Le film de BHL sur
la Libye fait un bide
Hicham Hamza
Lundi 28 mai 2012
Scandale.
Samedi soir, l'avant-première parisienne
du nouveau film de Bernard-Henri Lévy a
connu un échec cinglant.
Reportage-express sur le lieu du drame.
Où sont passés les fans? Les 10444
abonnés à la page
Facebook de BHL étaient-ils tous
partis en weekend de Pentecôte ou
demeuraient-ils absorbés par les
prouesses vocales de l'Eurovision? Au
lendemain de la projection de son
documentaire -intitulé "Le serment
de Tobrouk"- au
festival de Cannes, l'écrivain
Bernard-Henri Lévy a gagné la capitale
pour venir le présenter,12 jours avant
la sortie nationale, au public parisien.
Une terrible déconvenue l'attendait :
malgré
l'annonce
médiatisée de
l'évènement, seule une vingtaine de
personnes ont daigné se déplacer pour
occuper les 584 sièges de la
prestigieuse salle A du cinéma MK2
Bibliothèque.
Un tiers était composé d'amis comme
en témoignaient les salutations
affecteuses du philosophe à tel ou tel
en remontant les marches de la salle.
Parmi les personnalités figuraient
Monique Canto-Sperber,
l'ex-directrice de l'Ecole Normale
Supérieure,
Romain Goupil, cinéaste
soixante-huitard et partisan de la
guerre en Irak,
Ofer Bronstein, pacifiste
israélo-palestinien et
Christophe Ono-Dit-Biot, directeur
adjoint du Point.
Peut-être dépité par la faible
affluence, BHL n'est pas resté à la
suite du film pour répondre, comme c'est
l'usage, aux éventuelles questions des
spectateurs. Le co-réalisateur avait agi
de même sur la Croisette en diffusant
exceptionnellement son ovni
cinématographique après -et non avant-
la conférence de presse. Certains y ont
vu une volonté de fuir les critiques
portant sur les aspects artistiques de
l'oeuvre tandis que d'autres ont
insisté, au contraire, sur son désir de
concentrer l'attention sur la portée
politique de son engagement dans le
conflit libyen.
Si certains journalistes, à l'instar
de
Pierre Assouline ou
Bruno Roger-Petit, n'ont pas attendu
de juger sur pièces pour fustiger avec
ironie le film, la plupart des médias
ont déjà commencé à le promouvoir, qu'il
s'agisse de
TF1,
le Figaro ou,
surtout, de
la Règle du Jeu, journal
dirigé...par BHL himself. Laurent
Joffrin, patron du Nouvel Obs, prend
déjà sa
défense, contrairement à
Pascal Mérigeau, journaliste du même
hebdomadaire. Annette Lévy-Willard,
grand reporter à Libération et
ex-conseillère culturelle à l'ambassade
de France à
Tel Aviv, signe un
papier subtilement favorable, repris
par
la Règle du Jeu, au va-t-en-guerre
du café de Flore. Quant aux qualités
cinématographiques du film, il faudra se
référer au site de critique spécialisée,
Ecranlarge.com, pour découvrir une
condamnation, sur la forme comme sur le
fond, du documentaire.
Oumma reviendra à l'occasion de sa
sortie en salles sur les nombreux
aspects
problématiques du film parmi
lesquels l'auto-célébration prévisible
de son principal protagoniste, les
raccourcis de l'Histoire imposés par le
narrateur,
l'hommage rendu à Nicolas Sarkozy et
Hillary Clinton, le tacle adressé à
Alain Juppé ou
Rony Brauman, le qualificatif de
"salopards" à propos de ses détracteurs-
dont il vient encore de
déclarer qu'il les "emmerde", la
connivence
communautariste affichée
avec Benyamin Netanyahu et Ehud
Barak ou le silence éloquent sur le
lynchage de Kadhafi.
Documenteur
Indécence et jubilation, tels sont
les deux sentiments qui peuvent dominer
à la sortie du film. Indécence de voir
BHL surfer sur
l'hécatombe libyenne pour cultiver
son légendaire
narcissisme. Une indécence que
résume à lui seul le sous-titre officiel
du film : "Lybie : le making-of du
film". Jubilation, enfin, de
constater qu'en dépit de la
fortune et des
réseaux entretenus par
l'écrivain-réalisateur depuis une
quarantaine d'années, la grâce
cinématographique n'est pas au
rendez-vous.
Jubilation de découvrir que la
sélection officielle à Cannes d'une
co-production parrainée par Arte et
Canal+ ne suffit pas pour donner à voir
une belle oeuvre, politique et
artistique. Qu'est-ce que "Le
serment de Tobrouk", finalement ?
Une vaine succession d'images et de
commentaires en voix-off, sans âme, sans
étincelle et sans génie. Acteur et
témoin au plus près d'évènements
exceptionnels, BHL n'a pas su traduire
sur grand écran le souffle de
l'Histoire. Pire, il a occulté des pans
entiers de la réalité. Fim documenteur
et coquille vide, la dernière oeuvre de
BHL, harassée et harassante, est
peut-être, tout simplement, le testament
culturel d'un homme en bout de course.
Publié le 28 mai
2012 avec l'aimable autorisation
d'Oumma.com
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