Opinion
Manaf Tlass,
nouvelle coqueluche du microcosme
germanopratin
Gilles Munier
Gilles
Munier
Lundi 30 juillet
2012
Manaf Tlass, 48
ans, est donc le général choisi par
Laurent Fabius –
et les Occidentaux - pour éteindre
le
«
volcan » syrien et marginaliser -
autant que faire se peut - les
Frères Musulmans et les
organisations salafistes à la pointe du
combat anti-Assad. Son père, le maréchal
Mustapha Tlass, briscard de 80 ans,
avait préparé le terrain avec
l’administration Sarkozy, en venant à
Paris en mars dernier sous prétexte de
soins médicaux
(1).
Le nouveau ministre
des Affaires étrangères français a ainsi
pu annoncer, le 6 juillet, en pleine
conférence des
«
Amis de la Syrie », que le poulain
du Quai d’Orsay était en route pour
Paris. On dit qu’il a été exfiltré par
la DGSE vers le Liban, puis qu’il est
passé par la Turquie pour brouiller les
pistes.
Bachar al-Assad,
« prêt à partir,
mais d’une façon civilisée »
?
Le 24 juillet,
avant d’appeler les Syriens à
«
s’unir », et à
«
construire une nouvelle Syrie » qui
ne serait pas
«
bâtie sur la vengeance » (3), Manaf
Tlass s’est entretenu à Riyad avec le
prince Bandar, fraîchement nommé à la
tête des services de renseignements
saoudiens
(4). L’administration américaine
voudrait en effet que les Saoudiens
usent de leur influence sur les
Frères Musulmans et l’ALS
(Armée de Libération Syrienne) pour
qu’ils laissent le général jouer un rôle
central dans le processus de transition
en Syrie. Les Russes auraient donné leur
accord de principe à l’opération, mais
en posant des conditions. Alexandre
Orlov, leur ambassadeur en France, a
déclaré sur
RFI, le 20 juillet, que le président
Bachar al-Assad est d’accord pour
«
partir, mais d'une façon civilisée »
(5). Puis, après le démenti de
Damas, il s’est rétracté. On l’avait mal
compris. Il voulait dire qu’Assad était
«
peut-être à l'intérieur de lui-même …
prêt à partir » (6), mais que c’est
au peuple syrien de décider de son sort,
sans ingérence étrangère…
Evidemment, les
opposants les plus résolus ne veulent
pas entendre parler de cette manip. Abou
Rami, porte-parole de
Conseil de la révolution, à Homs,
l’a dit clairement :
«
Nous ne pouvons pas accepter que des
gens qui ont fait défection au dernier
moment viennent prendre la tête de la
révolution, qui nous a déjà coûté des
milliers de martyrs. Nous ne voulons pas
non plus qu’il soit l’un de nos leaders
pendant la phase de transition, ni qu’il
occupe un poste à haute responsabilité
dans la Syrie de demain » (7).
Les parents des victimes de Hama ne
réclament pas la vengeance, mais la
justice
Manaf Tlass a beau
dire qu’il est
«
un des fils de l'armée arabe syrienne
qui a rejeté les méthodes criminelles et
corrompues de ce régime (...) et qui ne
peut accepter ses crimes contre le pays
» (8), personne ne le prend vraiment
au sérieux, car il fait l’impasse sur le
rôle qu’a joué son père, ancien ministre
de la Défense de Hafez al-Assad, dans le
massacre de Hama en 1982.
En mars dernier,
Abdelhnasser al-Hanidi, président de l’Association
syrienne pour la liberté a porté
plainte contre Mustapha Tlass l’accusant
d’être
«
co-responsable de plusieurs crimes de
guerre ». L’ONG posséderait
«
une liste de 300 personnes (personnes
torturées, familles de disparus,
familles de victimes du massacre de
Hama) », dont une quinzaine de
franco-syriens, prêts à témoigner,
ce qui a permis d’ouvrir une enquête
(9). Mais, pour l’instant, le
maréchal qui jouit de relations en haut
lieu n’est pas inquiet : il se repose
dans sa luxueuse villa de
Saint-Paul-de-Vence. Jusqu’ici, sa fille
Nahed, 52 ans, veuve du richissime
marchand d’armes Akram Ojjeh, est
toujours parvenue, grâce à ses relations
dans le Tout-Paris médiatique, certains
milieux diplomatiques et germanopratins
(10), à détourner l’attention des
accusations portées contre lui. Cela ne
durera pas.
En Syrie, on ne
pourra parler de réconciliation, que
lorsque les responsables du massacre de
Hama, de celui des prisonniers
politiques de la prison de Palmyre, et
des élèves officiers alaouites de
l’Ecole d’artillerie d’Alep, seront mis
en examen et jugés. Ce n’est pas la
«
vengeance » que réclament les
parents et les enfants des victimes des
«
méthodes criminelles » du régime,
comme dit maintenant Manaf Tlass, mais
la justice. Pour l’instant.
(1)
Manaf Tlass est général de brigade et,
depuis 2000, membre du Comité central du
parti Baas. Il a commandé la brigade
105, unité d’élite de la Garde
républicaine, chargée de défendre Damas.
(2)
Mustapha Tlass est arrivé en France avec
son autre fils, Firas, homme d’affaire
qui s’est enrichi comme intermédiaire
obligé de l’armée syrienne pour ce qui
concerne ses besoins alimentaires,
uniformes, informatiques.
(3)
Syrie: l'appel à l'unité du général
Tlass
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/07/25/97001-20120725FILWWW00209-syrie-l-appel-a-l-unite-du-general-tlass.php
(4)
Key Role Floated
for Syrian Defector, par Jay Salomon et
Sam Dagher
(The Wall Street
Journal – 26/7/12)
(4)Alexandre
Orlov a déclaré sur RFI, le 20 juillet
que le président Bachar al-Assad
acceptait
« de partir mais
d'une façon civilisée ».
Après un démenti de Damas, il s’est
rétracté, disant qu’on l’avait mal
compris. En fait, il pensait que si le
président syrien le principe d’une
transition, cela voulait dire qu’il
était
« peut-être à
l'intérieur de lui-même … prêt à partir
», mais
qu’en définitive c’était au peuple
syrien de décider de son sort, sans
ingérence étrangère.
(5)Syrie
: l’ambassadeur russe à Paris affirme
qu’Assad
« accepte de
partir »,
mais de façon civilisée
(Le Point –
20/7/12)
http://www.lepoint.fr/monde/syrie-l-ambassadeur-russe-a-paris-affirme-qu-assad-accepte-de-partir-mais-d-une-facon-civilisee-20-07-2012-1487494_24.php
(6)L'ambassadeur
russe à Paris évoque un départ d'Assad,
puis revient sur ses propos
http://www.romandie.com/news/n/_L_ambassadeur_russe_a_Paris_evoque_un_
depart_d_Assad_puis_revient_sur_ses_propos66200720121400.asp
(7)
Nos Observateurs syriens : "Le général
Tlass ne peut pas diriger l’opposition,
il a du sang sur les mains"
http://observers.france24.com/fr/content/20120711-nos-observateurs-syriens-defection-general-tlass-opposition-syrie-insurges-rebellion-transition-assad
(8)
Syrie: l'appel à l'unité du général
Tlass
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/07/25/97001-20120725FILWWW00209-syrie-l-appel-a-l-unite-du-general-tlass.php
(9)
Paris: plainte contre un ex-ministre
syrien.
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/03/18/97001-20120318FILWWW00075-paris-plainte-contre-un-ex-ministre-syrien.php
(10)
Les germanopratins sont les habitants du
quartier de Saint-Germain-des-Prés à
Paris. L’expression a été inventée par
l’écrivain Boris Vian dans les années
50, époque où Jean-Paul Sartre et Simone
de Beauvoir officiaient aux
Deux Magots
et au
Café de Flore.
Aujourd’hui, la
« source
d’imitation »
des intellectuels locaux branchés est le
pseudo philosophe Bernard-Henry Lévy.
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 30 juillet 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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