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Jérusalem-Est occupé
Le
mirage d'Annapolis
Khalid Amayreh
21 novembre 2007
« La montagne
fut prise des douleurs de l’enfantement, et elle accoucha…
d’une souris », dit un célèbre proverbe arabe. Cet adage
conviendra vraisemblablement fort bien aux résultats de la
« conférence de paix » sponsorisée par l’Amérique,
qui se tiendra bientôt (mardi 27 novembre) à Annapolis, dans
l’Etat du Maryland.
Prévoir l’échec
du sommet d’Annapolis n’est pas simple spéculation. C’est
l’évaluation réaliste d’un événement qui n’est pas
destiné à être un succès, même si les désirs proclamés
tendent à suggérer le contraire.
De fait, mis à
part les plaisanteries visant à créer une atmosphère détendue
et positive, Israël et l’Autorité palestinienne n’ont pas réussi
à atteindre un minimum d’accord sur les questions fondamentales
qui définissent la question palestinienne.
Il y a, de cela,
quelques semaines, les responsables officiels de l’Autorité
palestinienne étaient presque euphoriques, à l’idée de cette
conférence. Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, avait juré
de boycotter Annapolis si Israël ne s’engageait pas –
question de principe – à mettre un terme à son occupation de
la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem Est, et
s’il n’acceptait pas un règlement équitable du problème des
réfugiés conformément à la résolution 194 de l’Onu. Mais
Israël, bien entendu, n’a accepté aucune de ces conditions.
Aujourd’hui, l’AP
ira à Annapolis, sans la moindre police d’assurance, en s’en
remettant essentiellement à la « bonne volonté » de
George Bush (quoi que cela puisse bien vouloir dire,
dans la réalité ?)
J’ai demandé à
un officiel de haut rang de l’AP, à Ramallah, cette semaine,
comment il se faisait que la direction de l’AP se rende à
Annapolis, en dépit du fiasco retentissant des rendez-vous
interminables entre responsables israéliens et palestiniens ?
Embarrassé par ma
question, ce responsable m’a répondu : « Nous allons
à Annapolis afin de démontrer au monde entier la justice de
notre cause et la nécessité d’une paix juste et durable dans
cette région particulièrement instable. »
Je lui ai alors
rappelé que « nous faisons ça depuis des générations,
mais sans résultat ». Dérangé par mon intrusion,
l’officiel me scruta plutôt agressivement, et dit : « Que
pouvons-nous faire d’autre ? Si vous avez des idées,
faites-en part à Abou Mazen ! »
Il y aura différentes
catégories de participants et de simples spectateurs, à la conf’
d’Annapolis : à tout saigneur, tout honneur, le
thaumaturge du désastre, George Deubeuliou Bush, le Führer de la
Maison-Blanche, celui qui a envahi, occupé et détruit deux pays
musulmans et tué directement ou causé la mort de plus d’un
million d’êtres humains innocents, sous prétexte de débarrasser
le monde d’armes irakiennes de destruction massive qui s’avérèrent
autant de moutons à cinq pattes.
Ce type, qui a prétendu
que Dieu lui-même lui avait indiqué quoi faire, n’a jamais eu
le courage moral de dire : « J’ai commis une erreur,
Mea Culpa, Mea Maxima Culpa ! » Non. Bien au contraire,
il a inventé toutes sortes de prétextes, d’histoires
invraisemblables et de mensonges patents pour justifier sa nature
criminelle et ses projets malfaisants. Mais il est vrai que, très
souvent, les criminels ne font montre d’aucun remords, ni même
du moindre intérêt pour leur crime et ceux qui en ont été les
victimes…
Et cela nous amène
inéluctablement à cette question : les peuples du
Moyen-Orient, en particulier, et les peuples du monde entier, de
manière générale, peuvent-ils s’en remettre au tout premier
des assassins et des menteurs du monde pour contraindre Israël à
faire la paix ? N’oublions pas qu’il s’agit en
l’occurrence de l’homme qui a osé qualifier Ariel Sharon, ce
criminel de guerre patenté, d’ « homme de paix » !
Et puis, il y aura
aussi le criminel, menteur et voleur à temps plein – Israël
– un pays qui assassine des écoliers et qualifie cette
monstruosité de légitime défense, puis ment sur ses crimes et
qualifie ses mensonges de ‘hasbara’ [propagande, bourrage de
crâne israélien à la Goebbels, ndt] ou relations publiques, un
pays qui assure avoir mis un terme à son occupation de Gaza, tout
en continuant à contrôler étroitement les frontières de ce
territoire, les points de passage à travers ces frontières, son
espace maritime, son espace aérien et ce qui constitue l’artère
vitale même de toute la région.
Le dirigeant de ce
pays scélérat, Ehud Olmert, va à la conférence d’Annapolis,
non pour faire la paix et faire montre de bonne volonté à l’égard
des victimes d’Israël, mais, tout au contraire, afin de
s’assurer qu’aucun progrès notable n’en émane.
Olmert, un homme célèbre
pour ses crimes, sa fausseté et sa fourberie, s’adonnera
lourdement à la prévarication, aux jonglages sur les mots et aux
diversions, mais il évitera soigneusement tous les vrais problèmes,
à savoir l’impérieuse nécessité de mettre fin à son
occupation haineuse de la patrie palestinienne et aux brutalités
à l’encontre du peuple palestinien.
Olmert ne fera pas
même allusion aux millions de misérables réfugiés palestiniens
croupissant dans de sordides camps de réfugiés dans l’ensemble
du Moyen-Orient pour la simple raison qu’un pays se targuant
d’être une lumière éclairant les nations ne leur permet pas
de rentrer chez eux, dans leurs maisons, dans leurs villes et
villages, d’où ils furent déracinés au moment où ledit pays
a été imposé à la région, voici, de cela, soixante ans.
Il ne fera nulle
mention de Jérusalem Est, dont l’identité arabe, chrétienne
et musulmane, est menacée en permanence par les régimes israéliens
successifs, qui, tous, veulent la décapiter, humainement,
spirituellement, démographiquement et économiquement.
Et, bien entendu,
il ignorera totalement le sinistre blocus imposé par Israël à
un million quatre-cent-mille Gazaouis, soumis à des épreuves
terribles et affamés parce que les sionistes ne peuvent pardonner
aux Palestiniens d’avoir élu un parti politique qui n’a pas
l’heur de leur plaire.
Loin d’envisager
honnêtement et sérieusement les véritables problèmes, Olmert
va lancer des manœuvres de diversion visant à renforcer le président
de l’AP, Mahmoud Abbas, et à encourager « les forces de
la modération et de la paix », comme si le vrai problème,
en Palestine, c’était l’absence de modération et de paix
chez les Palestiniens, et non l’occupation israélienne qui
n’a rien à envier à celle des nazis [en Europe], et
l’oppression des Palestiniens ?
Ah, et puis,
n’oublions pas : il y aura Abbas, le chef de l’AP soutenu
par les Américains, qui pense, apparemment, que c’est le moment
ou jamais de « faire la paix », parce que la
conscience de l’Amérique viendrait, tout soudain (on se demande
bien pourquoi) de sortir de sa torpeur, et parce que George
Deubeuliou Bush aurait subi une métamorphose miraculeuse qui, de
monstre qu’il était, en aurait fait un Saint ?!
Abbas est
totalement lamentable, pathétique. Il a déjà mis tous ses œufs
(oups : nos œufs !) dans le panier américain, ce qui
veut dire qu’il ne sera certainement pas en mesure de leur dire
« NO », même quand il le devrait. C’est la raison
pour laquelle la seule chose qu’il puisse faire pour sauver son
« Autorité palestinienne », qui est en réalité dépourvue
de la moindre autorité, c’est rêver en plein jour et implorer
le loup-garou de la Maison-Blanche de bien vouloir prier Israël
de faire montre d’un réel désir de paix. Les rêves éveillés,
nous disent les psychanalystes, représentent le dernier degré de
la frustration.
Mais comme l’a
dit un célèbre poète arabe, Ibn Zuheïr, voici plus de quatorze
siècles, qui ne se respecte pas lui-même ne risque pas d’être
respecté par autrui ! Abbas n’a que lui-même à qui
s’en prendre. Il a cru Bush et Olmert, au point de devenir un
suppliant humilié sur leur paillasson. Il a maltraité son
peuple, et il a fait beaucoup de choses qui n’auraient jamais dû
être faites – tout ça, pour complaire à Olmert et à Bush,
dans une démarche d’apaisement, intrinsèquement vaine.
D’une formule
lapidaire : les clochards ne peuvent pas être les décideurs !
Et puis il y aura
la horde habituelle des despotes arabes, qui suivent l’Amérique
comme des caniches, et qui placent la pseudo-légitimité découlant
de leur acceptation par l’Amérique bien au-dessus d’une légitimité
authentique qui découlerait de leur reconnaissance par leurs
propres peuples.
La plupart de ces
rois et de ces présidents-à-vie sont tout-à-fait lassés de la
cause palestinienne, et ils sont plus qu’impatients de vendre
les derniers pauvres restes de l’honneur et des droits arabes,
en y incluant, probablement, la Mosquée Al-Aqsâ, le troisième
lieu saint de l’Islam. Cette inertie, cet épuisement, sont immédiatement
perceptible : il suffit d’entendre le timbre de leur voix.
Toutefois, ces
tyrans aimeraient voir les Palestiniens procéder eux-mêmes, les
premiers, à ce bradage, afin qu’ils puissent être en mesure de
dire à leurs peuples respectifs : « Regardez !
Nous ne pouvons pas être plus Palestiniens que les Palestiniens,
quand même ! » [Avez-vous noté ce clin d’œil au
« quand même » sarkozyen ?! ndt]
Ce sont ces mêmes
dirigeants qui colludent actuellement, en toute quiétude, avec
Israël, afin de décimer et d’affamer le peuple de Gaza, pour
se concilier l’Amérique et obtenir d’elle un certificat de
bonne conduite.
Et puis, il y aura
aussi l’Union européenne, dont les dirigeants continuent à
cultiver les bonnes grâces d’Israël, en dépit de la manière
horrible dont ce pays traite les Palestiniens. C’est cette même
Union européenne qui a apporté la démonstration ad
nauseam qu’elle ne laissera pas passer sans la saisir
la moindre opportunité de succomber aux pressions sionistes,
fusse au prix de voir des civils innocents réduits à la famine
et massacrés.
Voici de cela
quelques jours, le ministre français des Affaires étrangères,
Bernard Kouchner, a assuré à Israël que la France chercherait
toujours à garantir la sécurité d’Israël ! Y a-t-il
pire prostitution morale ? La « sécurité d’Israël » !
Un pays qui détient trois cents armes nucléaires, sept cents
bombardiers ultrasophistiqués, quatre mille tanks et plusieurs
sous-marins nucléaires, devrait être protégé et sanctuarisé,
alors que les Palestiniens qui, eux, parviennent difficilement à
mettre sur la table familiale de quoi manger pour leurs enfants
affamés, devraient être punis et soumis au blocus…
N’oublions
surtout pas Tony Blair, l’ex-Premier ministre traître et
duplice, qui a des tonnes de sang irakien sur ses sales mimines.
Et voici que ce criminel de guerre s’efforce, aujourd’hui,
d’acheter les Palestiniens en leur graissant la patte avec des
« projets de développement économique », dans
l’espoir que cela leur ferait oublier certains de leurs droits
inaliénables, dont le droit des réfugiés palestiniens à
retourner se réinstaller à Jérusalem.
Enfin, la conférence
d’Annapolis aura les honneurs du comique troupier Ban Ki-moon,
qui viendra y assister. Pour ceux qui ne le savent pas, ce Ki-moon
doit en permanence tourner sa langue quarante-neuf fois dans sa
bouche, de peur que ne lui échappe par inadvertance quelque chose
qui risquerait de déplaire à Bush et à Condoleezza Rice…
Eh bien, avec une
compagnie aussi grandiose : les Palestiniens n’ont aucun
souci à se faire !
Leur cause est entre de bonnes mains !
Traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier

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