Conférence au "Youth camp for green,
Peace and alternative movements"
(Allemagne, juillet 2001)
Théories de
l'impérialisme américain:
la réponse des peuples
Luc
Michel

Mardi 11 septembre
2012
LES USA SEULE
SUPERPUISSANCE
En
1991 commence une nouvelle ère pour les
relations internationales.
La
situation mondiale est en effet
totalement changée. L'URSS, le principal
challenger de Washington, qui fut aussi,
il faut le dire, longtemps son meilleur
complice, a disparu, vaincue par la
compétition économique et la course aux
armements qu'elle s'était laissée
imposées par Washington.
En
l'espace de quelques mois, la puissance
américaine est devenue l’unique
superpuissance mondiale et tente partout
d'imposer son
"Nouvel Ordre Mondial" (NOM) avec
son cortège de guerres et d'inégalités.
Les
théoriciens de l'impérialisme américain
défendent à ce sujet la thèse du hasard.
Les Etats-Unis se seraient trouvés dans
leur position centrale et omnipotente
par l'effet d'une série de conjonctions
heureuses. Mais en rien la politique
planétaire des USA ne serait responsable
de cette situation d'hégémonie,
résultant d'une divine surprise.
DOCTRINES DE
L'IMPERIALISME AMERICAIN
Cette thèse est totalement fausse et
contredite par toute étude historique
sérieuse.
L'impérialisme américain est planifié,
pensé, théorisé depuis plus d'un siècle.
Et la victoire incontestable de 1991 est
l'aboutissement d'une politique conçue
dès la fin du XIXeme siècle.
Le
premier grand théoricien de cette vision
impérialiste qui vise à la domination
mondiale est l'amiral
Alfred T. Mahan, dont le livre
principal
"The influence of sea power upon history"
est publié à Boston en 1890.
Alfred T. Mahan (1840-1914) a construit
une géopolitique destinée à justifier
l'expansionnisme mondial des Etats-Unis
à une époque où le monde est encore
dominé par la Grande-Bretagne, un
expansionnisme qui doit se fonder sur la
puissance maritime ("sea
power"). Mahan est convaincu que
les Etats-Unis, puissance industrielle
contrôlant les Amériques, peuvent, en
imitant la stratégie maritime qui fut
celle de l'Angleterre à partir du XVIème
siècle, obtenir la domination mondiale
grâce à la maîtrise des mers. Il leur
faut pour cela non seulement des bases,
des ports, mais surtout des bâtiments,
des navires, qui soient en permanence
capables d'intervenir partout dans le
monde, et donc constamment
opérationnels.
Donc, en 1897, Mahan préconise la
politique stratégique suivante : il faut
s'allier à la Grande-Bretagne pour
contrôler les mers, il faut maintenir
l'Allemagne sur le continent européen et
s'opposer à son développement maritime
et colonial, il faut associer les
Américains et les Européens pour
combattre les ambitions des asiatiques
et en particulier surveiller de près le
développement du Japon.
Tous
les grands thèmes du
"grand échiquier" de Zbigniew
Brzezinski sont déjà présents :
stratégie planétaire, intervention en
Europe, isolement de la puissance
continentale (alors l'Allemagne).
Mahan donne un corps idéologique à la
vision américaine d'une mission
prédestinée des USA dans le monde : la
"manifest
destiny".
Son
oeuvre est continuée par
Nicholas J. Spykman (1893-1943), qui
développe la notion de
"containment",
consistant à organiser un système d'états-tampons
destiné à briser la puissance russe.
Après la victoire sur l'Allemagne il
faut donc contrôler ces Etats tampons
qui constituent le
rimland, le pivot (une notion de
géopolitique), si l'on veut contrôler le
cœur du monde.
Cette nécessité conduira à la mise en
place d'une politique d'endiguement (containment)
de par la constitution de l'Alliance
atlantique dominée par les Etats-Unis,
face au Pacte de Varsovie, dominé par la
Russie soviétique. Notez que tout cela
est pensé en 1941 et 42 - Spykman meurt
en 1943 - c'est-à-dire au moment même ou
l'URSS fait face aux armées nazies.
Le
discipline de Spykman est
Georges F. Kennan, le principal
théoricien américain de la guerre
froide, auteur de
"The sources of soviet conduct".
Le
plus brutal théoricien de l'impérialisme
américain est
James Burnham. Moins connu en dehors
des spécialistes des sciences politiques
(c'est le père des
néo-machiavéliens américains), c'est
un ancien trotskyste reconverti dans le
néo-conservatisme. Il fonde notamment la
"National Review"
En
1945, il publie un livre fondamental
mais passé inaperçu en Europe dont le
titre anglais est
"The Struggle for the World". Le
titre de l'édition française (1947) est
lui plus explicite encore : c'est
"Pour la domination mondiale".
Burnham y donne les conditions de la
puissance destinée à assurer la
domination planétaire des Etats-Unis.
DE NOUVELLES THEORIES
AMERICAINES APRES 1991
La
victoire américaine de 1991, qui est
largement surestimée dans les cercles
conservateurs qui entourent le président
Bush, va donner lieu à une nouvelle
théorisation de l'impérialisme yankee.
Les proches conseillers de Bush en
donnent immédiatement une nouvelle
définition : c'est le
"Nouvel Ordre Mondial" au nom
duquel les USA reçoivent la mission de
"pacifier" le monde et d'y imposer les
pseudo-valeurs du
"libre commerce".
Les
principaux théoriciens de l'impérialisme
américain à l'aube du XXIeme siècle sont
Francis Fukuyama, Samuel P. Huntington
et Zbigniew Brzezinski.
Leurs théories, médiatisées par leurs
livres et leurs articles dans les
grandes revues américaines de politique
internationale, prennent place dans un
ensemble de recherches et d'activités
liées directement au Pentagone et au
State Department.
En
apparence, elles présentent des
contradictions entre elles mais
celles-ci ne sont qu'apparentes. Elles
sont en effet plus liées qu'il n'y
parait car elles représentent différents
niveaux de la même pensée, notamment
quand à leur projection dans le temps.
Fukuyama est le théoricien de la
"fin de l'histoire" où il
prophétise que le
"dernier homme" sera celui de la
vision idéologique américaine. On
présente souvent les thèses de Fukuyama
comme une vision trop optimiste liée à
la victoire de 1991 et donc dépassée.
C'est ignorer les travaux ultérieurs de
cet auteur. Fukuyama représente au
contraire la vision à long terme de
l'impérialisme yankee. Celle de ses buts
ultimes.
Huntington théorise les justifications
idéologiques de l'affrontement de
Washington avec le reste du monde. C'est
une oeuvre à moyenne vision - les trois
ou quatre prochaines décennies -
destinée bien plus aux alliés supposés
de Washington qu'au public américain.
Ses théories sur
"le choc des civilisations"
visent à dissimuler les pratiques
cyniques de la politique internationale
américaine et à fournir une
justification à une nouvelle politique
de
"containment",
qui vise surtout la Russie et la Chine
mais aussi l'Europe en voie
d'unification, et à pérenniser celle-ci.
Disciple de
Henry Kissinger, souvent qualifié de
"Richelieu américain" pour sa
politique cynique et réaliste,
Brzezinski donne, lui, les conditions de
la puissance américaine, destinées à
assurer une domination planétaire
durable. C'est la théorisation
géopolitique de l'impérialisme
américain.
Dans
ces théories on trouve un curieux
mélange de cynisme, de brutalité et de
faux moralisme. C'est la traduction au
XXIeme siècle de la
"manifest
destiny". Les USA ont une
mission à accomplir. Ce qui est bon pour
eux est bon pour le monde. Et le
"libre commerce" assurera la paix
mondiale. Chez Brzezinski cela frise
parfois la caricature, les plus brutales
théories géopolitiques voisinant avec
des réflexions idéalisantes sur la paix
et le bonheur des peuples.
FRANCIS FUKUYAMA : LA
"FIN DE L'HISTOIRE"
Francis Fukuyama publie en 1992
"La fin de l'Histoire et le dernier
homme", où il développe la fameuse
thèse qu'il avait émise en 1989 dans la
revue «The National Interest».
Qu'entend Fukuyama par
«fin de l'histoire» ? A la suite
des philosophes Hegel et Kojève, il
considère que l'histoire résulte des
antagonismes entre les différentes
idéologies et formes d'organisations
sociales, qui luttent chacune pour la
reconnaissance. Or, avec la chute du
Mur, l'effondrement du communisme et la
victoire de la démocratie libérale,
l'histoire, prise dans ce sens,
s'abolit. Preuve est faite que le destin
de l'humanité, c'est la démocratie
libérale moderne, idéologie politique de
l'impérialisme américain, qui, à défaut
d'être parfaite, offre selon Fukuyama le
meilleur des mondes possibles.
En
1997, avec
"La confiance et la puissance",
Francis Fukuyama précise sa pensée et
souligne que la majorité des nations
s'oriente politiquement vers la
démocratie et économiquement vers
l'économie de marché. Dans ce nouveau
livre, il développe une justification
idéologique de la supériorité du modèle
social américain et entreprend de
démontrer qu'une corrélation existe
entre
«vertus sociales et prospérité
économique», celles-là
engendrant celle-ci. L'Etat-providence
ayant dû battre en retraite. Il y
prétend qu'il y a des pays plus aptes
que d'autres au développement. Il oppose
les sociétés familiales, comme la
France, l'Italie ou la Chine, à faible
degré de confiance généralisée, ce qui
implique une forte intervention de
l'Etat, et les sociétés de confiance,
automatiquement plus prospères, comme le
Japon, l'Allemagne et les Etats-Unis.
Mais
Fukuyama est surtout l'idéologue du
projet de société américain à long
terme, qu'il prétend être l'avenir
ultime de l'humanité. C'est tout
simplement l'accomplissement ultime de
la
"manifest
destiny". Et c'est surtout une
vision de cauchemar d'une société où le
Politique et l'homme en tant qu'acteur
de l'Histoire ont disparu, où le destin
des hommes et des peuples est remplacé
par un monde unifié, gris et sale, où le
consumérisme accompli tient lieu
d'ultime horizon. Alors triomphera le
dernier Homme, plus soucieux d'assurer
son bien-être que d'affirmer sa valeur
par des oeuvres géniales ou par des
guerres.
Dans
une interview retentissante au quotidien
"Le Monde" (Paris) du 17 juin 1999,
Fukuyama précise sa vision du "dernier
homme", qui est incontestablement "la
fin de l'histoire" :
"Le caractère ouvert des sciences de la
nature contemporaines nous permet de
supputer que, d'ici les deux prochaines
générations, la biotechnologie nous
donnera les outils qui nous permettront
d'accomplir ce que les spécialistes
d'ingénierie sociale n'ont pas réussi à
faire. A ce stade, nous en aurons
définitivement terminé avec l'histoire
humaine parce que nous aurons aboli les
êtres humains en tant que tels. Alors
commencera une nouvelle histoire,
au-delà de l'humain."
C'est brutalement exposé le projet de
société ultime de l'oligarchie
américaine.
Dans
la même interview, il précise par
ailleurs la continuité de sa thèse sur
"la fin de l'histoire" avec son projet
orwellien de société :
"Quand j'ai publié "La fin de
l'histoire", en 1992, j'ai été submergé
de critiques, mais je ne parlais pas de
la même histoire que mes censeurs. Je
voulais dire qu'avec l'écroulement du
bloc de l'Est, de nombreuses questions
fondamentales sur le plan de l'idéologie
et des institutions qui avaient
sous-tendu l'histoire pendant des
décennies ont été plus ou moins réglées,
du moins dans les pays développés.
Aujourd'hui, les vrais problèmes se
situent au niveau des structures
sociales, religieuses, et de la
culture."
L'homme sera alors devenu un
"chien heureux" constate
Fukuyama :
«Un chien est heureux de dormir au
soleil toute la journée, pourvu qu'il
soit nourri, parce qu'il n'est pas
insatisfait de ce qu'il est. Il ne se
soucie pas que d'autres chiens fassent
mieux que lui, ou que sa carrière de
chien soit restée stagnante. Si l'homme
atteint une société dans laquelle il
aura réussi à abolir l'injustice, sa vie
finira par ressembler à celle du chien».
Fukuyama reste muet sur ceux qui seront
les maîtres de ces chiens heureux, qui
les tiendront en laisse ...
HUNTINGTON ET LE "CHOC DES
CIVILISATIONS"
Samuel P. Huntingtonest venu corriger
Fukuyama, le compléter. La fin de
l'Histoire n'étant pas immédiate et les
peuples étant résistants au
"Nouvel Ordre Mondial" et à son
horizon avilissant de
"chiens heureux", il fallait
théoriser les affrontements persistants
et persuader les alliés plus ou moins
forcés de Washington du bien fondé de la
domination planétaire du système
américain.
Professeur à l'Université d'Harvard,
Huntington dirige le
"John M. Olin Institue for Strategic
Studies" et a été expert auprès du
Conseil National Américain de Sécurité
sous l'administration Carter. Il est
aussi le fondateur et l'un des
directeurs de la revue "Foreign Policy",
où ont été exposées initialement ses
thèses sur le choc des civilisations.
Il publie en 1996
"The clash of civilizations and the
remaking of world order".
Il
faut noter qu'il n'est nullement
l'inventeur de sa thèse. En effet, le
professeur marocain (Université Mohamed
V de Rabat)
Mahdi Elmandjra revendique
l'antériorité de la prophétie exposée à
propos de la guerre du Golfe dans son
ouvrage
"Première guerre civilisationnelle"
(Casablanca, 1992). Il emprunte aussi
les thèses de l'historien français
Braudel sur la pérennité des
civilisations sur les Etats et les
Nations.
Selon Huntington :
"L'histoire des hommes, c'est l'histoire
des civilisations, depuis les anciennes
civilisations sumériennes et égyptiennes
jusqu'aux civilisations chrétiennes et
musulmanes, en passant par les
différentes formes des civilisations
chinoises et hindoue". On
distingue généralement, nous dit
Huntington, la "civilisation", un
concept français du XVIIIème siècle qui
s'oppose au concept de "barbarie", des
"civilisations", un concept
anthropologique qui s'applique à
"l'entité culturelle la plus large que
l'on puisse envisager".
"Les
empires naissent, nous dit-il, et
meurent, alors que les civilisations
"survivent aux aléas politiques,
sociaux, économiques et même
idéologiques" (Braudel), pour en
définitive succomber à l'invasion de
tiers".
Huntington nous dit que pendant trois
mille ans les civilisations séparées par
le temps et par l'espace se sont
ignorées. Puis la civilisation
occidentale domina le monde jusqu'au
XXème siècle. Mais l'influence de
l'Occident ne cesse de se réduire :
"la puissance économique se déplace vers
l'Extrême-Orient, dont l'influence
politique et la puissance militaire vont
croissant. L'Inde est en passe de
décoller. L'hostilité du monde musulman
va croissant envers l'occident dont les
sociétés non occidentales n'acceptent
plus comme jadis les diktats et les
sermons". "Peu à peu l'Occident perd sa
confiance en soi et sa volonté de
dominer".
L''Occident restera le numéro un mondial
pendant le XXIème siècle, mais
inéluctablement
"l'occident continuera à décliner"
et
"sa prépondérance finira par
disparaître".
Donc
conclut Huntington,
"l'affrontement est programmé"
au travers de
"guerres civilisationnelles"
entre la civilisation Occidentale et les
autres civilisations du Monde. Parmi les
adversaires principaux de l'Occident
américain, les civilisations orthodoxe,
islamiste et confucéenne (Chine et
Asie).
QUELS BUTS REELS
POURSUIT HUNTINGTON
Le
point de vue de Huntington est
radicalement contesté, notamment par les
Français
Chauprade et
Thual, dans leur
"Dictionnaire de géopolitique"
(1998) pour lesquels
"en globalisant les aires religieuses,
on en vient à ignorer les fractures
internes inhérentes à ces espaces
civilisationnels". Ils ajoutent
que
"L'unité de l'Islam tient plus de la
fiction que de la réalité" et
accusent Huntington de faire du
"simplisme et du manichéisme". "La
centralité des mécanismes géopolitiques
repose en première instance sur les
continuités des Etats",
concluent-ils.
Cette critique a un défaut : celui de ne
pas rechercher le but des thèses de
Huntington et leur rôle dans la
diffusion et la défense de
l'impérialisme américain. Car Huntington
vise un but opérationnel direct :
théoriser et justifier la confrontation
entre les Etats-Unis et le reste du
monde.
Certaines réactions ne laissent aucun
doute. Kissinger voit dans "Le choc des
civilisations"
"le livre le plus important depuis la
fin de la guerre froide" et
Brzezinski
"un tour de force intellectuel : une
oeuvre fondatrice qui va révolutionner
notre vision des affaires
internationales". Huntignton a
en effet à leurs yeux le mérite de
proposer une vision des civilisations
qui recoupe étroitement les conceptions
géopolitiques des deux penseurs
américains.
Sa
vision de l'Occident qui unit
étroitement et indissolublement
Etats-Unis et Europe occidentale
pérennise la main-mise américaine sur
notre continent.
Sa
thèse sur la
civilisation orthodoxe,
radicalement séparée de l'héritage
gréco-romain commun partagé avec
l'Europe occidentale et centrale,
empêche toute
union eurasienne de l'Atlantique à
Vladivostok et combat les thèses
sur la
"Troisième Rome" et la mission
de la Russie, antithétique de la
"manifest
destiny" américaine. Elle
confine la Russie au mieux à un rôle de
puissance régionale et au pire, un pire
souhaité et théorisé à Washington, au
démembrement. Ce n'est nullement un
hasard si Brzezinski a fait paraître
dans la revue de Huntington en 1999 un
article proposant le démembrement de la
Russie en trois états (Russie
occidentale, Caucase et Sibérie). Un
article qui répond directement aux
thèses eurasiennes adoptées par le
président Poutine et qui fit scandale en
Russie, où l'on souligna que ce projet
était déjà celui de Hitler et de
Rosenberg, le théoricien nazi du
racisme.
Enfin, l'opposition proclamée entre
Occident et
islamo-confucéens empêche tout
rapprochement euro-arabe et toute union
méditerranéenne. Huntington oublie là
fort à propos l'utilisation par
Washington d'un certain islamisme
radical contre l'Europe (Bosnie,
Albanie), la Russie (Afghanistan,
Tchétchénie, etc.) et les pays arabes
opposés à sa politique, comme la Libye
ou l'Irak.
LE "GRAND ECHIQUIER"
DE BRZEZINSKI
Après l'idéologie avec Fukuyama et
l'Histoire comme fondement opérationnel
de l'action avec Huntington, le
troisième grand théoricien de
l'impérialisme américain au XXIeme
siècle est
Zbigniew Brzezinski dont le domaine
est la géostratégie et la géopolitique
et qui publie
"The Grand Chessboard" en 1997,
titré
"Le grand échiquier. L'Amérique et le
reste du monde" pour son édition
française.
Disciple de Henry Kissinger et adepte de
la "real politique" comme lui,
Brzezinski, d'origine polonaise, est
expert au
Center for Strategic and International
Studies (Washington DC) et
professeur à l'Université
Johns Hopkins de Baltimore. Il fut
conseiller du président des Etats-Unis
de 1977 à 1981.
La
réflexion de Brzezinski est centrée sur
les conditions géopolitiques de la
puissance américaine et de son contrôle
sur l'Eurasie,
le
"grand échiquier" où Washington
doit éliminer tout rival potentiel ou
réel.
Nous
avons vu que Huntington n'était pas le
créateur du concept des
"guerres civilisationnelles"
emprunté à un professeur marocain. De
même, Brzezinski s'inspire largement des
Théories de
Jean Thiriart.
D'origine belge, Thiriart est méconnu en
Europe occidentale où l'impasse a été
faite sur ses thèses. Il n'en va pas de
même eu Russie où il inspire aussi bien
les théories géopolitiques et
économiques des
nationaux-communistes de
Ziouganov que les concepteurs des
thèses eurasistes mises à
l'honneur par le président Poutine. Le
manuel d'instruction géopolitique pour
les officiers russes lui consacre un
long chapitre élogieux. Au début des
Années 80, Thiriart fonde l'école
"euro-soviétique" où il prône une
unification continentale de Vlazdivostok
à Reykjavik sur le thème de
"l'Empire euro-soviétique" et
sur base de critères géopolitiques.
Théoricien de l'Europe unitaire,
Thiriart a été largement étudié aux
Etats-Unis, où des institutions
universitaires comme le
Hoover Institute ou l'Ambassador
College (Pasadena) disposent de
fonds d'archives le concernant.
Ce
sont ses thèses anti-américaines
"retournées" que reprend largement
Brzezinski, définissant au bénéfice des
USA ce que Thiriart concevait pour
l'unité continentale eurasienne.
Le
succès médiatique des emprunts de
Huntington ou de Brzezinski comparé au
silence pesant qui entoure en Occident
des théoriciens comme Thiriart
s'explique par le monopole médiatique
américain. A l'antique
"ex Oriente lux" a visiblement
succédé un
"Ex America lux".
LES THESES GEOPOLITIQUES DE MACKINDER,
SPYKMAN ET THIRIART
La
géopolitique, science née en
Allemagne à la fin du XIXeme siècle,
doit beaucoup aux concepts de Mackinder
et de Spykman.
L'amiral britannique
H.J. Mackinder (1861-1947), qui fut
professeur de géographie à
Oxford puis à la
London School of Economics and Political
Science, est le fondateur de la
géopolitique classique, celle qui
oppose la terre et la mer. Il
est connu notamment pour être l'auteur
de la théorie selon laquelle il
existerait au début du XXème siècle un
"pivot géographique du monde",
le cœur du monde (heartland)
protégé par des obstacles naturels (le
croissant intérieur,
inner crescent, composé de la
Sibérie, du désert de Gobi, du Tibet, de
l'Himalaya) et entouré par les océans et
les terres littorales (coastlands).
Ce
cœur du monde, c'est la Russie, la
Russie qui est inaccessible à la
puissance maritime qu'est la
Grande-Bretagne. C'est pourquoi le cœur
du monde doit être encerclé par les
alliés terrestres de la Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne doit contrôler les
mers mais également les terres
littorales qui encerclent la Russie,
c'est à dire l'Europe de l'Ouest, le
Moyen-Orient, l'Asie du sud et de l'Est.
La Grande-Bretagne elle-même, avec les
Etats-Unis et le Japon, constituent le
dernier cercle qui entoure le cœur du
monde.
Selon Mackinder
ce qu'il faut absolument éviter c'est
l'union de la Russie et de l'Allemagne,
un concept que Thiriart modernisera en
"Empire euro-soviétique", la
constitution de ce que Mackinder appelle
l'île mondiale (world
island), un puissant Etat ayant
d'immenses ressources et de vastes
étendues terrestres, ce qui permettrait
à la fois d'avoir de grandes capacités
territoriales de défense et de
construire une flotte qui mettrait en
péril l'Empire britannique.
Dès
la fin du XIXeme siècle, l'école
géopolitique américaine, dont les
têtes de file sont Mahan et Spykman,
entendra substituer les Etats-Unis à la
Grande-Bretagne en tant que puissance
maritime hégémonique.
Disciple critique de Mahan,
Nicholas J. Spykman est son
continuateur en même temps que le
continuateur partiel et dissident de
Mackinder. Comme le Britannique
Mackinder, N.J. Spykman pense que le
monde a un pivot. Mais ce pivot du monde
n'est pas le heartland de Mackinder, la
Russie. Le pivot du monde est composé
des terres littorales (les
coastlands de Mackinder) qu'il
appelle le bord des terres, l'anneau des
terres (rimland),
ces terres constituant un anneau tampon
entre le cœur, qui est soit la Russie
soit l'Allemagne, et la puissance
maritime britannique. Ces
Etats tampons furent, par
exemple, la Perse et l'Afghanistan
utilisés par l'Angleterre contre la
Russie entre le XIXème et le XXème
siècle, comme la France fut utilisée
contre l'Allemagne entre la deuxième
moitié du XIXème siècle et la deuxième
guerre mondiale.
Après la victoire sur l'Allemagne -
Spykman écrit avant 1943 - il faut donc
contrôler ces Etats tampons qui
constituent le rimland, le pivot, si
l'on veut contrôler le cœur du monde.
Cette nécessité conduira à la mise en
place d'une politique d'endiguement (containment)
de la Russie soviétique, l'Europe de
l'Ouest et la Turquie servant d'Etats
tampons pour les Etats-Unis.
Fondateur de l'"Ecole
euro-soviétique" au début des Années
80,
Jean THIRIART développe le thème de
la
dimension vitale des Etats nécessaire
pour garantir leur indépendance
et qui
requiert à l'époque moderne la taille
des états continentaux.
Théoricien de l'Etat
unitaire paneuropéen, THIRIART
étudie les causes de l'échec de l'Union
Soviétique, qu'il pressent dès 1980 et
dont il stigmatise le fédéralisme. Face
à la superpuissance américaine, il
plaide pour la fusion de la Russie (sur
ses frontières sibériennes en Orient)
avec l'Europe occidentale dans le cadre
d'un Empire unitaire allant de Reykjavik
à Vladivostok et du Groenland au Sahara.
Géopoliticien de l'Empire européen, Jean
THIRIART axe ses réflexions sur
l'intégration de la Russie et de
l'Europe occidentale dans un Etat
continental eurasien unitaire.
1.
THIRIART insiste sur le fait
capital que tous les états issus de
l'implosion de l'URSS, sans aucune
exception, doivent faire partie de
l'Europe. Les frontières orientales,
caucasiennes et sibériennes, de l'URSS
devront demain être celles de la
Grande-Europe.
2.
THIRIART développe sa thèse sur
la construction de l'Europe contre les
Etats-Unis et son bras armé de l'OTAN.
L'Europe unitaire se fera dans le cadre
d'une guerre de libération nationale
contre l'occupant américain et ses
collaborateurs "européens".
3.
THIRIART insiste sur la nécessité
de l'organisation économique de l'Europe
sur une base autarcique, reprenant les
théories de Friedrich LIST.
4.
THIRIART dénonce les vues
limitées des politiciens européens, qui
à la suite du général de Gaulle,
envisagent une Europe tronquée jusqu'à
l'Oural. L'Empire européen devra inclure
la Sibérie et l'extrême-orient
ex-soviétique.
5.
THIRIART s'en prend aux
conceptions de l'Europe basées sur la
religion ou des théories
pseudo-racistes. Ce sont les impératifs
de la Géopolitique et de la Géoéconomie
qui déterminent les dimensions de la
Grande-Europe et par-là les populations
qu'elle unifiera dans un Etat unitaire.
Pour lui, par exemple, la Turquie c'est
aussi l'Europe. Il insiste à ce sujet
sur l'exogamie au sein de peuple
européen.
6.
THIRIART qui conçoit l'Empire
européen comme une nouvelle Rome, la
quatrième Rome qui fait écho au
concept messianique russe de la
"troisième Rome" (Moscou après
Rome et Byzanze), expose la nécessité de
faire de la Méditerranée un Lac
européen, une nouvelle
"Mare nostrum". Dans sa conception
géopolitique de l'Europe unifiée, les
deux rives de la Méditerranée, avec
leurs populations, font partie de
l'Europe, dont les frontières sud sont
sur le Sahara.
LES FONDEMENTS
GEOPOLITIQUES DE LA PUISSANCE AMERICAINE
Brzezinski s'inspire directement de ses
théories pour définir les conditions de
la puissance américaine au XXIeme
siècle, la maintenir dans son rôle
hégémonique de garants du
"Nouvel Ordre Mondial" et
pérenniser la sujétion de l'Europe
occidentale.
Pour
maintenir leur leadership, qui n'est
rien d'autre que la
domination mondiale annoncée par
Burnham, les USA doivent avant tout
maîtriser le
"grand échiquier" que représente
l'Eurasie, où se joue l'avenir du monde.
Cette maîtrise repose sur la sujétion de
l'Europe occidentale, étroitement liée
aux USA dans un ensemble
politico-économique occidental, la
communauté atlantique cadenassée par
l'OTAN. Thiriart parlait de l'OTAN non
comme d'un bouclier mais d'un harnais
pour l'Europe.
Elle
repose aussi sur l'isolement de la
Russie qu'il faut affaiblir
irrémédiablement et démembrer.
Le
danger mortel pour les USA, puissance
extra-européenne à l'origine de par sa
situation même, serait d'être expulsée
d'Europe occidentale, sa tête de pont en
Europe. Dans cet objectif, tout
rapprochement de l'Europe et de la
Russie, toute union eurasienne, sans
même parler de fusion comme l'évoquait
Thiriart, doit être empêchée par tous
les moyens.
Zbigniew Brzezinski écrit :
"L'Europe est la tête de pont
géostratégique fondamentale de
l'Amérique. Pour l'Amérique, les enjeux
géostratégiques sur le continent
eurasien sont énormes. Plus précieuse
encore que la relation avec l'archipel
japonais, l'Alliance atlantique lui
permet d'exercer une influence politique
et d'avoir un poids militaire
directement sur le continent. Au point
où nous en sommes des relations
américano-européennes, les nations
européennes alliées dépendent des
Etats-Unis pour leur sécurité. Si
l'Europe s'élargissait, cela accroîtrait
automatiquement l'influence directe des
Etats-Unis. A l'inverse, si les liens
transatlantiques se distendaient, c'en
serait finit de la primauté de
l'Amérique en Eurasie."
DIVISER POUR REGNER :
LA "KLEINSTAATEREI"
Nous
avons déjà évoqué le rôle de Henry
Kissinger comme "Richelieu américain".
Ce n'est nullement une figure de
rhétorique. Le
Cardinal de Richelieu est le Premier
ministre de la France au moment où la
Guerre de trente ans ravage la
Mittel Europa. Son but est d'assurer à
la France des Bourbons la domination en
Europe en neutralisant l'Allemagne et
l'Empire des Habsbourg, tant en Espagne
qu'en Allemagne. Menant une politique
cynique et opportuniste, Richelieu
transforme une guerre de religion entre
protestants et catholique en un grand
embrasement dont la France sort
victorieuse lors du
Traité de Westphalie (1648). Sous
prétexte de préserver les
"libertés germaniques", la
France impose le démembrement du Reich
germanique en plusieurs centaines de
micro-états non viables. La France, état
unitaire, a ainsi assuré sa prédominance
en Europe jusqu'au début du XIXeme
siècle. L'historien allemand
Frédéric Grimm évoque à ce propos
dans son livre
"Le testament de Richelieu" de
concept de
"kleinstaaterei".
La
leçon n'a pas été perdue pour les
Etats-Unis. Aujourd'hui, sous prétexte
de préserver les droits des peuples -
les nouvelles "libertés européennes" -,
Washington impose la
"kleinstaaterei"
en Europe, dans les Balkans, le Caucase
et en Russie même.
Depuis 1943, les Etats-Unis théorisent
et favorisent le démembrement et la
fragmentation des grands états. En 1945,
Morgenthau, conseiller de Roosevelt,
prône le morcellement de l'Allemagne et
sa désindustrialisation. La partition de
fait en résulte. On ignore souvent que
Staline était opposé à la division
de l'Allemagne et proposa jusqu'en 1948
une Allemagne unifiée et neutre.
Ici
la géopolitique se rapproche du
courant "réaliste" des relations
internationales, dont un des
fondateurs le plus célèbre est Hans J.
Morgenthau, dont elle partage nombre de
postulats
Depuis 1989, les Etats-Unis multiplient
leur soutien à l'éclatement des Etats
dans les Balkans et en Europe orientale.
L'éclatement de l'Union soviétique et de
la seconde Yougoslavie en résulte
directement. Une nouvelle étape voit
aujourd'hui le démembrement de la
troisième Yougoslavie née en 1991. Et
Brzezinski vise enfin au démembrement
non seulement de la Fédération de Russie
mais aussi de la Russie historique
elle-même en trois entités.
Et
c'est là qu'intervient Huntington, dont
le rôle est de fournir des
justifications historiques à cette
politique. Comparer la vision
géopolitique de l'Europe de Brzezinski à
la théorie des
aires de civilisation de
Huntington est à ce sujet éclairant.
Il
convient ici de dresser un autre
parallèle : celui des théses de la
géopolitique nazie - dont le principal
théoricien fut
Alfred Rosenberg, l'auteur du
"Mythe du XXeme Siècle" - avec les
projets des Etats-Unis en Europe. Le
même plan est appliqué que ce soit dans
les Balkans ou contre la Russie. Et les
alliés privilégiés actuels de Washington
étaient ceux du IIIeme Reich entre 1935
et 1944.
ROME OU CARTHAGE ?
On
parle souvent d'"Empire
américain". Vous aurez remarqué
que je répugne à employer ce terme.
Parce que l'idée
impériale n'a pas grand chose à
voir avec l'impérialisme mercantile et
exploiteur de Washington, à propos
duquel le terme de
néo-colonialisme est plus
approprié.
La
géopolitique distingue clairement et
oppose
puissance maritime et
puissance terrestre. L'exemple le
plus accompli en furent les guerres
puniques qui opposèrent la Rome
terrestre à Carthage, puissance des
mers. Aujourd'hui, les Etats-Unis,
puissance maritime, sont une nouvelle
Carthage accomplie : même consumérisme,
même valeurs marchandes, même horizon
limité, même exploitation des colonies,
même oligarchie ploutocratique aux
commandes.
La
puissance continentale est encore à
venir. C'est contre elle qu'agissent les
théoriciens de l'impérialisme américain.
Le
choc de Rome contre Carthage est aussi
celui de deux idéologies, de deux
Weltanschauung. Hier comme
aujourd'hui.
Du
côté des Etats-Unis et des atlantistes
existe une large école ploutocratique
pour qui l'Europe doit être un des
moyens du renforcement du capitalisme et
de la Mecque de celui-ci qui se situe
aux Etats-Unis. Ce sont les fameuses
théories du « second pilier », qui
voient notamment dans une organisation
européenne de défense un pilier européen
rénové de l’OTAN. Il existe une autre
école, celle de Jean Thiriart ou des
eurasistes russes, pour laquelle
l'Eurasie se fera inexorablement contre
les Etats-Unis, pour qui il est
impératif qu'elle se fasse contre
Washington. Si Thiriart veut détruire
politiquement les Etats-Unis, c'est
parce qu'il leur oppose une vision du
monde qui se situe aux antipodes de
l'économisme consumériste prôné par
Washington. L'Empire européen est pour
lui avant tout une esthétique de
l'homme, une solution et une alternative
à proposer à toute l'Humanité.
QUELLE REPONSE POUR
LES PEUPLES ?
Depuis plus d'un siècle, Washington se
heurte à la cause des peuples qui ne
veulent pas d'une
destinée manifeste imposée
contre leur culture et leur liberté.
Face à l'anti-civilisation des
"chiens heureux" qui pointe à
l'horizon lointain de l'impérialisme
yankee, la réponse des peuples est une
nécessité brûlante.
Parce que les Etats-Unis règnent en
divisant, elle implique l'unité et la
solidarité des peuples.
Cette problématique de l'unité des
peuples face à l'impérialisme n'est pas
nouvelle. En 1967, à La Havane, Castro
lançait en compagnie de la Chine de Mao
Zedong et contre l'avis de Moscou la
"tricontinentale". Cette fameuse
"Tricontinentale" dont on rêvait à Hanoi
où à la Havane vers 1967, a échoué. Elle
n'a pas eu et n'aura jamais la force de
venir à bout de la puissance américaine,
même si hier la victoire du peuple
vietnamien a permis de contester
celle-ci.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut une
alliance quadricontinentale contre
l'impérialisme. La seule Europe
occidentale détient aujourd'hui, comme
il y trois décennies, des moyens de
puissances cinquante fois supérieurs à
la "tricontinentale"
(Asie/Afrique/Amérique latine). L'erreur
commise hier à Cuba, à Alger, ou à
Hanoi, a été de n'avoir voulu introduire
la révolution que dans les pays pauvres,
de ne pas avoir vu qu'il fallait
introduire l'action révolutionnaire dans
la colonie la plus riche des Etats-Unis,
l'Europe. Le dogmatisme qui inspirait
hier les capitales anti-américaines au
nom d'une solution idéale les a conduit
à l'immobilisme.
La
puissance industrielle américaine,
renforcée de la puissance industrielle
européenne, fait de celle-ci une
super-puissance mondiale. C'est cette
alliance des deux industries mondiales
les plus avancées qui a contraint à la
capitulation complète, économique et
militaire, une URSS débile et asphyxiée.
L'URSS est aujourd'hui disparue, le
mythe communiste est usé, l'URSS a été
battue à plat de couture sur le terrain
de l'économie pure par le
néo-capitalisme américain renforcé de sa
colonie européenne.
La
victoire finale contre les USA ne pourra
être remportée qu’en Europe. Le rôle de
l'Europe dans la lutte contre les
Etats-Unis est le rôle primordial, le
rôle capital. Pour déséquilibrer le
colosse américain, il faut lui faire
perdre son terrain d'action européen.
Au
nom de la géopolitique, de la
géostratégie et de la géo-économie,
indissolublement liées, Brzenzinski ne
nous dit pas autre chose. Le sort de la
superpuissance yankee se joue ici en
europe. Et l'unité entre l'Europe et la
Russie est le péril qui lui donne le
plus d'angoisses.
Au
nom de l'histoire et d'une vision
occidentale de la civilisation et de la
culture, Huntington veut nous imposer
des
"guerres de civilisations". Et si le
choc des civilisations était celui qu'il
n'attend pas - ou plutôt ne veut pas
attendre - celui de l'Humanisme européen
- qui implique le respect de toutes les
cultures - et de l'anti-civilisation
yankee, le
Mc World ...
A L'HORIZON DU XXIe SIECLE :
L'ANTI-CIVILISATION DES "CHIENS HEUREUX"
OU L'"ETAT UNIVERSEL"
Huntington confond la langue avec la
culture, les institutions imposées en
Europe depuis 1918 par la force des
armes et encore plus celle du dollar
avec le choix des peuples, le
conformisme social et le consumérisme
imposé médiatiquement avec la
civilisation.
Depuis quatre siècles, les Etats-Unis
sont une anti-Europe, une machine à
récupérer les idées de l'Europe et les
retourner comme armes contre elle.
Comme Huntington, comme Brzenzinski,
James Burnham dans son livre sur
"la domination mondiale" a
récupéré une idée née en Europe.
En
1932,
Ernst Junger publiait son essai
retentissant et souvent mal compris sur
"le travailleur" -
Der Arbeiter -, où il prophétisait
l'affrontement final de gigantesques
Etats impériaux pour la domination
mondiale et le triomphe de visions du
monde antithétiques. Une vision précisée
par Junger dans
"L'Etat universel" publié en 1946.
Les
thèses de Jean Thiriart sur l'"Etat
géo-idéologique", stade avancé de
l'Etat continental géopolitique mettant
en oeuvre sa vision du monde, et
publiées dès 1965, s'inscrivent dans la
perspective ouverte par Junger.
Fukuyama avec son horizon planétaire
uniformisé de
"chiens heureux" aussi. Hélas !
Le
choix sera bien celui là. Où le
cauchemar américain imposant aux masses
abruties l'illusion du bonheur
consumériste. Où l'Humanisme européen,
né en Grèce il y a 2.500 ans, et offrant
aux peuples un destin. Le choc bien réel
de l'anti-civilisation yankee - le Mc
World - et des cultures.
Les
théoriciens de l'impérialisme américain
dans leur arrogance nous avertissent des
enjeux qui se jouent. L'avenir n'est
heureusement jamais écrit dans les
livres mais dans le combat des peuples.
On semble l'ignorer à Washington ou à
Wall-street. Puissions-nous ne jamais
l'oublier !
Luc
MICHEL,
Président du PCN.
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