Mardi 19 janvier 2010
http://www.gilad.co.uk/writings/netanyahu-hegel-and-the-jewish-spirit-by-gilad-atzmon.html
« L’esprit n’intervient pas par hasard dans le jeu externe des
probabilités d’occurrence ; au contraire, c’est lui qui
détermine l’histoire de manière absolue et c’est lui qui demeure
immobile face aux occurrences du hasard, qu’il domine et
exploite à ses propres fins »
[Georg Wilhelm Friedrich Hegel, 1770-1831].
Le site israélien Ynet (du quotidien Yediot
Ahronot) a
cité la semaine passée le Premier ministre Netanyahu,
selon qui « la totalité d’Israël finira par être entourée d’une
muraille ».
Selon une autre information, il a déclaré :
« Il n’y aura pas d’autre solution que de fortifier Israël tous
azimuts ». Ce que Netanyahu entend par « muraille » et par
« tous azimuts » sera une question que nous laisserons ouverte,
pour l’instant. Toutefois, le Premier ministre Netanyahu a
réussi à mettre en lumière une interprétation hégélienne de la
notion d’« esprit juif » en tant qu’inclination permanente à la
ségrégation et à l’isolement. C’est cette tendance à se
maintenir à part qui détermine et informe le collectivisme juif.
Qu’il s’agisse des sionistes et de leurs murailles, des
orthodoxes et de leur univers cachère, ou même des juifs
antisionistes et de leur cellules militantes miniature
ségréguées, peu ou prou toutes les formes d’engagement politique
juif ne semblent exister qu’à une seule et même fin : mettre les
juifs à part de tout le monde.
« Pour Hegel », écrit
Francis Fukuyama,
« les contradictions qui président à l’histoire existent avant
tout dans le domaine de la conscience humaine, c’est-à-dire au
niveau des idées ». Il est raisonnable d’arguer du fait que,
d’un point de vue hégélien, tous les comportements humains et
toutes les historiographies humaines sont enracinés dans un état
de conscience préexistant. Pour des penseurs hégéliens, tel
Alexandre Kojève, la compréhension des processus sous-jacents de
l’histoire requiert celle du domaine de la conscience, puisque
c’est celle-ci qui va, en dernière analyse, recomposer le monde
matériel en une image au miroir de son propre esprit. En résumé,
c’est l’esprit qui recomposerait
in fine la réalité matérielle en une image au miroir de lui-même. En
conséquence de quoi, l’Etat juif pourrait être interprété comme
un reflet de l’esprit juif, étant donné que c’est l’esprit juif
qui informe la réalité de l’Etat juif.
Aux yeux d’Hegel, l’histoire a pris fin en
1806. Pour lui, l’humanité a touché à sa fin avec les
Révolutions française et américaine. La question de savoir si
Hegel avait raison ou si, au contraire, il s’était totalement
trompé dans la lecture qu’il faisait de l’histoire humaine et de
l’évolution de l’humanité fait l’objet d’un débat philosophique
non-clos. L’Etat juif, toutefois, peut être aisément interprété,
en termes hégéliens, comme « la fin de l’histoire juive ».
Le sionisme représentait un rêve. Il
s’était fixé un défi très ambitieux : il s’était juré de
transformer le juif en « un être humain civilisé et digne de ce
nom ». Il avait promis de faire des juifs des gens comme
n’importe qui d’autre.
Le sionisme, de fait, était un appel à
défier l’esprit juif qui avait existé jusqu’alors. Néanmoins, la
situation actuelle d’Israël prouve au-delà de tout doute que
l’esprit a vaincu la fantaisie sioniste proclamée. La volonté
d’« être fortifié tous azimuts » a prévalu. L’aspiration à être
« un peuple parmi les autres peuples » reste un sujet
d’investigation historique ; elle n’a aucun fondement, de
quelque nature que ce soit, sur le terrain. L’esprit a vaincu le
fantasme idéologique rationnalisé.
Aussi tragique cela soit-il, il serait
quasi impossible de réfléchir à l’histoire juive en faisant
abstraction d’Israël. En effet, il serait impossible (sans
Israël) de comprendre comment un peuple a bien pu s’y prendre
pour s’attirer autant de haine ? Israël est, à n’en pas douter,
une expérience sociale absolument unique dans toute l’histoire
juive. C’est dans l’Etat juif que le peuple du Livre a réussi à
se libérer d’absolument toutes les inhibitions. C’est dans
l’Etat juif, aussi, que des
lignes d’autobus « cachères »
prévoient des « places séparées, pour les hommes et pour les
femmes ».
C’est en Israël que les juifs habitent au maximum leur esprit.
C’est en Israël que des juifs vivent heureux sur un territoire
volé, tout en opprimant et en affamant la population autochtone
dudit territoire. Comme de juste, dans l’Etat juif, les
Israéliens sont tout à la célébration de leur « retour chez
eux » et ils le font, tous, à la fois derrière des murailles et
sur le dos des Palestiniens.
En termes hégéliens, Israël est un produit
de l’esprit juif. Pourtant, Israël N’EST PAS une représentation
du judaïsme, de même qu’Israël n’est pas un Etat halachique*. Ce
n’est pas l’Etat des juifs, étant donné que la majorité des
juifs préfèrent vivre au milieu des Goyim. Toutefois, Israël
s’auto-qualifie d’« Etat juif ». C’est l’endroit où des juifs
explorent en toute liberté la signification et la fierté d’être
juifs : partant, la réalité de l’Etat juif et son échec moral
catégorique nous amène à une confrontation critique hégélienne
avec les notions de conscience juive, d’idéologie juive
(judéité) et d’esprit juif.
L’échec du sionisme à créer un juif
civilisé et humaniste est patent. En lieu et place, le sionisme
a réussi à produire une version extrêmement brutale du sujet
tribal diasporique qu’il entendait amender. Inutile de dire que
les crimes de guerre israéliens ne sont pas des événements rares
et épisodiques : ils sont, de fait, institutionnels. Ils sont
perpétrés par une armée populaire [« Tsahal »] qui obéit aux
ordres que lui donne un gouvernement démocratiquement élu.
Par-dessus le marché, les crimes d’Israël sont approuvés par
l’immense majorité des Israéliens. Le fait qu’en pleine guerre
contre Gaza
94 % de la population juive d’Israël a soutenu le
crime génocidaire suffit plus qu’amplement à incriminer la
totalité de la société israélienne, en tant que collectif.
Mais cela va plus loin : les crimes
d’Israël sont soutenus institutionnellement par la juiverie
mondiale. L’on pourrait à bon droit arguer du fait que, d’un
point de vue hégélien, Israël représente la fin de l’histoire
juive, de la même manière que la Révolution française avait
représenté la fin hégélienne de l’histoire de l’humanité.
Israël est (donc bien) la matérialisation
de la conscience juive.
L’aveu fait par Netanyahu, aux dire duquel
Israël sera fortifié tous azimuts, transcende largement le pur
symbolisme : il montre le noyau dur qui est au cœur du désir
tribal juif collectif. Ainsi que le suggère Hegel, c’est
« l’esprit qui détermine l’histoire ». Ou, pour être précis et
concret, c’est l’esprit juif (comprendre : l’inclination au
quant-à-soi) qui détermine l’histoire juive et la réalité de la
barbarie israélienne.
A écouter Netanyahu et à contempler la
réalité d’Israël, il est évident que plutôt que les Goyim, c’est
en réalité l’esprit juif qui a imposé le ghetto aux juifs.
L’émancipation des juifs d’Europe a donné aux juifs une
opportunité d’abandonner le tribalisme. Inutile de préciser que
de nombreux juifs ont adhéré à cette idée d’émancipation et
qu’ils ont trouvé un moyen de se fondre dans la foule. Beaucoup
de juifs sont devenus des porte-parole des causes et des idées
humanistes. Toutefois, d’autres, nombreux eux aussi, ont décidé
de maintenir une césure spirituelle. A cette fin, ils ont
inventé un ethos culturel phantasmatique. Ils ont même pu, dans
certains cas, inventer leur « victimitude » et
l’ « antisémitisme » afin de justifier leur état d’aliénation
auto-imposée.
Il suffit d’observer Israël et toute autre
forme prise par la politique juive pour comprendre à quel point
et de quelle manière tout a foiré.
En l’état actuel des choses, il n’y a
aucune solution miracle, pour le juif laïc, car il n’y a nul
havre de paix, pour le collectivisme juif laïc et pour
l’identité juive séculière, qui fût compatible avec la notion
d’humanisme et/ou d’universalisme. Si les juifs insistent à être
séculiers et humanistes, ils devront nécessairement laisser
tomber leur préfixe en « J » et fonctionner à l’instar des gens
ordinaires.
C’est là la seule alternative au sionisme
et cela peut être aussi le début d’une magnifique amitié, tant
avec les autres peuples qu’avec la nature.
[* Le concept d’Etat halachique fait référence à un
Etat théocratique fondé sur la Loi juive]
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
Les
analyses de Gilad Atzmon