On aurait pu attendre des leaders des colons,
y compris de rabbins importants, une condamnation plus véhémente
de leurs voisins juifs qui incarnent l’occupation dans ce
qu’elle a de plus dégoûtant. Mais ce sont les autorités
occupantes qui, à la fois sur le plan officiel et sur le plan
moral, ont la responsabilité de veiller au bien-être de la
population palestinienne. Toutes les attaques [de colons contre
des Palestiniens lors de cueillettes d’olives, ndt] ont eu lieu
dans les zones B et C, que les accords d’Oslo ont placées sous
la seule responsabilité d’Israël en matière de sécurité. Le
président Mahmoud Abbas a eu parfaitement raison de dire
qu’Israël n’a pas rempli son devoir en ne protégeant pas les
agriculteurs palestiniens des colons.
Les forces israéliennes de sécurité
connaissent l’identité des chefs émeutiers et savent où les
heurts se déroulent : au sud des collines de Hebron, à Tel
Rumeida et dans le centre de la Cisjordanie du Nord. Le moment
de la cueillette n’est pas non plus exactement un secret
militaire. Et pourtant, cette année aussi (comme tous les ans),
de petits groupes arrivent à se rendre dans les oliveraies où
ils cognent, volent, puis s’en retournent chez eux sains et
saufs. Nul besoin de chercher à deviner comment les mêmes forces
de sécurité auraient traité des Palestiniens ou des militants
pour la paix qui auraient osé lever la main contre un colon ;
allez voir du côté des manifestations contre le Mur à Bil’in ou
à Na’alin.
Ehoud Barak, le ministre
responsable de l’armée, souveraine dans les territoires occupés,
a dit lundi lors d’une interview où il condamnait le harcèlement
des cueilleurs d’olives par les colons, que l’armée faisait un
"suprême effort" pour faire en sorte que les cueillettes aient
lieu. Mais le ministre s’est en même temps abrité derrière des
prétextes douteux : "Il y a des
centaines de sites, il n’est pas possible d’être partout à la
fois." Il serait intéressant de
connaître la réaction de Barak s’il s’était agi de Palestiniens
qui discutent d’éventuelles attaques contre des colons ou des
soldats.
Dans la même interview, Barak disait que les
dirigeants palestiniens étaient incapables de prendre les
décisions nécessaires pour parvenir à un accord de paix
définitif. Au lieu de s’en prendre à la capacité de décision des
Palestiniens, Barak aurait mieux fait d’en profiter pour devenir
le premier vice-premier ministre à prendre la décision de faire
respecter l’Etat de droit dans ce qui relève de sa compétence et
de se donner les moyens de le faire. De leur côté, la police
israélienne et le Shin Bet ne doivent plus, eux non plus,
tolérer les agissements honteux des colons qui attaquent les
cueilleurs d’olives palestiniens.