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Le Quotidien d'Oran
L'entourloupe
Ghannouchi éventée
Kharroubi Habib
Fouad Mebazaâ
Dimanche 16 janvier 2011
Les Tunisiens n'ont pas eu le temps de savourer la chute de Ben
Ali que le régime toujours en place de celui-ci essaye de les
déposséder de leur victoire. Cela en s'appuyant sur l'article 56
de la Constitution tunisienne qui dispose qu'en cas
d'empêchement passager du président de la République, celui-ci
confie l'intérim au Premier ministre. Or l'empêchement dont est
frappé Ben Ali n'est nullement passager parce qu'il a été tout
simplement renversé par la révolution populaire «du jasmin». Une
situation envisagée par un autre article de la Constitution qui
fait du président de la chambre des députés l'intérimaire à la
magistrature suprême le temps d'organiser l'élection
présidentielle.
L'entourloupe de la désignation à l'intérim présidentiel du
Premier ministre Mohammed Ghannouchi par le dictateur déchu et
ses séides encore accrochés au pouvoir, outre qu'elle voulait
signifier que Ben Ali reste le président constitutionnel malgré
son départ du pays, était destinée à assurer les arrières des
tenants du régime honni. La manœuvre a fait long feu. La
pression populaire et certainement celle de l'armée ont
contraint le Conseil constitutionnel à dessaisir Ghannouchi de
l'intérim présidentiel pour le confier au président de la
chambre des députés. Pour autant les manœuvres vont se
poursuivre de la part des «orphelins de Ben Ali» pour empêcher
que la «révolution du jasmin» aille au bout de sa logique, à
savoir le démantèlement radical du régime et la neutralisation
des prédateurs qui en ont été les bénéficiaires.
C'est dire que la vigilance des citoyens tunisiens ne doit pas
être émoussée par l'euphorie suscitée par la fuite de Ben Ali.
Apparemment l'armée tunisienne a pris acte de la volonté de
changement démocratique qu'exprime la rue dans le pays et refusé
de marcher dans la manœuvre d'arrière-garde de Ben Ali et de son
clan. C'est la bonne nouvelle pour le peuple tunisien. Il lui
faut maintenant conforter cette armée dans son soutien à ses
revendications de changement démocratique. En faisant d'abord et
avant tout que la violence ne l'emporte pas dans ses réactions
aux provocations et autres tentatives que les tenants du régime
déchu feront pour annihiler sa victoire. Pour cela, il lui faut
neutraliser les extrémistes en son sein qui sous prétexte de
balayer ce qui reste du régime Ben Ali s'adonneront à une
surenchère à la finalité aussi totalitaire que le fut celui-ci.
Nos frères tunisiens ont réussi l'inimaginable en pays arabe:
se débarrasser par un mouvement populaire d'un dictateur et de
son régime. Il leur reste à faire plus et mieux: instaurer une
démocratie réelle. Ils en sont capables et serviront ainsi
d'exemple aux citoyens du monde arabe. D'avoir déjà réussi à
faire tomber une dictature qui passait pour être
indéboulonnable, les Tunisiens ont incontestablement montré le
chemin que les autres peuples arabes doivent emprunter pour en
finir avec leurs régimes du même tonneau. C'est peu dire que ces
peuples ont été attentifs aux événements historiques dont la
Tunisie est le théâtre depuis un mois. Ils suivront avec encore
d'intérêt passionné ceux qui sont en gestation avec l'après Ben
Ali dans ce pays. En menant à bon port le projet démocratique
pour lequel ils se sont si courageusement soulevés, nos frères
et voisins tunisiens seront les déclencheurs d'une lame de fond
qui de proche en proche mettra à bas tous les potentats et
dictatures qui sévissent dans ce monde arabe considéré comme
réfractaire à la liberté et à la démocratie.
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