Les
actualités du droit
La France apporte
son soutien à
la jeune et sympathique démocratie
saoudienne
Gilles Devers
Vendredi 30 août 2013
Au Proche-Orient, les « puissances »
occidentales sont dans le bousin,
agitées par un automatisme pavlovien dès
qu’on prononce le mot « Israël » mais
bien incapables de comprendre les
peuples, et donc de définir une
stratégie. C’est niveau zéro, qu’il
s’agisse des négociations
Israël/Palestine, avec des échanges de
terres comme si la Palestine était une
copropriété, ou de la frénésie juvénile
dans l’affaire syrienne…
Alors, comme personne n’est là pour
faire le ménage, il faut que quelqu’un
se dévoue, et c’est la sympathique
Arabie Saoudite. Une invention
stratégique de la Grande Bretagne
pendant première guerre mondiale, avec
le pétrole (25% des réserves mondiales),
une compréhension arabe du sionisme, une
terre d’accueil pour les bases
militaires occidentales, l’islamisme
financé pour foutre le feu dans tous les
pays arabes : vraiment, ces gens-là sont
trop bien, et tant pis s’ils foutent
aussi le feu dans nos banlieues avec des saladistes divers et variés. Personne ne
peut être parfait.
Si les Saoudiens s’agitent, c’est en
réalité que les menaces se précisent
pour ces rois qui n'ont d'autres racines
que les puits de pétrole
En interne, trois oppositions ont pris
pied : les Frères Musulmans, influents
et contestataires du leadership
wahhabite sur la population sunnite ;
une minorité chiite, dans l'Est du pays
qui est la terre du pétrole ; des
« libéraux », économiquement influents,
formés et vivants dans les pays
occidentaux, et qui sont consternés par
les pratiques moyen-âgeuses des
dirigeants.
Mais les craintes viennent surtout de
l’extérieur, et la famille royale tremble
devant l’institutionnalisation
d’un axe Iran-Irak-Syrie-Hezbollah, avec
un Iran nucléaire qui les ramènerait tôt
ou tard au statut de royauté du sable.
Une victoire de la Syrie serait terrible
pour l'Arabie Saoudite.
La population du Bahreïn a tenté de
faire valoir ses revendications, mais
les Saoudiens ont tout fait pour écraser
ces aspirations démocratiques : la caste
dirigeante est sunnite pro-saoudienne,
mais la majorité de la population est
chiite, et toute avancée démocratique
est dès lors hors sujet.
Dans ce contexte hostile,
avec des « puissances » occidentales
pusillanimes et une Syrie qui tient bon,
le roi Abdallah a joué son va-tout en
nommant son neveu le prince Bandar Ben
Sultan, avec carte blanche : celui qui a
longtemps été ambassadeur aux Etats-Unis
(Amérique du Nord) reçoit la
double caskette de chef du renseignement
et de la sécurité nationale. C’est lui
qui a géré si diplomatiquement la
question de la brave famille saoudienne,
les Ben Laden.
Le Wall Street Journalde
ce 25 août le qualifie de « vétéran de
l'intrigue diplomatique à Washington et
au Moyen-Orient ».
L’ami Ben Sultan s’est mis au travail.
En Syrie, les Saoudiens ont dégagé
l’incertain Qatar, en imposant Ahmed Jarba à la tête du Conseil National
Syrien (CNS). Les Wahhabites zigouillant
les Frères musulmans,… quelle victoire !
Ben Sultan a reconnu qu’il recrutait
tant qu’il pouvait des jeunes pour
combattre en Syrie : mais c’est lent
(300 recrues formées chaque mois), et il
faudrait que le Roi de Jordanie laisse
passer les armes… Mais le Roi sait les
risques qu’il prendrait…
L’Arabie Saoudite a ensuite été le
premier soutien de Sissi-le-putchiste,
et avec raison : si les pays arabes
deviennent démocratiques, où va-t’on ?
Alors, entretenons l’idée que ces
peuples, qui ont façonné notre
Antiquité, sont des semi-sauvages, et ne
comprenant que le fouet : 12 milliards
de dollars pour Sissi-le-mendiant.
Ben Sultan cherche à s’approcher de
Moscou pour convaincre qu’il tiendrait
les combattants tchétchènes, le temps des JO de Sotchi,
et que lorsqu’il sera maître de Damas,
il aidera la Russie contre son
concurrent gazier, le Qatar.
Ce Ben Sultan est prêt à tout, ce alors
que déjà, l’Arabie saoudite a fait tant
de dégâts, dopant les plus extrémistes
des islamistes avec ses dollars et ses
arriérations. Désormais, elle veut
clairement cartonner tous ceux qui
s’opposent à elle
pour se préserver un avenir.
C’est dans ce contexte
qu’on apprend une belle réussite
française : une commande
d’équipement d'un milliard d'euros avec
l'Arabie Saoudite, pour moderniser
quatre frégates et deux
pétroliers-ravitailleurs, outre les
à-côtés. Hollande est invité en Arabie
Saoudite durant l’automne.
Tout devrait conduire à calmer la
famille Saoud, qui n’hésitera pas à
embraser tout le Moyen-Orient pour
sauver sa richesse. La France choisit de
l’armer.
C'est juste une affaire de jours, mais
Hollande va sûrement nous expliquer
« avec la fermeté qui convient » sa
géniale politique.
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