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Oumma.com
David Trimble, ami,
juge et partie d'Israël
Hicham Hamza
David Trimble
Mercredi 16 juin 2010
Mascarade. David Trimble, l’observateur
étranger désigné lundi par Tel Aviv pour enquêter sur le crime
israélien de neuf citoyens turcs, est en réalité un fervent
partisan de l'État d'Israël.
Enquête et révélations sur une personnalité sous influence.
Tel Aviv assiégé par
l’opprobre du monde. Pour affronter la critique internationale,
c’est à l’unanimité que le gouvernement israélien a approuvé
avant-hier la nomination des membres de la commission d’enquête
chargée d’examiner le déroulement de l’assaut meurtrier, commis
par l’armée, contre un convoi humanitaire à destination de Gaza.
But officiel de l’opération : élucider les circonstances du raid
militaire afin de démontrer sa conformité au regard du droit
international. Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, se dit
d’ores et déjà « convaincu que l’enquête prouvera qu’Israël
a agi en respectant la loi ».
Et peu importe le scepticisme
affiché par la Turquie,État
plaintif dans l’affaire, quant à la crédibilité de la commission
nationale : l’ouverture d’une enquête était surtout destinée,
selon le chef du gouvernement, à apporter une « réponse
convaincante aux États
responsables de la communauté internationale ».
Aux yeux du Premier ministre , les nombreux détracteurs, à
travers la planète, de ce simulacre d’investigation n‘ont aucune
importance. Le secrétaire général de l’ONU aura beau se déclarer
favorable à une véritable commission d’enquête, internationale
et indépendante, Tel Aviv continuera de faire la sourde oreille.
D’autant que Washington, Londres et Paris viennent de saluer ce
qui est présenté comme une avancée, faisant fi de l’avis du
Conseil de Sécurité qui avait pourtant formulé le même vœu que
Ban Ki-Moon.
Outre le caractère
national du comité chargé de l’enquête, d’autres aberrations ne
manquent pas : ainsi, à l’exception du chef d’état-major, les
militaires ayant directement participé à l’attaque ne pourront
pas être interrogés et le rapport final devra être transmis au
gouvernement avant sa publication. Qui sont les membres de cette
commission déjà discréditée en raison de sa dépendance à l’égard
du gouvernement ? Cinq hommes triés sur le volet : le président,
Jacob Terkel, ancien juge à la Cour Suprême et
sympathisant de la droite dure israélienne ; Shabtaï
Rosen, professeur émérite de droit
international qui a participé à l’organisation constitutionnelle
de l'État d'Israël;
le général Amos Horev, figure héroïque de l’armée ; et deux
observateurs étrangers, aux compétences réduites :le Canadien
Ken Watkin, juriste militaire, et le Britannique
David Trimble, prix Nobel de la Paix pour son action dans le
règlement du conflit en Irlande du Nord.
Au casting de Tony
Blair
La
participation de ce membre, présenté par les
autorités israéliennes comme impartial et indépendant, reflète à
elle seule la farce que constitue cette commission d’enquête.
David
Trimble, 65 ans, est
d’abord une figure irlandaise historique, et controversée,au
sein du Royaume-Uni. Ancien militant extrémiste de la
mouvance protestante unioniste, alors violemment
hostile aux catholiques indépendantistes de l’IRA, l’homme s’est
peu à peu assagi avec le temps, au point d’avoir convaincu le
parti qu’il dirigeait, l’UUP, à conclure un accord de paix avec
la partie adverse, sous la houlette de l’ancien sénateur
américain George Mitchell.
C’est cette victoire qui
contribua à lui faire remettre, conjointement avec son
co-signataire John Hume, le prix Nobel en 1998. Huit ans plus
tard, il deviendra pair du Royaume-Uni, avec le titre de baron,
avant de rejoindre par la suite le Parti conservateur. Un
ralliement qui n’a pas porté ses fruits puisque David Trimble
n’a décroché, contre toute
attente, aucun poste ministériel à la suite de la
victoire, aux dernières élections législatives, de David
Cameron. Une déception qui n’aura duré que quelques semaines
jusqu’à sa désignation officielle, ce lundi, par le gouvernement
israélien, pour rejoindre la commission. La nomination du
conservateur serait, selon le quotidien britannique The
Guardian, la conséquence d’un lobbying exercé par
Tony Blair, l’émissaire du Quartette (Europe,
Usa, Russie, ONU) pour le Proche-Orient. L’ancien Premier
ministre aurait soufflé son nom à Benjamin Netanyahu.
Une recommandation qui
n’a pas dû être difficile à suivre : David Trimble est un ami de
longue date de l’État d’Israël.
Son dernier geste d’affection remonte au 31 mai : le jour même
du crime de neuf Turcs par l’armée israélienne, le futur
enquêteur-observateur était à Paris pour inaugurer
l’association « L’initiative des amis d’Israël »,
organisation dont le but est de lutter contre la
« délégitimation de l’État
d’Israël
».
Critère pour faire partie de ce club qui se targue d’être
composé de non-Juifs tel l‘ancien Premier ministre espagnol José
Maria Aznar : « être convaincu qu’ Israël
fait partie intégrante de l’Occident
et de son avenir » et s’inquiéter
de « l’islamisme radical et d’un Iran nucléaire qui
constituent des menaces affectant le monde entier ».
Envers la stratégie de
diabolisation de Téhéran, David Trimble est un précurseur : le
25 janvier 2007, il dirigea une
conférence,
qui s’est tenue au sein du Parlement britannique, pour faire
prendre conscience aux députés des dangers imputés au régime de
Mahmoud Ahmadinejad. L’organisateur de cette opération de
propagande est précisément le même homme qui a structuré la
récente association née à Paris : Dore Gold, ancien ambassadeur
israélien aux Nations Unies et ami intime de Benjamin Netanyahu.
Ce dernier faisait d’ailleurs partie des conférenciers invités à
s’exprimer sous l’œil bienveillant de David Trimble.
Et au-delà de la
sempiternelle condamnation de l’Iran exercée systématiquement
par la droite israélienne et ses relais à travers le monde,
David Trimble sait aussi faire preuve d’un zèle remarquable, en
louant par exemple le style politique d’Ariel
Sharon , en
fustigeant
sans nuance le Hamas ou en faisant
annuler la présence à un débat de
Norman Finkelstein, célèbre intellectuel
américain vigoureusement opposé à l’instrumentalisation
israélienne de la Shoah.
Happy Birthday,
Shimon
Faveur exceptionnelle,
l’Irlandais faisait aussi partie de ces personnalités invitées
en 2003 à célébrer l’anniversaire de l’homme d’État
israélien par excellence,
Shimon
Peres, qui fêta alors ses 80 ans. Un hommage
entre « happy few », rendu,
précisa-t-on sur place, aussi bien au
personnage-clé de la vie politique nationale qu’à l’État
d’Israël. Outre le prix
Nobel de la paix qu’ils partagent tous les deux, l’explication
d’une connivence culturelle particulière explique une telle
invitation : dans les années 70, il était coutumier pour les
protestants irlandais les plus radicaux de s’identifier aux
Israéliens en raison du soutien pro-palestinien affiché par les
catholiques, et notamment par les militants de l’IRA. Le clivage
était net : d’un côté, les indépendantistes, favorables au
combat palestinien ; de l’autre, les unionistes, tel David
Trimble, loyaux envers la Couronne et sympathisants déclarés de
la cause sioniste. Aujourd’hui encore, les citoyens irlandais,
dans leur vaste majorité, se sentent concernés par ce qui se
joue à des milliers de kilomètres de chez eux, même s’il sont
plutôt
enclins à soutenir les Palestiniens. Cette
solidarité de part et d‘autre des deux camps, qui fait fi de la
distance géographique, se reflétait dans les rues irlandaises,
où il n’était pas anodin d’apercevoir des
peintures à la gloire de l’OLP ou, à l’inverse,
le drapeau
israélien flotter, dans les quartiers
protestants, aux côtés des emblèmes du Royaume-Uni et des
unionistes.
C’est précisément ce
genre d’image insolite qui fit la
couverture de « Misunderstanding Ulster »,
ouvrage rédigé par David Trimble, paru en 2007 et édité par le
groupe « Conservative
friends of Israël ». L’essai tente d’exposer
les
leçons tirées du conflit irlandais,
susceptibles d’être
appliquées à d’autres régions du monde. David
Trimble y apporte son expertise indéniable en matière de crise
internationale sans cacher son
adhésion
au neoconservatisme. Cette idéologie transatlantique, dont le
but toujours d’actualité est d’assurer la domination
anglo-saxonne sur les affaires du monde, a déjà causé des
ravages, notamment de par l’invasion de l’Irak. Une barbarie
sereinement
cautionnée à l’époque par le prix Nobel de la
paix qui ne voulait surtout pas afficher une quelconque
opposition au lancement de la guerre. Le groupe
de réflexion auquel il
appartient , dénommé le « Henry
Jackson Society », s’est notamment illustré
par sa
défense d’Israël
lors de son bombardement du Liban en 2006 ainsi que par sa mise
en garde contre l’existence d’une redoutable
coalition entre le Hamas et l’Iran. Sorte de
think tank neoconservateur à la sauce british, le HJS a
également tenu à commenter, sur son
blog, l’attaque de la flotille : pour
l’éditorialiste du cénacle, Israël a simplement été pris dans le
piège, « soigneusement préparé », d’une « manœuvre
politique visant à lui causer une humiliation sans précédent ».
Dans la grande tradition de leurs homologues américains
-dont certains ont
d’ailleurs
rejoint
le HJS-, les neoconservateurs britanniques se plaisent à
considérer l’Etat hébreu comme un avant-poste, vaillamment situé
en terre hostile, de l’Occident. David Trimble est un des leurs.
Bloody Sunday,
bloody Monday
Mezzo voce,
son passé extrémiste continue de
l’habiter. Outre le deux poids deux mesures qu’il applique sur
la question israélo-palestinienne, le discréditant aux yeux de
ses anciens adversaires de
l‘IRA pour faire partie de toute commission
d’enquête, l’homme ne semble pas encore prêt à affronter les
fantômes de l’impérialisme local. Ainsi, David Trimble avait
conseillé à l’ancien Premier ministre Tony Blair
de faire en sorte que la nouvelle enquête, pour laquelle il
était défavorable, sur la mort, causée par l’armée britannique,
de quatorze Irlandais catholiques en 1972 ne puisse aboutir à la
reconnaissance d’un homicide volontaire. Après douze ans
d’investigation, les
conclusions rendues publiques hier confirment
pourtant bel et bien l’intention criminelle des paramilitaires
britanniques qui avaient ouvert le feu sur des manifestants
désarmés. Le Premier ministre David Cameron n’a pas manqué cette
opportunité historique afin de présenter les excuses du
gouvernement britannique pour cette tuerie « injustifiable ».
Un désaveu cinglant pour David Trimble, l’homme qui
préconisa de conserver la version officielle de la légitime
défense. Comble du ridicule, c’est précisément cet individu, un
ultra-sioniste prônant la dissimulation et le statu quo
mensonger envers le drame du
Bloody
Sunday, qui s’est vu chargé d’observer
impartialement l’enquête sur le meurtre israélien, commis le
lundi 31 mai, de nuit et en haute mer, de neuf civils turcs,
dont cinq ont été exécutés d’une balle dans la
tête.
A la forfaiture s’ajoute
désormais la farce d’une commission d’enquête que plus personne
ne prend au sérieux. L’Irlandaise Mairead Maguire,
également prix Nobel de la Paix, était présente
sur le navire Rachel Corrie, autre convoi humanitaire à
destination de Gaza et arraisonné, sans le sang versé
précédemment, par Israël.
Le
conseil qu’elle prodigue à son compatriote dont
la nomination la « préoccupe »
: décliner, par souci de dignité, la proposition de Tel
Aviv de rejoindre la commission. Il va sans dire qu’au vu de ses
allégeances politiques, de ses sympathies culturelles et de son
sens précautionneux de l’État,
David Trimble est d’ores et déjà une excellente prise pour le
gouvernement Netanyahu : totalement acquis à la cause de la
droite israélienne, docile et inoffensif , l’observateur sans
droit de vote ne fera pas de vagues. Pantin consentant au sein
d’une commission d‘opérette, il est l’homme de la situation. Et
en attendant les conclusions de l’enquête, dont l’insoutenable
suspense est patent, le combat cher au cœur de l’Irlandais
-« lutter contre ceux qui veulent délégitimer Israël »-
continuera, porté par d‘autres volontaires de la scène
internationale. Sous d’autres cieux , sous d’autres masques.
Hicham Hamza, journaliste
indépendant
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