|
Le Web de l'Humanité
La violence redouble en Irak sur
fond d’instabilité politique
Hassane Zerrouky
Le Général George Casey - Photo Reuters
Jeudi 16 août 2007 Bagdad
. Plusieurs attentats au camion piégé ont fait, hier, au moins
200 morts. Ces actes surviennent au moment même où le
gouvernement Maliki prend l’eau de toutes parts.
Mardi dernier, George Casey, chef d’état-major de l’armée
américaine, a parlé un peu trop vite quand il a estimé que la sécurité
progressait partout en Irak grâce aux renforts militaires envoyés
depuis le début de l’année. Moins de vingt-quatre heures après,
une série d’attentats au camion piégé faisait, selon un
premier bilan, plus de 200 morts dans les villages d’Al-Khataniyah
et d’Al-Adnaniyah (province de Ninive, nord de l’Irak), peuplés
par la minorité religieuse des Yézidis, que les Irakiens
surnomment les « adorateurs du diable ».
Dix soldats américains tués
C’est l’attentat le plus meurtrier jamais commis en Irak
depuis celui qui avait ciblé le quartier chiite de Badr City, à
Bagdad (202 morts), le 23 novembre 2006. De plus, entre lundi et
mardi, les forces américaines ont enregistré la mort de dix
soldats, dont cinq lors du crash d’un hélicoptère de combat,
portant à 3 694 le nombre de soldats US tués dans le pays depuis
avril 2003.
Condamnant les actes terroristes, la Maison-Blanche a réitéré,
par le biais de sa porte-parole, Dana Perino, la volonté des États-Unis
de continuer « de travailler avec le gouvernement irakien et
les forces de sécurité irakiennes pour stabiliser le pays et
repousser ces assassins odieux et sans pitié ». Reste
cependant qu’en dépit du déploiement de 155 000 soldats américains,
dont 85 000 pour Bagdad, la violence interconfessionnelle et les
attaques contre les forces US ne semblent pas connaître de répit.
L’argument consistant à dire que ce déploiement militaire,
couplé à des opérations coups de poing, a eu pour effet de déplacer
les violences dans des régions jusque-là peu touchées ne résiste
pas aux faits. Pour preuve, la capitale irakienne a été frappée
en début de mois par une série de trois attentats ayant fait
plus de 80 morts et 100 blessés. Qui plus est, un conflit
interchiite menace d’éclater dans la ville de Diouaniya, dans
le sud de l’Irak, entre partisans de Moktada Sadr et ceux de
l’ASRII de Badr Al Hakim, à la suite de l’assassinat du
gouverneur de la ville, Khalil Djalil Hamza, et le chef de la
police, le général Khaled Hassan, proches de l’ASRII.
Plus grave, ces derniers actes surviennent dans un contexte de
crise politique sans précédent. Le gouvernement du premier
ministre, Nouri Al Maliki, prend l’eau de toutes parts. Après
le départ, en avril, des cinq ministres chiites proches de
l’imam radical Moktada Sadr, la démission, fin juillet, de dix
généraux irakiens dont le chef d’état-major, Babaker Zabari,
il vient d’enregistrer coup sur coup, en l’espace d’une
semaine, le retrait des six ministres de la principale formation
sunnite, le Front de la concorde, et le boycott décidé par la
Liste irakienne unifiée (laïque) d’Iyad Alaoui, dans laquelle
figurait un ministre communiste, Raid Fahmi.
Au total, ce sont 17 ministres, sur les 40 que compte son
gouvernement, qui se sont retirés. Le Front de la concorde et la
Liste irakienne unifiée lui reprochent notamment d’avoir échoué
dans son entreprise de réconciliation nationale sur au moins deux
dossiers : la réforme de la loi de « débaassification »
devant faciliter l’intégration politique des anciens cadres du
parti de Saddam Hussein, et le fait que la loi sur le partage des
revenus pétroliers entre les régions sunnite, kurde et chiite
n’ait pas encore été présentée pour adoption devant le
Parlement irakien.
Une réunion d’urgence repoussée
De fait, il ne gouverne que grâce à l’appui de ce qui reste
de l’Alliance irakienne unifiée (chiite), à savoir son propre
parti, Al-Daâwa, et l’Assemblée suprême pour la révolution
islamique en Irak (ASRII), de Badr Al Hakim, et des partis kurdes.
Celui qui avait bénéficié de la confiance de Washington
lorsqu’il a été désigné premier ministre, le 20 mai 2006, ne
dispose plus des moyens de sa politique si tant est qu’il en
avait une. Qui plus est, la réunion d’urgence des principaux
dirigeants politiques du pays, qu’il a convoquée pour mardi et
qui était destinée à sauver ce qui peut l’être et permettre
à son gouvernement de sortir de l’impasse, a été repoussée
à la semaine prochaine.
Préoccupé par la tournure des événements, craignant que sa
politique de rapprochement avec les notables de la communauté
sunnite ne vire à l’échec, Washington s’apprête, dit-on, à
lâcher Nouri Al Maliki. « L’engagement de l’Amérique
n’est pas illimité. (…) Si le gouvernement (de Nouri Al
Maliki) ne respecte pas ses promesses, il perdra le soutien du
peuple américain », a averti le président Bush. Est-ce à
dire que la Maison-Blanche lui a déjà trouvé un remplaçant ?
© Journal l'Humanité
Publié le 17 août 2007 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
|