Actualités du droit
Attaque contre la
flottille: un crime de guerre
Gilles Devers
Mardi 1er juin 2010
L’attaque de la flottille par les militaires israéliens
constitue un crime de guerre qui engage la responsabilité pénale
de ses auteurs, et qui doit être jugée.
La population de Gaza, victime de crime contre l’humanité
Une violation jamais connue de la IV° Convention de Genève.
L’attitude de l’Etat d’Israël vis-à-vis du territoire
palestinien de Gaza s’analyse dans la durée comme une violation,
à un niveau jamais atteint, du droit international. En droit
international humanitaire, l’occupation est acceptée comme un
état temporaire, le temps nécessaire à la recherche de la paix.
Mais, rien en droit ne peut justifier une occupation de plus 43
ans, sauf la volonté de laminer l’adversaire. C’est que fait
Israël, devenu un lieu de culture de l’apartheid. Et alors qu’au
titre de la IV° Convention de Genève, la puissance occupante
doit la protection à la population, Israël a imposé aux
Palestiniens, fait unique dans l’histoire, un blocus économique,
qui constitue une punition collective. Enfin, Israël a conduit
l’opération militaire
Plomb Durci en décembre 2008 - janvier 2009 sur cette
population qui n’avait la possibilité ni de se protéger, ni de
fuir, et le blocus a été maintenu empêchant l’organisation des
secours. Début 2010, l’OMS a démontré que la réponse à des
besoins primaires de santé est devenue impossible.
Territoires occupés ? Non, processus de colonisation.
Aussi, il ne suffit pas de parler de territoires occupés.
L’occupation est devenue une politique de colonisation, à savoir
l’annexion de territoires et de richesses par la force,
accompagnée de punitions collectives, ce qui constituent des
crimes contre l’humanité au sens de la IV° Convention de Genève
et du Statut de la Cour Pénale Internationale. L’opération
militaire sanglante conduite le 31 mai s’inscrit dans ce
contexte.
Une question de principe, et pas de disproportion
Déjà, les explications des braves fusent de tous cotés :
l’attaque a été disproportionnée ! Il en ont trop fait ! Il nous
faut une enquête ! Non, avant d’ouvrir l’enquête, il faut dire
l’évidence : c’est un crime de guerre car l’attaque a eu lieu
dans les eaux internationales, et la flottille n’est pas partie
au conflit armé. L’enquête est nécessaire, mais pour les
circonstances aggravantes de violence. Soutenir que l’enquête
est nécessaire pour savoir s’il y a un crime de guerre est une
injure faite aux victimes.
Cela résulte de trois constats juridiques.
Application de la IV° Convention de Genève.
Les faits sont intervenus dans le cadre d’un conflit
international au sens du droit international humanitaire, Israël
justifiant son action par rapport à la question palestinienne.
De ce fait, le cadre de toute analyse est bien défini. Il est
établi par la Cour Internationale de Justice, le Conseil de
Sécurité et toutes les instances internationales que l’Etat
d’Israël a la qualité de puissance occupante et doit respecter
les obligations de la IVème Convention de Genève,
qu’il a ratifiée.
La flottille n’est pas partie au conflit.
Le conflit armé oppose Israël et la Palestine, et les bateaux de
la flottille ne sont pas parties au conflit. Ils s’inscrivaient
dans une démarche pacifiste et humanitaire visant à apporter des
secours à une population victime d’un crime contre l’humanité.
Vis-à-vis des combattants, se pose la question de la
proportionnalité, mais pas vis-à-vis des tiers. C’est une
question de principe.
Israël n’a aucune autorité dans les eaux internationales.
L’agression est intervenue dans les eaux internationales. La
Convention sur le droit de la mer de Montego Bay (1982) n’a pas
été ratifiée par Israël, mais les dispositions garantissant en
haute mer la liberté de circulation et l’interdiction pour tout
Etat d’y exercer des actes militaires ont incontestablement
valeur coutumières, et sont donc opposables à Israël.
Article 87. – La haute mer est ouverte à tous les Etats […] Elle
comporte : a) la liberté de navigation.
Article 88. – La haute mer est affectée à des fins pacifiques.
Article 89. – Aucun Etat ne peut légitimement prétendre
soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa
souveraineté.
La violence est une circonstance aggravante, mais la violation
du droit est établie du seul fait de l’intervention.
Ces violations graves du droit international se sont
accompagnées d’actes sanglants et sauvages, et d’inadmissibles
mesures de privation de liberté. L’Etat d’Israël n’a aucun droit
sur les occupants de ces bateaux attaqués en haute mer.
C’est donc une affaire de principe : parler d’enquête pour
savoir s’il y a crime, c’est déjà commencer à relativiser. C’est
dire que sous certaines conditions une intervention en haute mer
par une puissance occupante contre un convoi humanitaire
apportant des secours à la population occupée, qui se trouve
soumise à un blocus économique, est une chose qui peut se
discuter. Non, il n’y a pas de discussion sur le crime. Les
seules discussions portent sur les circonstances aggravantes et
toute la lumière doit être faite par une enquête pénale.
Mettre fin à l’impunité
Une nouvelle fois, la démonstration est faite que l’impunité
encourage la commission de nouveaux crimes, avec toujours plus
de désinvolture. La réponse passe par des actes politiques,
souhaitons qu’ils viennent, mais il est indispensable que de
telles violations du droit soient portées devant les
juridictions.
La justice israélienne n’a aucune crédibilité car elle refuse
l’application du droit international et conteste la notion même
de territoires occupés. Israël a ratifié le pacte de 1966 sur
les droits civils et politiques, mais refuse de l’appliquer dans
les territoires occupés et la justice israélienne se dit
incompétente pour contrôler les actes de l’armée aux motifs des
contraintes de sécurité. Pour donner aux pays occidentaux de
motifs faciles de dire qu’Israël est une démocratie, on a
inventé une justice d’apparence, mais qui ne vaut rien dès
lorsqu’elle ne reconnait pas l’autorité de la Cour
Internationale de Justice.
Il est hors de question de se satisfaire de processus d’enquête
incertains qui visent en réalité à éviter le principe de la
condamnation. Il y a de quoi être navré quand
Catherine Ashton, au nom de l’Union
européenne, demande une commission d’enquête confiée à
Israël. La
tolérance à de tels faits rend possible toutes les agressions
contre les Palestiniens, et cette affaire qui bafoue l’idée
d’humanité doit être jugée par une juridiction ayant la
possibilité effective de prononcer des condamnations. En 2010,
on sait ce qu’est une juridiction. Nous n’avons pas à inventer
le droit, mais à l’appliquer.
Selon la jurisprudence internationale, un acte relève de la
qualification de crime de guerre, à partir du moment où il prend
place dans un conflit armé, ce qui est le cas selon l’analyse de
la CIJ, même s’il a été conduit dans un bref délai, dès lors
qu’il a été d’une très forte intensité, ce qui est le cas aussi.
Les procédures pénales peuvent être engagées dans les pays dont
sont originaires les victimes. Mais l’ampleur du crime, et la
diversité de nationalité des victimes, peuvent conduire à
préférer un procès devant une juridiction internationale.
La compétence de la Cour Pénale Internationale, suite à la
déclaration de compétence faite par l’Autorité Nationale
Palestinienne le 21 janvier 2009, ressort des critères généraux
d’analyse, liés au principe de l’accès au juge pour les
violations graves du droit, sauf à admettre le déni de droit.
Mais elle se trouve ici doublée d’une compétence liée à
l’immatriculation des bateaux. Sous réserve d’autres
vérifications, il est établi que l’agression a concerné des
bateaux immatriculés en Grèce, donc assimilable au territoire
grec par application de l’article 12-2 a du traité de la CPI,
qui a été ratifié par la Grèce.
La déclaration de compétence du 21 janvier 2009 n’est pas
limitée à Plomb Durci.
Elle est générale, et doivent être adressés à la Cour tous les
éléments relatifs aux crimes commis par Israël : la
colonisation, les prisonniers et maintenant, l’attaque du 31 mai
2010. La politique d’Israël est un crime, et ce crime doit être
jugé.
Maintenant, il en est assez d’invoquer la justice, en souhaitant
surtout que le pire ne se renouvelle pas. On voit le résultat.
Nous le devons aux victimes : la justice doit punir le crime.
Le dossier la «Flottille de la Liberté»
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