Syrie
Lavrov : «
L'accord de Genève n'exige pas le départ
de Bachar » !
Louis
Denghien
Hillary
Clinton et Sergueï Lavrov à
Saint-Petersbourg le 29 juin : la Russie
est bien devenue,
à la faveur de la crise syrienne, le
"mâle dominant" de la diplomatie
internationale
Dimanche 1er
juillet 2012
Le document signé samedi 30
juin à Genève n’impose rien ni personne
au peuple syrien, il ne pose aucune
condition politique préalable au
processus de dialogue national, et
n’exclue personne de ce processus. Par
ailleurs, la Russie et la Chine
s’opposeront à tout recours au chapitre
7 de la Charte des Nations-Unies, encore
évoqué à Genève par les Occidentaux, et
qui prévoit, dans les cas diplomatiques
« limite », le recours à la force.
Voilà résumée
l’interprétation de l’accord faite, au
cours d’une conférence de presse tenue
samedi soir, par Sergueï Lavrov, chef de
la diplomatie russe et véritable «
meneur de jeu » des débats à Genève.
Naturellement, la Chine ne se démarque
pas de ses alliés Russes : pour le
ministre chinois des Affaires étrangères
Yang Jiechi, le plan de transition
présenté par Annan et approuvé le 30
juin par le Groupe d’action sur la Syrie
« ne peut
être que dirigé par les Syriens et doit
être acceptable par toutes les parties
importantes en Syrie. Des personnes
extérieures ne peuvent pas prendre des
décisions pour le peuple syrien« .
Hillary,
Kofi, Sergueï et Bachar
S’il est une «
partie
importante » dan le conflit syrien,
c’est bien Bachar al-Assad. Hier, Kofi
Annan, interrogé sur son sort dans le
cadre du processus de transition, s’est
tenu dans un prudent flou diplomatique :
l’avenir du président «
sera
l’affaire » des différents
participants au dialogue. Certes, Annan
a montré le bout de son nez, et de quel
côté il penchait, en se fendant d’une
petite phrase : «
Je doute
que les Syriens choisissent des gens
ayant du sang sur les mains pour les
diriger« .
Hillary Clinton a été moins
« prudente » : «
Assad doit
partir » a-t-elle encore déclaré,
dans une nouvelle tentative de faire
passer un accord international quasiment
dicté, dans ses termes comme dans ses
conclusions, par la Russie, comme un
succès des États-Unis et de leurs
suiveurs européens.
Mais là encore,
l’impitoyable Sergueï a bien mis les
points sur le « i » :
« Le
document (signé à Genève) n’exige pas la
démission de Bachar al-Assad.
La version initiale du texte contenait
une clause impliquant le départ des
personnes qui « empêchaient la paix ».
Cela est contraire à l’inclusivité (le
principe de non exclusion)
du processus politique en Syrie, ainsi
qu’aux normes de la Charte des
Nations-Unies sur la non-ingérence dans
les affaires intérieures des États
souverains. Cela n’est pas mentionné
dans le document adopté aujourd’hui qui
stipule que ce sont les Syriens qui
doivent décider du sort de leur pays
». C’est clair, net, précis, au point
qu’on se demande ce que peuvent encore
raisonnablement espérer Hillary C. et
ses petites mains Hague et Fabius, sinon
sauver ce qui leur reste de face…
Le CNS au
pied du mur
Bref, quoi que proclame
Hillary, et quoi qu’insinue Koffi,
Bachar n’est pas près de partir : son
départ n’a pas été évoqué à Genève, et
il sera une « partie plus qu’importante
» dans le processus de dialogue
national. À supposer que ce dialogue
s’engage. Car désormais, la balle est
dans le camp des opposants, et le CNS,
embourbé dans son jusqu’au boutisme,
risque de ne pas être très à l’aise dans
les semaines qui vont suivre.
Soit il s’assoit
enfin, cédant aux pressions ses «
employeurs » occidentaux, turcs et
arabes, à la table des négociations, et
ce faisant il se coupe de radicaux
islamistes et des groupes armés
; soit, comme c’est plus prévisible, il
trouve tous les prétextes pour persister
dans son option révolutionnaire, et il
va devenir embarrassant pour les
Occidentaux et la Ligue arabe et, au
minimum, il sortira sans bruit du jeu
diplomatique, devenant un de ces
gouvernements en exil perpétuel comme
l’Histoire en a déjà connus, condamné à
la sclérose et au rabougrissement.
On y verra bientôt plus
clair de ce côté-là : une réunion d’une
kyrielle de groupes d’opposition
syriens, non CNS, doit bientôt se tenir
au Caire sous l’égide de la Ligue arabe,
afin de définir une plate-forme commune
avec le CNS justement, lequel a beaucoup
renâclé à ce premier «
dialogue
national » avec d’autres opposants.
Cela nous promet des échanges
intéressants, et certainement des
claquement de porte.
Réquisitoire de Lavrov contre les
groupes armés
On approche donc de l’heure
de vérité pour ce nid de vipères qu’on
appelle l’opposition radicale syrienne.
Justement, dans sa conférence de presse
conclusive, Sergueï Lavrov a eu des mots
bien sentis : «
Nous avons
ce qu’il faut comme preuves que les
groupes armés et ceux qui les financent
ne respectent pas leurs engagements
(vis-à-vis du plan Annan)
et se
comportent d’une manière telle qu’on ne
peut assurer un contexte de sécurité, et
par là même (ces groupes) forcent le
gouvernement et les forces syriennes à
riposter« .
Et Lavrov, décidément très
inspiré par le sujet (fondamental, il
est vrai) d’ajouter : «
Certains
groupes armés et les milieux qui les
parrainent exercent des provocations
dans le but de semer la violence, et il
y a à cet égard des faits connus des
médias, y compris occidentaux et
américains, qui sont arrivés dans
plusieurs villes et villages, il y a des
attaques contre les bâtiments et les
institutions publics et privés, et
contre les forces de l »ordre« ,
ajoutant que nombre de ces agressions
avaient un arrière-plan confessionnel.
Et il a évidemment pointé le fait que
ces gags recevaient, dans l’illégalité
internationale la plus complète, des
armes, ce qui de fait les encourageait à
persévérer dans leurs pratiques
sanglantes. Un certain
nombre d’oreilles qataries , séoudiennes
et turques (arrêtons-nous là) ont dû
siffler.…
Le chef de la diplomatie
russe a donné du reste un exemple de ces
méfaits des bandes radicales relié à
l’actualité en cours : il a en effet
accusé l’ASL d’entraver à Homs les
tentatives du CICR d Ȏvacuer des
centaines de civils coincés dans des
quartiers encore tenus par les insurgés
Où l’on constate – une
énième fois – que le analyses de la
Russie coïncident assez largement avec
celles de la Syrie légale et réelle. La
plupart des participants à la réunion de
Genève devraient se retrouver bientôt à
New York afin d’appuyer au Conseil de
sécurité le plan adopté le 30 juin. Une
formalité là encore, et le fait que ce
soient les Américains qui aient demandé
cette convocation n’empêchera pas que ce
sont les Russes qui décideront du
contenu de la résolution qui sera alors
discutée.
Si la
Syrie doit globalement une fière
chandelle à la Russie, la Russie, elle,
doit à la Syrie d’avoir confirmé son
statut de « supergrand », de retour pour
de bon sur la scène internationale, pour
le plus grand déplaisir de l’empire
atlantiste.
Publié le 2 juillet
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
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