L'art de la guerre
Les ailes
bipartisanes du F-35
Manlio Dinucci
Mardi 3 avril 2012
Pour le
chasseur-bombardier F-35, au parlement
italien, « le ministre Di Paola a dû
faire contre mauvaise fortune bon
cœur » : c’est ce dont nous assure
Flavio Lotti, coordinateur de la
Tavola della Pace (Table de la
paix, voir note de fin, ndt). Le
ministre de la défense a-t-il donc dû
s’incliner devant une majorité
parlementaire, qui décide de réduire le
nombre des chasseurs-bombardiers ?
D’après les actes parlementaires, c’est
l’exact opposé qui s’avère. Di Paola est
allé au parlement annoncer la décision,
déjà prise par le gouvernement Monti, de
« recalibrer » l’achat des F-35, de 131
à 90. S’ajouteront à ceux-ci 90
Eurofighters : de ce fait l’Italie
disposera de 180 chasseurs-bombardiers
« beaucoup plus performants ». En
d’autres termes, beaucoup plus
destructeurs que les Tornados utilisés
il y a un an pour bombarder la Libye.
Plus que suffisants pour assurer la
capacité de projection du « pouvoir
aérien », un des pivots du concept
stratégique pentagonien énoncé par Di
Paola en 2005. Non seulement l’Italie
s’engage à acquérir 90 F-35 (chiffre
augmentable en cas de « nécessité »)
mais elle participe au programme de
Lockheed Martin avec le site de l’Alenia
à Cameri. Réalisé, précise Di Paola,
dans un aéroport militaire parce que
« les américains et Lockheed Martin ont
exigé des conditions de sécurité et de
secret : ou bien dans une base militaire
sous certaines conditions ou bien ça ne
se faisait pas ». C’est là que non
seulement seront assemblés les
chasseurs, mais réalisées « les mises à
jour parce que les avions au fil du
temps ont des upgrade (améliorations ndt)»
(avec dépenses additionnelles
continues). Celle qui en tirera profit
est l’industrie militaire, « élément
technologique important de ce pays et
qui, aujourd’hui plus que jamais, vise
l’exportation ». Le coût unitaire du
F-35 plane encore. « On parle
aujourd’hui d’environ 80 million de
dollars, mais on s’attend à ce que le
chiffre baisse de plus en plus » raconte
le fabuliste Di Paola aux petits
députés. Et, pour les tranquilliser, il
ajoute : « Si vous saviez combien a
coûté l’Eurofighter, vous seriez
épouvantés ; on parle, pour être clairs,
du double du chiffre ». Personne n’a osé
lui demander à combien se monte le
chiffre épouvantable. Pas même l’Idv (Italia
dei valori, parti de l’ancien juge Di
Pietro, Ndt) -qui dans sa motion
(rejetée) demandait au gouvernement
d’évaluer la possibilité de sortir du
programme F-35- n’a osé mettre le doigt
sur la plaie : ce chasseur de cinquième
génération ne sert pas à la défense de
l’Italie mais à la stratégie offensive
Usa/OTAN à laquelle participe l’Italie ;
il sert à garder les alliés sous le
leadership des Etats-Unis, pas seulement
sur le plan militaire. Le programme F-35
est un des volants de l’économie
étasunienne : y participent plus de
1.300 fournisseurs des 47 états Usa, en
créant 130mille postes de travail qui
pourraient doubler. Tout ceci est ignoré
par le parlement italien. Le programme
F-35, illustré par Di Paola, a ainsi été
approuvé avec un consensus bipartisan
substantiel du PdL (Peuple
de la
Liberté, parti de Berlusconi)
et du Pd (Parti
démocrate). Rien d’étonnant : pour
faire participer l’Italie au programme,
se sont engagés, en toute cohérence de
1998 à aujourd’hui, les gouvernements D’Alema,
Berlusconi 1, Prodi, Berlusconi 2 et
Monti.
Et quand le F-35 aura été utilisé
dans une action de guerre, nous aurons
un Flavio Lotti qui, à la Perugia-Assisi,
retournera marcher aux côtés du chef du
gouvernement. Comme il le fit en 1999
avec le président du conseil D’Alema
qui, après avoir envoyé les avions
italiens bombarder la Yougoslavie,
participa, sur invitation des
organisateurs, à la marche de la paix.
Edition de mardi 3
avril 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120403/manip2pg/14/manip2pz/320592/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
Tavola della
pace :
http://www.cipsi.it/nuovo/cipsi/documenti/yearbook/199.pdf
: structure de « coordination » pour
« promouvoir la paix, les droits humains
et la solidarité », créée et soutenue,
dans un but démagogique et pour dévier
les mobilisations, par la « gauche »
pro-OTAN, active dans le soutien des
guerres d’agression ; une des actions
les plus connues est la « marche Perugia-Assisi »,
au mois de septembre. NdT.
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