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Article primé par Project Censored
États-Unis: les
lobbyistes ont acheté le Congrès
Lindsay Renick Mayer
Jeudi 18 novembre 2010
Si d’un point de vue démocratique, le Congrès des Etats-Unis est
l’institution la plus corrompue du monde, il n’en est rien au
plan pénal. C’est en toute légalité que des groupes d’intérêt
ont dépensé 32 523 dollars par jour de session et par
parlementaire pour acheter leurs votes. Ce qui ailleurs est jugé
comme une activité criminelle est admis comme un simple business
dans un pays qui refuse la notion d’intérêt général et fonde la
représentativité parlementaire sur des coalitions d’intérêts
particuliers.
Les « intérêts spéciaux » [1]
ont versé plus de 3,2 milliards de dollars aux lobbyistes de
Washington en 2008, plus que pour toute autre année ayant fait
l’objet d’études, informe une ONG, le Center for Responsive
Politics. [2]
Ce chiffre représente une augmentation record de 13,7 % par
rapport à 2007, où l’on avait déjà dépensé 7,7 % de plus qu’en
2006.
Le Centre calcule que les groupes d’intérêt ont dépensé en
lobbying 17,4 millions de dollars par jour de travail
parlementaire en 2008, soit en moyenne 32 523 dollars par jour
et par législateur.
Sheila Krumholz, directrice du Centre, indique : « Le
gouvernement fédéral distribue des milliards chaque jour ; cela
représente un travail sûr pour les agents capables de décrocher
une part du gâteau au profit des grandes sociétés et des
secteurs d’activité. »
Les groupes d’intérêt des industries de la santé ont dépensé
plus que tout autre secteur économique en lobbying fédéral.
L’« investissement » de 478,5 millions de dollars leur vaut la
palme pour la troisième année consécutive. Ils dépassent le
secteur financier (avec compagnies d’assurances et immobilier),
qui a déboursé 453,5 millions dans les activités de lobbying.
L’industrie des produits pharmaceutiques/santé a déboursé
230,9 millions de dollars, portant son total pour les onze
dernières années à plus de 1,6 milliard. Elle est suivie, pour
2008, par le secteur très rentable des installations
électriques, avec 156,7 millions ; puis les assurances, avec
153,2 millions, et enfin le pétrole et le gaz, avec 133,2
millions. Les groupes pro-israéliens, les entreprises de
transformation d’aliments et l’industrie du pétrole et du gaz
sont les secteurs qui ont le plus augmenté leur contribution au
lobbying en 2008, en pourcentage par rapport à l’année
précédente.
Le secteur financier, celui des assurances et les compagnies
immobilières ont joué des coudes pour obtenir du Congrès une
bonne part du paquet d’aide d’urgence de 700 milliards, approuvé
fin 2008. La plupart des sociétés ayant réduit leur contribution
au lobbying sont celles qui ont déposé leur bilan ou dont le
contrôle est passé entre les mains du gouvernement fédéral,
mettant un terme à leurs activités de lobbying.
« Bien que certains intérêts financiers, de compagnies
d’assurances et de biens immobiliers, se soient retirés l’an
dernier, ils ont encore distribué plus de 450 millions de
dollars pour influencer les politiques de marché.
Cet argent peut acheter une bonne dose d’influence, c’est une
fraction de ce que récolte en échange le secteur financier avec
le programme gouvernemental d’aide d’urgence », fait remarquer
Krumholz.
Les associations liées aux marchés financier et immobilier,
ainsi que les regroupements de propriétaires immobiliers
figurent parmi les organisations ayant le plus augmenté leurs
dépenses de lobbying en 2008 : l’Association nationale des
agents immobiliers de 25%, passant de 13,9 à 17,3 millions,
l’Association américaine des banquiers quant à elle déboursé 9,1
millions de dollars en 2008, soit 47 % de plus qu’en 2007.
Parmi les autres groupes industriels ayant davantage fait
circuler les pots de vin en 2008 figurent : le Conseil privé de
l’équité ; l’Association des banquiers hypothécaires des
États-Unis et la Table ronde des services financiers.
La Chambre de commerce des États-Unis reste le premier
investisseur en lobbying pour l’année 2008, avec près de 92
millions, soit plus de 350 000 dollars par jour ouvrable, et une
augmentation de 73 % par rapport à 2007. Les associations
patronales dans leur ensemble ont augmenté leurs dépenses de
lobbying de 47 % entre 2007 et 2008.
Certaines industries semblent avoir opéré des coupes sombres
dans ce genre de dépenses, mais n’ont pas pour autant totalement
renoncé à ces pratiques. La contribution des compagnies
automobiles a diminué de 7,6 %, passant de 70,9 à 65,5 millions
de dollars, un net changement par rapport aux années précédentes
puisque les fabricants et distributeurs d’automobiles avaient
augmenté ce type de dépenses de 21 % entre 2006 et 2007. Entre
2007 et 2008, l’Alliance des fabricants d’automobiles, qui avec
les « trois grands de Détroit » (General Motors, Ford et
Chrysler) a été auditionné par le Congrès pour demander de
l’aide ; a rabaissé ses frais de lobbying de 43 %, soit un total
passant de 12,8 à 7,3 millions de dollars. Seul Ford a
légèrement accru ses dépenses, mais seulement de 8 % (de 7,1 à
7,7 millions).
Parmi les entreprises de lobby basées à Washington, Patton
Boggs a fait état des revenus, en lobbying déclaré, les plus
élevés pour la cinquième année consécutive : 41,9 millions de
dollars, ce qui représente une augmentation de plus de 20 % par
rapport à 2006. Parmi les clients les plus généreux de
l’entreprise figurent Cerberus Capital Management, le fabricant
de sucreries et d’aliments pour animaux Mars, le groupe de
communications Verizon, les groupes pharmaceutiques
Bristol-Myers Squibb et Roche, ainsi que l’Association
américaine pour la justice (auparavant connue sous le nom
d’Association des avocats plaideurs des Etats-Unis).
Mise à jour de Lindsay Renick Mayer (de Open
Secrets.org)
On dirait une petite annonce : « Licencié et en quête
d’emploi ? L’industrie du lobby a besoin de vous ! » Depuis que
nous avons publié cet article sur OpenSecrets.org en janvier
2008, l’industrie du lobbying n’a cessé de croître, alors même
que les autres entraient en récession, condamnant des centaines
de milliers de citoyens états-uniens au chômage.
Cette croissance s’explique en partie, justement, par la
récession économique : de nombreux cadres recherchent l’aide du
gouvernement pour remettre leurs entreprises à flots. D’autres
tirent simplement les avantages qu’offrent les nombreux
parachutages de paquets gouvernementaux. Tant qu’il existera un
gouvernement fédéral qui distribue des fonds, les agents du
lobbying augmenteront leurs dépenses d’année en année pour
gagner les faveurs de ceux qui fabriquent les lois.
Nous voyons ce genre de dépenses grimper d’année en année
—plus de cent pour cent sur les dix dernières années—, et le
regain d’activité qui a caractérisé le premier trimestre de 2009
indique que la tendance se maintiendra dans un avenir proche. Se
basant sur les dossiers du Bureau des registres publics du
Sénat, le Center for Responsive politics (CRP) a constaté, entre
janvier et mars, une croissance du lobbying, par rapport à la
même période de l’année précédente, de l’ordre de 2,4 millions
de dollars.
Les syndicats professionnels, organisations et entreprises ont
versé, pour le premier trimestre 2009, au moins 799,7 millions
de dollars aux marchands d’influence au Congrès des États-Unis,
contre 797,2 millions pour le même trimestre 2008.
L’augmentation peut sembler dérisoire au regard des milliards
investis chaque année dans cette activité, mais en cette époque
de turbulences économiques, il est indéniable que cela
représente un fort courant de revenus pour une seule industrie.
Ceci dit, les industries ayant fait les gros titres de la
presse sur la question des fonds demandés ou reçus du
gouvernement fédéral, ont diminué leurs frais de lobbying durant
le premier trimestre 2009, par rapport à la même période en
2008.
Les bénéficiaires des liquidités distribuées en vertu du
programme de sauvetage des actifs financiers du gouvernement
fédéral (Troubled Asset Relief Program, TARP) ont distribué
moins d’argent à leurs agents qu’au cours de tout autre
trimestre en 2008, peut-être parce qu’ils ont dû faire face aux
nouvelles règles restreignant leurs contacts avec les
fonctionnaires publics en charge du programme d’aide urgente.
Le CRP a constaté que les bénéficiaires du TARP ont dépensé
13,9 millions de dollars au premier trimestre 2009, contre 20,2
millions de janvier à mars 2008 et 17,8 millions au dernier
trimestre 2008. Tandis que le gouvernement distribue des
milliards, ces sommes semblent dérisoires en comparaison des
avantages que récoltent les corporations. [3]
Notes:
[1]
Note du traducteur :
un euphémisme qui désigne les groupes de pression qui exercent
leur influence sur les pouvoirs publics : le Congrès, la
Maison-Blanche et les tribunaux.
[2]
Open Secrets.org,
“Washington Lobbying Grew to $3.2 Billion Last Year, Despite
Economy”, par Lindsay Renick Mayer Center for Responsive
Politics.
[3]
Pour en savoir plus long sur le fonctionnement du lobbying aux
États-Unis et le trafic d’influences, consultez le blog du CRP,
sur :
http://www.opensecrets.org/news/
Sources:
Project Censored / Red Voltaire / Center for Responsive Politics.
Traduction Réseau Voltaire.
Nous remercions les contributions de :
Étudiants chercheurs : Alan Grady et Leora Johnson.
Tuteur : John Kramer, Ph.D., Sonoma State University
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