Opinion
Scandale NSA : l'Israéli
Connection
Gilles Munier
Gilles
Munier
Mercredi 2 octobre 2013
Le rôle d’Israël dans l’interception et
le traitement des conversations
téléphoniques et des courriels par la
NSA a été passé sous silence jusqu’à ce
qu’Edward Snowden révèle le pot aux
roses.
Pourquoi le taire ?
Narus et
Verint, sociétés israélienne
spécialisées dans la
« surveillance de masse », sont à
l’origine du programme PRISM. Elles font
partie des
start up créées, après leur
démobilisation, par les
« cyber-guerriers » de l’ISNU
(Israeli Sigint National Unit), une
agence de renseignement militaire
israélienne plus connue sous le nom
d’Unité combattante 8200
(shmone
matayim), et qui servent à
l’occasion de sociétés-écrans. L’une
d’entre-elles –
Payoneer – a, par exemple, délivré
les cartes de crédits aux agents du
Kidon –
le service action du Mossad - qui
ont assassiné, le 19 janvier 2010, à
Dubaï, le Palestinien Mahmoud al-Mabhouh,
un des fondateurs des
Brigades Azzedine al-Qassam.
Les Israéliens se
servent
Narus dont le patron, Ori Cohen, ne
cachait pas - dans une interview au
magazine
Fortune en 2001 - ses accointances
avec les services secrets israéliens,
interceptait les conversations et les
courriels en toute simplicité.
Encouragée par l’administration Bush,
AT&T -
principale compagnie de téléphonie
étatsunienne - avait mis à
disposition de la NSA, à San Francisco,
le fameux bureau secret 612A. Cette
intrusion illégale, dénoncée en 2003 aux
médias par un de ses cadres, n’en a pas
moins été renouvelée ses représentations
dans les grandes villes étasuniennes.
Verizon, le n°2 de la téléphonie,
était traité par
Verint, dont le quotidien israélien
Haaretz a signalé les liens avec le
Mossad. Appartenant à
Comverse Network Systems, elle a
changé de direction en catastrophe en
2006 quand Jacob
« Kobi » Alexander, fondateur du
groupe, s’est réfugié en Namibie
–
pays qui n’a pas de traité d’extradition
avec les Etats-Unis – pour échapper
à la justice américaine qui l’accuse de
fraudes multiples.
A noter qu’en
septembre 2002,
Comverse NS avait attiré l’attention
du FBI, car il possédait la société
israélienne de messagerie électronique
Odigo, dont deux employés à Herzliya
(banlieue de Tel-Aviv), avaient reçu
un courriel les prévenant qu’une attaque
terroriste allait bientôt se produire,
deux heures avant les attentats contre
le
World Trade Center. En 2011,
« Kobi » Alexander, toujours en
Namibie, a proposé au SEC
–
« Securities and Exchange Commission »,
organismefédéral de réglementation et de
contrôle des marchés financiers - de
verser 46 millions de dollars pour
effacer une partie des charges pesant
contre lui…
Les métadonnées
stockées dans PRISM sont à la
disposition du GCHQ
(Government
Communications Headquarters),
service britannique d’espionnage
électronique. Jusqu’aux dernières
révélations d’Edward Snowden, ancien
consultant à la NSA
(cf. l’encadré), on se disait que
les Israéliens se servaient, autorisés
ou non, dans les banques de données. Pas
besoin, cette fois, de portes dérobées
(backdoors)
introduites dans des logiciels, sauf
pour prévenir la rétention
d’informations ou le cas, improbable,
d’un président étasunien décidant de
mettre un terme à la coopération
USA/Israël en matière de renseignement.
Ajoutons que l’implication du Mossad
dans le programme américain de
surveillance de masse et dans son
utilisation, est bien plus importante
qu’on ne le dit, car c’est
Amdocs, leader mondial israélien des
logiciels de facturation
automatique, qui gère celle d’AT&T
et de
Verizon …
Au-delà d’Orwell
Le journaliste
James Bamford, ancien analyste de Marine
américaine, auteur de nombreux livres et
articles documentés aux meilleures
sources sur la NSA, affirme que «le
software pour l'analyse sophistiquée et
le siphonage des données que la NSA a
développé … a été transmis
secrètement à Israël par un employé
d'échelon moyen apparemment avec des
liens étroits à ce pays ». On en
déduit qu’Israël a très certainement un
programme d’écoute équivalent à PRISM et
que l’Unité 8200 espionne les
communications, non seulement dans les
pays arabes, mais également en Europe et
en Afrique. Les personnes impliquées
dans les opérations lui posant le plus
de de problèmes, comme
Boycott, Désinvestissement, Sanctions
(BDS), sont particulièrement visées.
Et ce n’est pas tout : qui sait que,
depuis peu, un virus nomméFlame
– sans doute conçu en Israël, selon la
presse informatique - peut
« sucer » les carnets d’adresses des
téléphones portables et enregistrer les
conversations des personnes à
proximité ?
Les scandales du
Watergate aux Etats-Unis et des
micros du
Canard enchaîné en France étaient de
la
« petite bière » à côté de celui
révélé par Edward Snowden. Pour Jameel
Jaffer, directeur-adjoint de l'ONG
American Civil Liberties Union, le
programme PRISM
« va au-delà d’Orwell »… et,
dirons-nous, en pire : en Israël, la
société NICE affirme pouvoir analyser
les conversations de 1,5 milliard
d’individus, et des chercheurs annoncent
pour bientôt des microsystèmes
permettant d’intercepter des
conversations verbales à très longue
distance…
L’Unité israélienne 8200 : un Etat dans
la NSA
Le
« lanceur d’alerte » Edward Snowden
a remis à
The Guardian un document classifié
prouvant à ceux qui en doutaient encore,
que la NSA transmet des interceptions de
communications
« brutes » à l’Unité israélienne
8200 –
qui les siphonnaient en douce, de toute
façon ! – violant ainsi non
seulement la vie privée de millions de
gens dans le monde, mais également les
lois protégeant celle des citoyens
américains ou des étrangers vivant aux
Etats-Unis. L’accord (Memorandum of
understanding) entre les deux
services de renseignement daterait de
mars 2009*.
Selon nous, tout
porte à croire que les courriels
adressés par le général David Petraeus à
Paula Broadwell, sa maitresse, sont
parvenus par ce canal au Mossad qui les
a fait fuiter dans les médias,
provoquant un scandale l’obligeant à
démissionner de la direction de la CIA.
L’ADL
-
Anti Diffamation Ligue, lobby
pro-israélien connu pour son hyper
agressivité – voulait sa tête depuis
qu’il avait déclaré au Sénat que le
favoritisme affiché par les Etats-Unis à
l’égard d’Israël renforçait
l’anti-américanisme dans le monde et
Al-Qaïda au Proche-Orient.
Sur un autre
document secret en possession de
The Guardian, et datant de 2008,
l’Unité 8200 est classée par la NSA
comme le 3ème service de
renseignements le plus agressif aux
Etats-Unis. Un fonctionnaire de l’agence
y reconnait que les Israéliens sont d’ « extraordinaires
partenaires » dans le domaine du
renseignement électronique
(sigint),
mais que les informations leur parvenant
dépassent ce que les Américains
souhaitent qu’ils aient. La Fisc
(Foreign Intelligence Surveillance
Court), tribunal secret créé en 1978
par le Comité présidé par le sénateur
Franck Church pour surveiller les
activités des services de renseignement,
n’y peut rien : les liens tissés par la
NSA avec Israël sont si étroits qu’il
semble impossible de les défaire… si
tant est que l’administration américaine
le veuille.
*L’accord NSA -
Unité 8200 :
http://www.theguardian.com/world/interactive/2013/sep/11/nsa-israel-intelligence-memorandum-understanding-document
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 2 octobre 2013 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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