Opinion
Le F-35 décolle
sur la tête du parlement
Manlio
Dinucci
Jeudi 25 juillet 2013
Le Parlement, on le sait, est souverain.
Le Parlement italien a donc décidé aussi
à propos du F-35. La motion bipartisane
approuvée par la Chambre le 26 mai « engage
le gouvernement, en ce qui concerne le
F-35, à ne procéder à aucune phase
d’acquisition ultérieure sans que le
Parlement se soit exprimé à ce sujet, au
sens de l’article 4 de la loi du 31
décembre 2012, n° 244 ». La même formule
a été utilisée dans la motion approuvée
par le Sénat le 16 juillet.
Nous sommes donc dans l’attente
que le Parlement s’exprime à ce sujet.
Mais en attendant celle qui s’est
exprimée est la firme Northrop Grumann,
un des plus grands constructeurs du
programme étasunien du F-35 qui dirige
Lockheed Martin. Dans un communiqué
diffusé hier, la firme annonce « avoir
livré le 12 juillet, au site Faco de
Cameri (région de Novare, Piémont), la
section centrale du fuselage du premier
F-35 Lightning II de l’Italie ». Cette
« livraison ponctuelle », souligne
Northrop Grumann, « permet le premier
assemblage d’un F-35 sur le site Faco ».
Elle précise ensuite que ce qui vient
d’être livré constitue « la première des
90 sections centrales du fuselage qui
seront fournies au site Faco pour
assembler les avions italiens ».
Northrop Grumann, comme Lockheed Martin,
n’a donc aucun doute sur le fait que
l’Italie acquerra 90 F-35. Peut-être
plus encore, comme l’a laissé entendre
le ministre Mauro.
Donc, quatre jours avant que le
Sénat, confirmant ce qui avait déjà été
décidé par la Chambre le 26 mai, engage
le gouvernement à « ne procéder à aucune
phase d’acquisition ultérieure » du
F-35, la chaîne de montage du site de
Cameri s’est mise en marche pour
produire le premier chasseur de la
série. On comprend ainsi pourquoi
l’inauguration officielle, prévue pour
le 18 juillet, a été renvoyée « à une
date ultérieure ». Si elle avait eu lieu
le 18 juillet, avec la participation du
général étasunien Bogdan (responsable du
Pentagone pour le programme F-35), on
aurait découvert ce qu’on a su par le
communiqué de Northrop Grumann : à
savoir que, à la barbe de ce qui a été
décidé par le Parlement italien, a
commencé la production des F-35 que
l’Italie achètera en déboursant (en
argent public) presque 15 milliards
d’euros.
Le site Faco de Cameri, avec 20
bâtiments et une superficie d’un demi
million de mètres carrés, a coûté
(toujours en argent public) environ 800
millions d’euros. De site d’assemblage
et d’essai des chasseurs il sera ensuite
transformé en centre de manutention,
révision, réparation et modification
(avec débours ultérieur d’argent
public). Il n’est qu’une partie du
réseau du F-35, qui implique en Italie
plus de vingt industries : Alenia
Aeronautica, Galileo Avionica, Datamat
et Otomelara de Finmeccanica et quelques
autres dont Piaggio. Elles fonctionnent
en départements de la « grande usine »
du F-35 sous la direction de Lockheed
Martin, qui ne concède à chaque
industrie que le savoir-faire des
parties de l’avion qu’elle assemble ou
produit.
La participation de l’Italie au
programme F-35 est présentée comme une
grande affaire. On ne dit pas cependant
combien vont coûter les rares postes de
travail créés dans cette industrie
guerrière. On ne dit pas que, tandis que
les milliards des contrats pour le F-35
entreront dans les caisses de sociétés
privées, ceux pour l’acquisition des
chasseurs sortiront des caisses
publiques. On ne dit pas, surtout,
qu’avec ce programme se renforce en
Italie le pouvoir du complexe
militaro-industriel.
Confirme par le fait que c’est
Northrop Grumann qui nous a fait savoir
ce que le gouvernement aurait dû nous
dire.
Edition de jeudi 25 juillet 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130725/manip2pg/03/manip2pz/343594/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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