Mercredi 8 septembre 2010
http://www.gilad.co.uk/writings/gilad-atzmon-apropos-peace-talks.html
Ai-je besoin de préciser que je n’attends
strictement rien des « négociations de paix » actuelles. Comme
je l’ai déjà indiqué
à maintes reprises, les Israéliens ne sont absolument pas
intéressés par une quelconque paix, car ils ne savent pas ce que
c’est que la paix ; en effet, ils ne savent pas ce que ce mot
signifie. Le mot ‘signifiant paix’ en hébreu, shalom, est
compris par les Israéliens et par la plupart des juifs comme
signifiant « la sécurité pour les juifs ». Le ‘shalom’, par
conséquent, n’a rien à voir avec la réconciliation, ni avec le
fait de vivre au milieu d’autres que soi. Le ‘shalom’ est un
concept judéo-centrique qui véhicule une image d’espoir pour un
seul et unique peuple. Le conflit israélo-palestinien ne sera
jamais résolu par une quelconque « initiative de shalom’. Le ‘shalom’
a pour seule fin de diviser la terre et de séparer les peuples ;
il n’existe qu’afin de dénier aux Palestiniens leurs droits
élémentaires, comme par exemple leur Droit au Retour.
Mais imaginons une seconde que je me plante
totalement dans la lecture que je fais des Israéliens et de
leurs conceptions culturelles et politiques. A cette fin,
imaginons un scénario imaginaire, dans lequel un Premier
ministre israélien se réveille par un beau soleil, avec la
détermination totalement inusuelle de rechercher une vraie paix.
Comme ça, au réveil, une foi s’empare de lui (ou d’elle). Il (ou
elle) prend conscience du fait qu’Israël est, en fait, la
Palestine : en effet, Israël s’étend sur l’ensemble de la
Palestine historique, au détriment du peuple palestinien, de son
mode de vie et de son histoire. Il (ou elle) pige que les
Palestiniens sont le peuple autochtone du pays et que les
roquettes qu’ils balancent, de temps à autre, ne sont pas autre
chose que des lettres d’amour adressées à leurs villages, à
leurs vergers, à leurs
vignobles et à leurs champs, qu’on leur a volés.
Et… ne voilà-t-il pas que notre Premier
ministre israélien imaginaire prend conscience du fait que ce
que l’on a coutume d’appeler le conflit israélo-palestinien peut
être résolu en vingt-cinq minutes, pour peu que les deux peuples
aient décidé de vivre ensemble ? Dans la grande tradition de
l’unilatéralisme israélien, une conférence de presse télévisée
est immédiatement annoncée pour le jour même, à deux heures de
l’après-midi.
En proie à une authentique honnêteté, le
Premier ministre annonce au monde et à son peuple qu’« Israël a
conscience de sa situation unique et de sa responsabilité
cruciale pour la paix mondiale. Nous invitons le peuple
palestinien à revenir chez lui : l’Etat juif sera un pays pour
tous ses citoyens, un pays où tout le monde jouira de droits
égaux ».
Dans le monde entier, bien que stupéfaits
par ce revirement israélien inopiné, les analystes politiques
réalisent très vite que non seulement cette initiative de paix
toute simple résoudra le conflit au Moyen-Orient, mais
que, mieux encore, Israël étant le représentant de la juiverie
mondiale, elle mettra un terme à deux millénaires de suspicion
et de ressentiment mutuels entre les chrétiens et les juifs.
Certains universitaires, idéologue et politiciens juifs de
droite se joignent à cette initiative révolutionnaire et
déclarent qu’un tel acte héroïque unilatéral de la part d’Israël
est sans doute la seule manière de réaliser totalement le rêve
sioniste, car non seulement les juifs pourront retourner dans
leur foyer prétendument historique, mais de surcroît, ils ont
fini par réussir, enfin, à aimer leurs voisins et à être aimés
d’eux en retour.
Autant une idée telle celle-là semble
séduisante et exaltante, autant nous ne devons pas trop compter
dessus dans un avenir proche, car Israël, c’est l’Etat juif. Et
la judaïté, c’est une idéologie tribale marquée au coin de
l’exclusivisme, de l’exceptionnalisme, du suprématisme racial et
d’une profonde inclination atavique pour la ségrégation. Pour
qu’Israël et les Israéliens deviennent un pays et un peuple
comme les autres, il faut qu’il cesse, préalablement, d’être
l’Etat juif. De la même manière, pour qu’un Premier ministre
israélien imaginaire apporte la paix, il (ou elle) doit, au
préalable, être désionisé(e).
Les choses étant ce qu’elles sont, Israël,
avec l’idéologie qui est aujourd’hui sienne, est strictement
infoutu de conduire la région à la réconciliation. Il manque aux
Israéliens les ingrédients indispensables pour pouvoir penser en
termes d’harmonie et de concorde.
Les seuls qui soient à-même d’amener la
paix sont les Palestiniens, car la Palestine, envers et contre
tout et en dépit de sa souffrance infinie, de l’humiliation et
de l’oppression totale qu’elle subit, reste une société
œcuménique gouvernée par une éthique.