol et de
quelques grands propriétaires du marché
industriel et de la bourse
internationale.
M. Dominique Strauss Kahn n'appartenait
exclusivement à aucune de ces catégories
anciennes ou récentes de souverains des
Etats et des peuples, mais à une
nouvelle phalange de maîtres du monde,
celle que sécrète, depuis 1947 le
nationalisme messianique que professe un
nouvel et puissant acteur sur la scène
internationale, l'Etat d'Israël. A sa
manière, le nazisme était déjà un
nationalisme messianisé, en ce sens que
la mystique du destin de la nation
allemande répondait à un besoin immense
des Germains de prendre la revanche des
vaincus. Mais la comparaison me parait
instructive, parce qu'Israël, lui aussi,
nourrit son messianisme des récoltes
d'un mythe à la fois biblique et
guerrier. L'étroite imbrication du ciel
et des armes aurait fait octroyer par
une divinité son territoire à tel peuple
déterminé. Mais comment expliquer la
défaite des guerriers d'un Jahvé moins
heureux à la guerre que Wotan? Comment
un général romain, un certain Titus,
fils de Vespasien, avait-il pu conduire
à la défaite, sur le champ de bataille,
de l'Etat dont les guerriers se
trouvaient épaulés par un ciel
invincible et que ses fidèles tenaient
pour le plus grand chef de guerre de
l'époque?
Jahvé a engendré le messianisme propre à
Israël: pour la première fois,
l'ambition naturelle d'une classe
politique de se porter au pouvoir se
nourrissait d'un nationalisme de type
eschatologique et terrestre
inextricablement associés, donc
sacralisés en commun par un mythe d'un
salut universel et pourtant censé
réalisable ici bas. Un apostolat devenu
sélectif et à mener tambour battant dans
le temporel exigeait l'émergence d'une
élite dichotomisée elle aussi entre ses
deux origines, donc entre ses deux
identités, celle des dirigeants d'un
peuple terrestre d'un côté et .celle
d'une caste rédemptrice à l'échelle de
l'univers de l'autre. La greffe
chrétienne sur le judaïsme allait
illustrer les exploits de ce type de
conquérants schizoïdes pendant près de
deux millénaires de l'histoire biface du
genre humain.
Mais le statut biphasé du messianisme
juif et chrétien a connu, en 1947, une
conversion au nationalisme des origines
dont il est devenu nécessaire d'étudier
les conséquences psychopolitiques; car
le mythe dichotomique de l'élection d'un
peuple déterminé par sa divinité à elle
- celle qu'elle a nécessairement
imaginée sur son propre modèle - ce
mythe, dis-je, demeure le cordon
ombilical de l'identité onirique des
trois monothéismes. Quelle sera
l'attitude des politologues français du
samedi matin sur France Inter face à un
phénomène aussi ignoré de nos
intellectuels laïcs que le retour
israélien aux sources des trois
confessions de foi unifiées à l'origine
et dont Israël retrouve seul la vocation
conquérante et guerrière? Nous sommes si
bien installés dans la vieillesse et la
fatigue du christianisme et de l'islam
que nous sommes surpris de redécouvrir
que les trois dieux uniques avaient un
couteau entre le dents sous leur allure
pateline. Mais les mythes sacrés
demeurent des documents anthropologiques
à déchiffrer, donc des révélateurs
indispensables au décryptage et à
l'évolution de la psycho-biologie des
croyances monothéistes, comme il a été
démontré par la scission de la doctrine
chrétienne elle-même entre plusieurs
théologies à la fois vigoureusement
antagonistes entre elles et adaptées aux
climats et aux mentalités diverses des
nations dont le genre simiohumain se
compose.
6 -
L'internationalisation de la politique
J'avais signalé, dès le 22 mai 2011,
Le
sionisme et l'avenir du monde
,
22 mai
2011
qu'il avait suffi de quelques jours à M.
DSK pour se faire placer sur orbite
présidentielle par les soins de quatre
de ses co-religionnaires, MM. Fabius,
Elkabach, Cohn-Bendit et Fottorino, dont
le commando avait pris le relais d'une
pluie de sondages d'opinions mystérieux,
tous en provenance des provinces. Du
tréfonds de son âme la nation française
appelait spontanément un banquier
richissime à obéir aux voix du destin
qui l'appelait à replacer la gauche sur
les fonts baptismaux de ses idéaux
naufragés.
Qu'on le veuille ou non, la question du
statut politique de la communauté juive
de France a débarqué sur la scène
nationale et internationale, tellement
il est impossible de fermer les yeux
plus longtemps sur l'évidence qu'un
complot anti-sioniste a été ourdi et
qu'il été piloté par des Français juifs
bien placés dans la presse. Ce sont eux,
comme il est suggéré plus haut qui, dans
l'ombre, ont mis en échec la tentative
de M. Dominique Strauss-Kahn de se
placer à la tête de l'Etat. On admirera
la vigueur et la rapidité de l'exécution
de cette mini révolution. Mais on avait
compris qu'il n'était plus temps
d'enfermer le suffrage universel
français dans le champ de vision du
socialisme hexagonal et que le monde se
trouvait à un carrefour décisif, celui,
prévu par le Général de Gaulle de
l'ouverture ou de la fermeture de
l'Occident à l'avenir du monde arabe!
On ne change pas en un tournemain le
globe oculaire de l'intellectuel
français . Ce genre de héros répond à un
modèle bien connu des nomenclaturistes
et parfaitement illustré par MM.
Colombani et Rozès: depuis
l'effondrement du mythe d'un savoir
censé universel et que la globalisation
chrétienne de l'univers avait illustré
pendant deux millénaires, on qualifiait
d'intellectuel le spécialiste d'un champ
du savoir désormais étroitement
circonscrit et réputé aussi clairement
délimité et aussi minutieusement
circonscrit que la géométrie d'Euclide.
C'est ainsi que nos deux interlocuteurs
du samedi matin sur France Inter
traitaient de la politique intérieure de
la France comme d'un territoire séparé
de tous temps de celui de la politique
internationale. Naturellement, cette
scission était devenue illusoire
longtemps avant que le fusible strauss-kahnien
ne sautât: il y avait belle lurette que
le politologue français moyen ne
traitait nullement du sujet qu'il
s'imaginait sincèrement arpenter de long
en large: depuis des lustres, rendre
réellement compte des évènements
intérieurs à la France, c'était occuper
un terrain de la connaissance objective
de la politique et de l'histoire
autrement plus vaste que celui dont
l'hexagone avait longtemps tracé les
frontières.
Aussi, à l'instant où un sioniste
déclaré tentait - et précisément à ce
titre - d'accéder à la présidence de la
République, MM. Colombani et Rozès se
révélaient entièrement absents de la
problématique que requérait un examen de
la question politique réellement posée à
la nation, parce que le thème à traiter
devenait celui de la métamorphose fatale
de l'échiquier et des paramètres mêmes
de la politique du pays qui en
résultait. Quand la question de l'avenir
politique d'Israël en vient à placer
cette nation au cœur de la politique
mondiale, comment le champ de vision de
l'intellectuel classique français n'en
serait-il pas rendu aussi obsolète que
celui du théologien qui traite sans
sourciller et de siècle en siècle des
attributs immuables d'une divinité
répertoriée par une Eglise déclarée
infaillible?
7 - L'enjeu
planétaire du sionisme et l'avenir de la
raison de l'humanité
Il serait incongru, me répétais-je, de
ne pas se poser, à titre préalable et de
toute urgence, la seule question
décisive, celle de la définition du
statut de la souveraineté des peuples
rendus complices d'un conquérant par
l'aliénations de leurs dirigeants au
profit d'un Etat étranger; car
l'élargissement du champ de vision des
nations démocratiques qui résulte
nécessairement du débarquement en force
d'Israël dans la politique intérieure de
tous les Etats du monde change le
suffrage universel sous-informé des
Français en un instrument
d'asservissement du pays àl'étranger. On
ne saurait donc plaquer plus longtemps
sur le cas de M. Strauss-Kahn et de sa
Porsche la vision étroite du monde et de
l'histoire qui nourrissait les gauches
locales depuis Karl Marx, alors que
l'incongruité qui rendait
constitutionnelle en apparence la
candidature d'un sioniste à la
présidence de la République française
anéantissait l'alliance de l'idée de
patrie avec celle de justice. Or, c'est
de la solidité de cette alliance que
dépend l'avenir de la géopolitique, donc
la réussite ou l'avortement du
débarquement de l'islam dans la
civilisation moderne.
Certes, l'espèce humaine est une
hallucinée de naissance depuis qu'elle
se croit dirigée par des divinités. Mais
l'avenir intellectuel du monde dépend du
destin d'une science critique des mythes
sacrés des ancêtres et cette question-là
a d'ores et déjà débarqué dans la
politique. Exemple: supposez qu'en 2011
un peuple ancien débarque en Corrèze et
vous déclare tout uniment qu'il se
trouvait installé en ces lieux deux
mille ans auparavant et cela par la
volonté expresse et incontestable de la
divinité qu'il s'était donnée en ce
temps-là. Supposez ensuite que le vieil
encéphale du monde entier reconnaisse
encore la légitimité de cette divinité
primitive et que, par conséquent, trois
siècles après celui des Lumières,
l'Assemblée générale des Nations unies
autorise les nouveaux arrivants à
expulser non seulement les Corréziens de
leurs terres, mais de proche en proche
les habitants du Cantal, du Puy de Dôme,
de la Creuse, de la Haute Vienne et de
la Dordogne. Arrivés en Gironde, les
bienheureux élus de leur Olympe
pré-homérique poussent leur avantage
théologique en direction du Languedoc,
puis de Marseille, de Cannes et de Nice.
Les Français de l'endroit se sont
pelotonnés en Afrique du Nord; mais ils
ont beau protester haut et fort, que
voulez-vous, il se trouve que la
conscience universelle s'est rangée du
côté du capitaine céleste des
conquérants du VIIIe siècle avant
Jésus-Christ et qu'il est trop tard pour
remettre en vigueur la loi de 1905, qui
ordonnait la séparation du ciel et de la
terre qu'une humanité plus pensante
qu'aujourd'hui avait promulguée. Et
puis, les Gaulois ne sont pas
prolifiques: la masse de leurs rejetons
décroît à vue d'œil. Trois générations
plus tard, ils se trouvent en voie de
disparition sous les yeux affligés de la
croix rouge internationale, effarés des
comités de défense des droits de
l'homme, apitoyés de quelques historiens
.
Mais si nous formulons l'hypothèse
audacieuse selon laquelle les malheureux
descendants de Vercingétorix se
multiplieraient de nouveau sous le
soleil et qu'ils se présenteraient en
masse aux frontières de la France afin
de faire valoir leurs droits de
retourner dans leur patrie, ne
pensez-vous pas que le droit
international et la justice universelle
se montreraient sensibles à ce
changement du rapport des forces sur la
terre et que le dieu vaincu des
chrétiens retrouverait la force
d'allumer quelques cierges sur ses
autels désertés? Mais comment
voulez-vous que ces Français
redeviennent intelligents s'ils
n'acquièrent pas de connaissance réelle
de l'idole que vénéraient leurs ancêtres
et s'ils ne se demandent pas pourquoi
les chefs célestes du simianthrope se
collent au drapeau des vainqueurs. On
voit que l'avenir politique du monde est
à nouveau lié à l'avenir de la raison de
l'humanité.
Le véritable enjeu, me disais-je, est
donc devenu celui de l'avenir de la
réflexion politique et du savoir
philosophique au sein d'une espèce que
son évolution cérébrale a laissée
délirante, mais que le tragique des
événements commence de contraindre à
peser les notions mêmes de démocratie et
de théologie. Car si le malheureux
régime politique qu'on appelle populaire
se voyait appelé à la tâche impossible
de légitimer la sujétion de telles ou
telles parcelles du Moyen Orient aux
conquêtes militaires et religieuses
confondues d'Israël, et cela au nom même
des prétendues valeurs universelles de
la justice séraphique et du droit
angélique que la démocratie mondiale
persévérerait à brandir jusqu'à une date
bien déterminée, puis à la tâche de
délégitimer les rapines suivantes,
comment édicterons-nous la règle qui
proclamerait, du haut du Mont Sinaï de
la Liberté: "Vous serez de parfaits
démocrates à étendre vos forfaits à la
Corrèze, au Cantal, au Puy de Dôme, à la
Creuse, à la Haute Vienne, à la
Dordogne, mais vous deviendrez des
malfrats et des hors-la-loi au-delà"?
La bipolarité cérébrale, donc
l'incohérence mentale dont la politique
intérieure d'une France et d'un monde
devenus pensants seulement à demi se
trouve soudainement frappée par sa
complicité avec Israël, cette
bipolarité, dis-je, rend contradictoires
les fondements mêmes de la nouvelle
piété, celle de la Liberté. Mais alors,
la question de savoir quelle place notre
espèce occupe dans l'histoire de
l'évolution de sa boîte osseuse débarque
dans la géopolitique. Image-t-on un
Français sioniste de naissance conduire
la France et la planète entière au
reniement des valeurs de la civilisation
mondiale? Pour tenter de répondre à la
question de la pesée de notre crâne,
examinons plus avant la métamorphose du
paysage politique que la volatilisation
subite de M. Strauss-Kahn a provoquée.
8 - Que s'est-il
passé d'extraordinaire derrière le
rideau ?
Premièrement, pourquoi les véritables
causes de la chute politique de M.
Strauss-Kahn, que j'avais explicitées
sur ce site dès le 22 mai 2011,
ont-elles été unanimement soustraites au
champ de vision des journalistes et des
politologues, et cela au seul profit, si
je puis dire, d'une cause extérieure
soudainement proclamée unique, parce que
retentissante et honteuse? Pourquoi une
cause bruyante effacerait-elle toutes
les autres du territoire de la réflexion
politique et anthropologique? Depuis
quand le tonnerre fait-il oublier
l'éclair qui l'a silencieusement
précédé? Rares sont les évènements
qu'explique seulement le bruit qu'ils
font. Certes, les conséquences d'un
grand tapage sont souvent plus
spectaculaires que l'événement réel et
qui demeure caché - mais c'est rien de
moins que renoncer à penser de prendre
des faits imprévus pour des
explications. La causalité est un
personnage si discret et si éloigné du
tintamarre qu'il n'attirera que
tardivement l'attention des dormeurs. De
plus, il ne sert de rien de courir à
toute allure sur le lieu où l'incendie
fait rage si les flammes les plus hautes
ne sont jamais qu'une diversion
précisément appelée à détourner les
regards des planches où la pièce se joue
d'acte en acte et de scène en scène.
Pourquoi
Libération et le
Monde ont-ils soudainement
consacré plusieurs pages au train de vie
somptueux de M. Strauss-Kahn, et cela la
veille même du fait divers tonitruant
survenu sur un autre champ de tir,
pourquoi des photographies prises dans
le bureau même du président du Fonds
monétaire international ont-ils montré
au public français les quatre
"communicants", tous sionistes, qui
régnaient en maîtres dans les coulisses
du candidat à l'Elysée, pourquoi cette
campagne d'information hors norme et
ravageuse à souhait dirigeait-elle, de
toute évidence, les projecteurs en
direction de la judéité de M.
Strauss-Kahn, sujet alors tabou en
France, alors que le nouveau directeur
du Monde s'appelle M.
Izraelewicz? M. Strauss-Kahn avait
lui-même souligné que ses difficultés à
venir proviendraient de trois sources,
son goût prononcé pour le sexe faible,
son argent et sa judéité.
Mais
alors pourquoi cette judéité
devenait-elle subitement un obstacle aux
yeux de la direction du Monde
et de Libération? Que
s'est-il passé d'extraordinaire derrière
le rideau pour que M. Strauss-Kahn eût
été mis sur orbite présidentielle en
moins de temps qu'il ne faut pour le
dire par MM. Fabius, Elkabach,
Cohn-Bendit et le directeur du
Monde de l'époque, M. Fottorino,
comme il est rappelé plus haut et que,
quelques jours seulement plus tard, la
scène eut changé de protagonistes au
point que la candidature qui paraissait
recueillir tous les suffrages se révélât
catastrophique?
On voit que les vraies causes d'un
événement historique, si tintamarresque
qu'il soit, ne sont pas celles qui
s'étalent sur le champ de foiré évoqué
par Victor Hugo:
"Ah
! Tout perdre en un jour !
Pour une amourette avec une
servante, une fille de rien.
On m'exile ! Et vingt ans d'un
labeur difficile, vingt ans
d'ambition, de travaux nuit et
jour.
Mon crédit, mon pouvoir, tout ce
que je rêvais…charges, emplois,
honneurs, tout en un instant
s'écroule.
Au milieu des éclats de rire de
la foule!"
( Victor Hugo - Ruy Blas
- acte I scène I)
S'il s'agit d'une prise de conscience en
profondeur des enjeux éthiques de la
politique internationale, s'il s'agit
d'un pas de géant en direction des
lucidités à venir, ce ne serait pas au
Commissaire Maigret qu'il faudrait faire
appel pour dénouer les fils de
l'intrigue, mais à un Balzac, à un
Cervantès, à un Shakespeare de
l'aventure mondiale du sionisme et de
son échec.
9 - Le schisme
Voici quelques indices qui pourraient
nous mettre sur la piste d'une enquête
sérieuse sur les dessous du Ruy Blas
d'aujourd'hui. Il y a quelques mois
seulement, on a vu, pour la première
fois une brèche immense s'ouvrir sur le
front uni du sionisme français: MM.
Lévy, Finkielkraut, Brückner, Olivier
Nora ont publié un acte d'allégeance
exclusif et plus frémissant à l'Etat
d'Israël que celui du judaïsme habituel,
mais assorti d'un appel pathétique à
défendre les intérêts véritables et à
long terme de cet Etat. On courait à la
catastrophe, disaient les signataires,
si Tel-Aviv ne changeait pas de
stratégie à l'échelle mondiale et ne
s'ouvrait pas au champ d'action nouveau
que l'histoire réelle du monde à venir
lui offrait. M. Prasquier, président du
Conseil représentatif des institutions
juives de France avait aussitôt fustigé
les hérétiques; puis MM. Adler,
Glucksmann et d'autres avaient signé,
dans la foulée, un rappel solennel à
l'orthodoxie politique dont les juifs de
France demeuraient les dépositaires à
titre exclusif. Mais le 2 juin 2011 M.
Bernard-Henry Lévy se précipitait en
Libye, puis auprès de M. Benjamin
Netanyahou.
-
M.
Benjamin Netanyahou et
l'exercice biblique du droit du
plus fort - La sociologie et
l'anthropologie philosophique,
5 juin
2011
Faut-il
supposer que les têtes les plus
logiciennes du judaïsme français et
international auraient tiré in extremis
les conséquences rigoureuses du schisme
qui scinde désormais ouvertement le
judaïsme de la diaspora entre deux
confessions plus séparées l'une de
l'autre que le catholicisme et le
protestantisme au XVIe siècle? En ce
temps-là tout le monde se demandait à
quel endroit précis le Dieu des
chrétiens cachait son Verbe au cours de
la cérémonie de la messe. Se
réfugiait-il dans les cellules de chair
et de sang que le prêtre faisait dévaler
sur l'autel à l'instant précis du
déroulement du rituel où il prononçait
les paroles de la consécration des
offrandes, ou bien la divinité
était-elle à elle-même le pain et le vin
de l'esprit? Mais alors, comment la
loger liturgiquement en Judée? Et puis,
la politique venait bousculer les
solennités cultuelles les deux
théologies: au Monde et à
Libération, les gardiens
de la foi s'étaient-ils subitement
changés en hérétiques à leur tour?
Avaient-ils pris rendez-vous, eux aussi,
avec un prophète des collisions qui
allaient fatalement se produire entre la
chair et le verbe d'Israël? De plus,
l'heure avait sonné à tous les beffrois
de la planète où la potence rebelle des
chrétiens rencontrerait le dieu de la
soumission à la fatalité des musulmans.
On sait
que M. Strauss-Kahn se demandait chaque
matin ce qu'il allait entreprendre à la
gloire Israël: "Je considère que tout
Juif dans la diaspora, et donc c'est
vrai en France, doit partout où il le
peut apporter son aide à Israël. C'est
pour ça d'ailleurs qu'il est important
que les Juifs prennent des
responsabilités politiques. Tout le
monde ne pense pas la même chose dans la
Communauté juive, mais je crois que
c'est nécessaire. Car, on ne peut pas à
la fois se plaindre qu'un pays comme la
France, par exemple, ait dans le passé
et peut-être encore aujourd'hui, une
politique par trop pro-arabe et ne pas
essayer de l'infléchir par des individus
qui pensent différemment en leur
permettant de prendre le plus grand
nombre de responsabilités. En somme,
dans mes fonctions et dans ma vie de
tous les jours, au travers de l'ensemble
de mes actions, j'essaie de faire en
sorte que ma modeste pierre soit
apportée à la construction de la terre
d'Israël." (Propos recueillis par
Emille Malet, Passages
n°35, février-mars 1991).
10 - Le nouveau
quartier général de la politique
mondiale
Sans doute les esprits microscopiques et
les esprits prophétiques ne donnent-ils
pas le même sens aux "mots de la tribu",
comme disait le poète. Il fallait donc
poser la question de la définition
physique et de la définition théologique
de l'identité politique d'Israël et
faire débarquer ce débat "spirituel"
dans la science historique moderne; il y
avait longtemps qu'elle frappait à la
porte, l'anthropologie critique des
dieux, il y avait longtemps qu'elle
radiographiait les peuples, les nations,
les Etats livrés à leurs idoles au gré
des époques et des lieux. Mais en ce
début du XXIe siècle, une science
politique qui ne s'enracinerait pas dans
un décryptage de l'histoire cérébrale de
la planète ne s'installerait pas sur le
territoire du temps vécu. L'histoire se
souviendra de ce que la première prise
de conscience de l'enjeu anthropologique
du sionisme aura été le fait de quelques
responsables de journaux dirigés par des
Français juifs.
Certes,
à la suite de la propulsion de M.
Strauss-Kahn sur la trajectoire
présidentielle que j'ai évoquée plus
haut, le Parlement avait tenté de voter
en toute hâte une loi qui, si elle avait
été promulguée, aurait donné de la
transparence aux sondages mystérieux et
précipités qui fusaient de partout et
qui propulsaient à la vitesse de la
lumière une étoile nouvelle dans le ciel
de la République. Mais à peine la chute
de M. Strauss-Kahn était-elle annoncée
que le projet de loi était couronné de
quelques rubans funéraires. Et pourtant,
le 4 juin 2008 M. Barack Obama avait, le
premier, annoncé que l'univers changeait
de cap et que l'islam ouvrait les bras à
la démocratie mondiale; puis dans son
discours du 25 mai 2011 au Congrès, il
avait rappelé à plusieurs reprises son
rôle d'annonciateur du nouveau pilotage
de la planète. Enfin, le 13 juin, il se
faisait menaçant: le temps pressait,
disait-il. Faute d'un geste positif
d'Israël, les Etats-Unis ne pourraient
s'opposer plus longtemps à la volonté de
l'Assemblée générale des Nations-Unies,
qui allait reconnaître la Palestine dans
les frontières de 1967. L'avenir des
Etats-Unis et du monde entier au sein de
la civilisation arabe ne serait pas
sacrifié pour les beaux yeux d'Israël.
Quant à M. Alain Juppé, il avait été
appelé de Bordeaux à la suite du
naufrage de l'Union des Etats riverains
de la Méditerranée; et il lui avait
suffi de quelques coups de barre pour
commencer de remettre entre les mains de
la France et de l'Europe le timon des
affaires que le dernier successeur du
Général de Gaulle avait abandonné en
2007.
Dans ces
conditions, est-il absurde d'imaginer
que les directions du Monde
et de Libération auraient
jugé rationnel de précipiter en toute
hâte M Strauss-Kahn du haut de la roche
tarpéienne, de crainte que le sionisme
étroit et inflexible du président du
fonds monétaire international ne jetât
le monde entier dans un chaos
dramatique, tellement il était devenu
clair que le nationalisme israélien
conduisait la planète à un affrontement
géant et sans issue entre les principes
universels de la démocratie et le droit
de faire couler le sang qu' un
conquérant biblique réclamait au seul
profit de son glaive?
Comme nous sommes loin de la chambre
2806 d'un hôtel de luxe de Manhattan!
11 - La
psychanalyse de Dieu
La question du statut physique et du
statut théologique d'Israël que
j'évoquais au début de cette
spectrographie théologique du mythe
démocratique débarque de nouveau sur le
plateau. Qu'on en juge : la conscience
universelle, qui a fait de la liberté sa
proie et son oracle, souffre d'un
problème de déglutition de son péché
originel. Comment demander au pécheur
d'adresser à la divinité une supplique
schizoïde, afin qu'elle s'accorde
l'absolution ou reconnaisse publiquement
sa faute et sa repentance, comme au
lendemain du Déluge? Car Jahvé avait
taillé précipitamment dans sa propre
chair et sans prendre le temps de la
réflexion un territoire qui appartenait
à Allah. Ecoutons la semonce et la
complainte d'Israël.
- Et voici les paroles que ton peuple
t'adresse: "Dieu de ton imprévoyance,
Dieu de tes faux séraphins, comment
as-tu légitimé l'Eden microscopique sur
lequel tu nous as si ridiculement logés?
Nous laisseras-tu accuser de légitimer
tes rapines? Que vaut la sainteté que tu
accordes à tes propre forfaits, que vaut
la damnation dont tu brandis le sceptre
au-dessus de nos têtes? Si tu n'es
parvenu ni à sanctifier ton cambriolage
de cette terre, ni à nous éviter la
condamnation du monde entier pour
n'avoir que suivi tes traces sur la
terre, qui es-tu? Dieu de partout et de
tout le monde, pourquoi as-tu livré sept
cent cinquante mille disciples de
Muhammad à l'exil ou à l'extermination?
Et maintenant, n'est-il pas juste que le
monde entier te cite à comparaître au
banc des accusés?"
Tel est le confessionnal universel de la
démocratie, tel est le miroir du monde
dans lequel Jahvé et Allah se regardent,
l'un en accusé, l'autre en justicier.
Mais quelle est la victime du sacrifice
que je vois saigner sur une potence?
Celle-là demande à l'autel d'un boucher
du ciel de répondre à la question:
"Qu'en est-il d'Israël en chair et en os
et d'Israël selon ses prophètes?"
Publié le 19 juin
2011 avec l'aimable autorisation de
Manuel de Diéguez
Les textes de
Manuel de Diéguez
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