Opinion
La Syrie accepte
le plan de la Ligue arabe : et les
bandes armées ?
Louis
Denghien
Au fait,
la Ligue arabe croit-elle vraiment à son
plan ?
Jeudi 3 novembre
2011
La Syrie accepte « sans
réserves » le plan de la Ligue
arabe de sortie de crise. L’annonce en a
donc été faite mercredi 2 novembre au
Caire par le représentant permanent
syrien auprès de la Ligue Youssef Ahmed,
devant les ministres des Affaires
étrangères arabes. M. Ahmed a exprimé le
souhait que ce plan arabe marque le
début d’une « coopération
continue et transparente » avec les
autres Etats, dans le but de maintenir
« la stabilité et
l’unité de la Syrie« . le
représentant de Damas a ajouté que ses
collègues arabes ont réalisé « que
le bien pour la Syrie profitera à tous
les Arabes, de même que le mal pour elle
les affectera tous« .
C’est certain. Youssef Ahmed,
toutefois, a égratigné au passage « certaines
parties étrangères (…)
qui prétendent
défendre les droits de l’homme dans un
lieu et les ignorent dans un autre »
et « laissent
l’occupant israélien commettre les
crimes les plus abominables de
l’Histoire contre le peuple palestinien,
le peuple syrien au Golan occupé et le
peuple libanais au sud du Liban. »
Une allusion qui nous semble
assez transparente à certains Etats
arabes sous influence américaine (nos
lecteurs les auront reconnu d’eux-mêmes).
Cette pique n’a pas empêché les
participants à la conférence du Caire de
se féliciter de la décision syrienne, à
commencer par le Premier ministre qatari
cheikh Hamad ben Jassem al-Thani qui a
déclaré que le président Bachar al-Assad
avait clarifié tous les problèmes lors
de leur rencontre récente à Damas (voir
notre article « Le
Qatar, le Golfe et la Ligue arabe
parlent à Bachar« , mis en ligne le
27 octobre).
Et les représentants des divers Etats
arabes, même les plus « distants »
d’avec la Syrie, y sont allés de leurs
félicitations. Citons le ministre
jordanien des Affaires étrangères,
Nasser Joué, selon lesquels la Syrie est
« la pierre
angulaire » du monde arabe, et son
homologue bahreini cheikh Khaled ben
Ahmed al Khalifa : « Nous
voulons que la Syrie reste le centre de
l’arabisme comme elle l’a toujours été« .
Tandis que le secrétaire général de la
Ligue, Nabil al-Arabi, est allé jusqu’à
qualifier l »acceptation du
gouvernement syrien d’ »exploit
qui mérite de vifs remerciements et des
félicitations« .
Cette pluie de fleurs diplomatiques
est à la mesure de la satisfaction des
hommes de la Ligue d’avoir amené le
gouvernement syrien là où ils voulaient
qu’il vienne. Et cet unanimisme
euphorique, de la part de diplomates qui
ont plutôt hurlé avec les loups
euro-américains ces derniers temps, a
forcément quelque chose d’artificiel et
de suspect…
Youssef
Ahmed, représentant syrien au Caire :
quelques allusions à certaine duplicité
arabe
Les tueurs avaliseront-ils
l’accord du Caire ?
Il n’empêche : Damas a accepté, sans
autres réserves, le plan de la Ligue
arabe. Qui s’articule sur les points
suivants :
- Arrêt de tout
acte de violence émanant de quelque
côté que ce soit, afin de protéger
les citoyens syriens ;
- Libération des
personnes arrêtées au cours des
événements ;
- Evacuation des
villes et quartiers résidentiels par
les militaires ;
- Autorisation
pour les diverses organisations
liées à la Ligue arabe, mais aussi
pour les médias arabes et
internationaux de se déplacer
librement dans tous les gouvernorats
syriens.
Ces revendications sont en grande
partie celles de l’opposition radicale.
Qui va se trouver très vite au
pied du mur, car la balle est en
principe désormais dans son camp pour
mettre fin aux violences perpétrées
quasi-quotidiennement par les groupes
armés, non seulement contre les forces
de l’ordre, mais contre les civils mal
pensants voire « mal croyants ».
Et d’ailleurs, en cette même journée
du mercredi 2 novembre, les violences
ont continué en Syrie, l’OSDH faisant
état d’un « massacre » à Homs,
avec une vingtaine de victimes au cours
de deux attaques dont les auteurs,
reconnait l’organisme de Rami Abdel
Rahmane, « n’ont pas été
identifiés ». Parmi ces victimes,
une dizaine d’ouvriers forcés de
descendre de leur car par des hommes
armés qui les ont ensuite exécutés. Et
onze habitants du village de Houl, dans
la région de Homs, eux aussi victimes
d’hommes armés non identifiés. Un « activiste »
affirme que ces villageois ont été pour
certains décapités : des
méthodes qui « sentent » le radicalisme
salafiste, qui a déjà signé ainsi
certaines de ses actions en Syrie. L’Associated
Press, de son côté, reconnait que
l’ »origine de ces dernières
attaques n’a pas été déterminée »
mais indique que dans cette ville, les
« tensions religieuses et
communautaires » sont « exacerbées« .
Une manière oblique de reconnaître que
l’armée n’est pas responsable de ces
morts-là.
La balle dans le camp de ou
plutôt des oppositions
L’armée qui aurait engagé des
effectifs importants mercredi à
Homs, ville qui vit, pour le quart
d’heure, à l’heure des meurtres et
des menaces des terroristes ( voir
notre article « Homs,
octobre 2011 : peur sur la ville« ,
mis en ligne le 2 novembre).
Gageons que le peuple syrien n’en a
pas fini avec ces « tueurs non
identifiés« , le CNS syrien
n’ayant certainement aucune autorité
sur les apprenti-djihadistes qui
« travaillent » pour leur compte,
avec une frontière souvent floue
certainement entre l’idéalisme
islamiste et le banditisme pur.
On devrait s’apercevoir très
vite qu’il n’y a pas une opposition,
mais plusieurs, le camp radical
étant lui-même divisé entre les
Frères musulmans affectant de jouer
le jeu politique et démocratique, et
combattants salafistes n’obéissant
qu’à leurs chefs de gangs.
Il est d’ailleurs fort possible que
le gouvernement syrien ait voulu, en
acceptant formellement le plan, en
démontrer la non-viabilité absolue,
compte tenu de la situation prévalant
effectivement sur le terrain. Nous avons
déjà exprimé notre scepticisme vis-à-vis
de ce plan de la ligue arabe (voir
notre article « Rencontre
de Doha : un plan pour amuser la galerie« ,
mis en ligne le 31 octobre), qui
nous parait inapplicable, et sur le
terrain, dans les quartiers et les
campagnes de Syrie, et autour des tables
rondes du Caire ou d’ailleurs,
l’opposition CNS présentant des
exigences maximalistes telles que le
renversement pur et simple du régime.
Jeudi 3 novembre, deux « civils »
de Homs, prétendent des « activistes
locaux« , auraient été tués par des
tirs de blindés à Homs. Avec les
militaires ou policiers qui ne devraient
pas tarder, hélas, à faire les frais de
l’intransigeance des radicaux armés, ce
seraient donc les premières victimes
« post-accord ». Il nous paraît
malheureusement impossible que ce soient
les dernières.
Publié le 4 novembre
2011 avec l'aimable autorisation d'Info
Syrie
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|