Réseau Voltaire
L'UE est-elle
pacificatrice dans le sens de Nobel ?
Horst Meyer
Lundi 5 novembre
2012 Lorsqu’en 2009 le
lauréat du prix Nobel de la paix
s’appela Barak Obama, ce fut une
surprise pour beaucoup du fait qu’il
n’avait pas apporté grand-chose dans
ce domaine mis à part ses slogans «
Change » et « Yes, we can
». Trois ans plus tard, ses
performances en matière de paix ne
dépassent pas celles d’un Bush Sr.,
Clinton, Bush Jr. Aucune des guerres
déclenchées par George W. Bush n’a
pris fin, bien au contraire, il y a
eu la brutale intervention de l’OTAN
en Libye, sans parler du camp de
prisonniers de Guantanamo à Cuba,
qui n’est toujours pas disloqué, de
l’occupation de l’Afghanistan et de
l’Irak.
Alors que cette année le Prix
Nobel de la Paix est attribué à une
institution supranationale telle que
l’UE, on doit commencer à
s’interroger sérieusement sur la
valeur des critères appliqués pour
la nomination et l’attribution de ce
prix.
Il a été accordé à l’Union
européenne du fait qu’elle aurait
contribué depuis 60 ans à maintenir
la paix en Europe. Cette nouvelle
causa, lors de sa diffusion, bien
des regards sceptiques, voire des
mouvements d’humeur.
Il est indéniable que les deux
guerres en Europe, subies par les
populations au cours de la première
moitié du XXème siècle, ont laissé
des traces dans les esprits. Il est
vrai aussi que, depuis, l’Europe n’a
plus connu de conflits de cette
ampleur et qu’il s’est installé une
sorte de réconciliation entre les
États. Toutefois, il n’a pas pu
échapper au comité Nobel que la paix
en Europe repose sur du sable, il
suffit de penser à l’effondrement du
bloc de l’Est, source de nouvelles
guerres en Europe.
Les activités
guerrières dans les Balkans
On sait maintenant avec certitude
que certains pays européens ont
contribué, au cours des années 1990,
à la destruction de la République
yougoslave. Deux auteurs, Mira Beham
et Jِorg Becker, ont analysé, dans
leur livre de recherche Opération
Balkan, l’influence de
l’Occident lors de la destruction de
la Yougoslavie, ainsi que la
manipulation des médias menée de
l’extérieur. Il apparaît avec
certitude que l’Occident a contribué
avec conséquence à la sécession de
ces différentes républiques. On a su
utiliser les difficultés économiques
des diverses régions, en retirant
les crédits et en augmentant les
taux d’intérêts, afin d’exciter les
gens les uns contre les autres. On
en connaît les résultats.
La guerre d’agression contre le
reste de la Yougoslavie sous la
direction des États-Unis et la
participation active d’États
européens dont l’Allemagne, qui
allait à l’encontre du droit
international et était de ce fait
illégale, fut une démonstration de
ce dont l’UE et ses États membres
sont de nouveau capables malgré la
promesse de ne plus jamais
déclencher de guerre.
L’affaire
autrichienne – le déni de la volonté
démocratique
En 2000, l’UE a dévoilé son vrai
visage. Comme il y avait eu en
Autriche, à la suite d’élections
menées démocratiquement, une
coalition entre le parti bourgeois
ÖVP et le parti FPÖ de Jِorg Haider
pour former le gouvernement, des
sanctions furent imposées au pays,
piétinant les droits démocratiques
de la population. Le prétendu «
modèle de paix de l’UE » ne
supporte pas un gouvernement
critique à l’égard de l’UE, dans un
État membre de cette UE. Un «
Conseil des sages » dut décider
si les sanctions devaient être
maintenues ou abolies. Elles ne
furent abolies qu’après la démission
forcée de Jِorg Haider. On avait
ainsi brisé froidement le droit
démocratique. Mais ce n’est pas
tout.
Des guerres
d’agression violant le droit
international
Serait-ce une spécialité de l’UE ?
Presque tous les pays de l’UE
participent à la guerre en
Afghanistan, qui dure depuis 11 ans.
Ils ont donc une vive expérience de
ce qu’est une guerre,
particulièrement brutale et qui
viole le droit international. Après
une occupation de 11 ans de la part
des États-uniens et des Européens,
les populations vivent un cauchemar.
Ce qui a commencé par le viol du
droit international sous prétexte de
chasser les Talibans, s’est
transformé en guerre contre la
population, et on n’en voit pas la
fin.
L’agression commise en 2003 sous
un prétexte inventé de toutes pièces
et cousu de fil blanc contre l’Irak,
en violation du droit international,
avec la participation de pays de
l’Union européenne dans la «
coalition des volontaires »,
notamment l’Angleterre, la Pologne,
l’Italie, l’Espagne, etc., n’est
toujours pas terminée et cause des
milliers de victimes innocentes.
Entre temps, les Britanniques et les
Américains ont mis la main sur les
réserves de pétrole.
En 2011, la guerre contre la
Libye, menée sous prétexte de
secourir la population, ne fut rien
d’autre que la volonté de faire
changer le régime du pays, afin de
se débarrasser d’un dirigeant honni
et de s’approprier les richesses
naturelles. En tête de cette
agression se trouvaient, aux côtés
des États-Unis, des pays de l’Union
européenne, soit la France,
l’Angleterre, l’Italie. La moitié
des États européens de l’OTAN,
membres de l’Union européenne, ont
participé à cette agression
déguisée.
Que se passe-t-il en Syrie ? S’il
n’y avait eu que la volonté de l’UE
– la Chine et la Russie s’y sont
opposées – il y aurait eu, là-bas
aussi, une guerre d’agression, avec
la participation de l’UE.
L’Allemagne y a joué un rôle peu
glorieux aux côtés de la France et
de l’Angleterre.
Où est donc, dans ces
circonstances, l’engagement de l’UE
en faveur de la paix qui aurait
justifié un prix Nobel pour la paix
? Est-ce que le comité du Prix Nobel
de la Paix se plie, lui aussi, aux
raisons de politique de pouvoir ?
Les populations de tous les pays de
l’UE étaient opposées aux
engagements militaires de ces pays.
Les sondages révélaient entre 80% et
90% d’opposition. Donc, si l’on veut
renforcer les forces de paix, ce
sont les peuples qui ont une
importance déterminante.
L’Allemagne dans un
rôle dirigeant
Mais, pour aller où ?
Dans la publication Foreign
Affairs, l’organe du laboratoire
d’idées Council on Foreign
Relations, fort prisé aux
États-Unis, on estime qu’une
germanisation de l’Europe
permettrait de se sortir de la
crise. L’Allemagne aurait ainsi un
rôle dirigeant dans l’UE qui
épouserait les ambitions d’Angela
Merkel, cette femme avide de
pouvoir. L’Allemagne, qui s’octroie
le rôle de dirigeant au sein de
l’UE, mène le projet d’une
Fédération européenne et d’un
renforcement du centralisme.
La citation suivante est
révélatrice : « Si nous,
Européens continentaux, voulons
obtenir l’unité et agir
conjointement, ce dont dépend tout
notre avenir, alors nous devons
répondre à deux nécessités :
renoncer à toute volonté de
domination de la part d’un peuple
sur les autres, ainsi que renoncer à
toute volonté d’indépendance absolue
en dehors de l’ordre européen. Être
le porte-drapeau sans vouloir être
le maître de l’Europe doit être la
volonté de l’Allemagne, mais le
porte-drapeau d’une nouvelle Europe
qui doit prendre sa place parmi les
nouvelles puissances mondiales et
garder son rang qui lui est dû du
fait de son développement historique
et de ses forces culturelles et
économiques. » Cette citation
nous vient de Richard Riedl,
président du conseil
d’administration de l’entreprise
Donau Chemie AG, faisant partie du
groupe IG Farben, elle date de 1944.
Il apparaît de plus en plus
clairement que l’Allemagne prend une
place dominante dans l’Union
européenne. Si l’Allemagne devait
devenir réellement le porte-drapeau
de l’UE, ce serait de mauvaise
augure pour la Suisse, vu les
déclarations bellicistes destinées à
intimider ce petit pays performant.
La Suisse, un
garant de la paix
Si l’on prévoit d’accorder le
Prix Nobel de la Paix à un État, il
faudrait l’attribuer à la Suisse.
Quel pays peut prétendre ne plus
avoir été mêlé à des guerres depuis
plus de 150 ans, et d’avoir
contribué autant en faveur de la
paix et de l’aide humanitaire pour
panser les plaies des populations
d’autres pays, que la Suisse au
travers de ses organisations telle
que la Croix-Rouge ? Toutefois, en
consultant la liste des lauréats de
ce prix, on peut s’estimer heureux
de ne pas y figurer. Le choix de
cette année le confirme.
Source
Horizons et débats (Suisse)
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