Corse
François Hollande
: Drôle de voyage...
François Alfonsi
François
Alfonsi
Vendredi 11 octobre 2013
Le premier déplacement en Corse du
nouveau Président de la République avait
pour thème officiel le 70ème
anniversaire de la libération de l'île.
Il s'est trouvé rattrapé par le contexte
politique de l'heure, municipales à
venir et délibérations de l'Assemblée de
Corse demandant la co-officialité de la
langue corse et l'inscription dans la
constitution d'un article 72-5 consacré
à la Corse.
En présidant les commémorations,
François Hollande a insisté sur
l'importance de la page d'Histoire
écrite par les combattants qui luttaient
contre le fascisme et le nazisme. Mais,
interrogé sur la page d'Histoire qui
s'écrit en Corse depuis 40 ans et les
événements d'Aleria, il est resté
beaucoup plus discret.
Sur quoi cette longue et ininterrompue
expression de la revendication corse
va-t-elle déboucher? Le retour en
arrière au droit commun est exclu par
tous, y compris par les plus farouches
opposants à une nouvelle évolution du
statut de la Corse, ceux-là même qui, en
leur temps, étaient déjà les opposants
au statut Defferre, puis au statut Joxe,
et encore au processus de Matignon de
Lionel Jospin. Ces avancées ont donc été
des évolutions irréversibles, preuve a
contrario de leur nécessité. Elles ont
amené l'installation de l'Assemblée de
Corse, dont la légitimité est désormais
incontournable. Et cette Assemblée l'a
exprimé elle-même, à une écrasante
majorité : le compte n'y est pas, la
crise corse continue, malgré les statuts
successifs qui se sont succédé. La Corse
doit encore évoluer, jusqu'à bénéficier
d'une véritable liberté de décision qui
lui permettra de maîtriser son destin.
Or, le mur constitutionnel français
obstrue manifestement toutes les voies
de dévolution pour la Corse. Il a fermé
celle sur la fiscalité, un soir
d'entre-deux fêtes de fin d'année, et
laissé le gouvernement face à
l'impossibilité de prendre en compte la
revendication unanime exprimée par le
peuple corse sur les arrêtés Miot. Le
même mur se dresse contre l'officialité
de la langue corse réclamée par
l'Assemblée de Corse, et il a même fermé
la voie à la ratification de la Charte
Européenne des Langues Régionales et
Minoritaires que le candidat François
Hollande s'était pourtant formellement
engagé à ratifier durant sa campagne en
en faisant la proposition n°56 de son
programme électoral.
Aussi, un espoir nouveau est surgi par
lors des débats de l'Assemblée de Corse,
qui ont proposé d'ouvrir dans ce mur une
fenêtre constitutionnelle par laquelle
la Corse pourrait affirmer sa propre
voie démocratique. En réalisant l'union
de 46 élus sur 51, cette proposition a
pris une force politique qui s'impose à
tous. Le Chef de l'Etat a été obligé de
la prendre en compte, et d'annoncer
qu'il ouvrirait la porte au dialogue par
un cycle de réunions qui auront lieu, du
moins dans un premier temps, à l'Elysée.
Quel dialogue les élus corses
pourront-ils avoir?
Lors de son voyage, François Hollande
n'a rien fermé, mais il s'est appliqué à
ne rien laisser espérer. Visiblement, le
calendrier de l'Assemblée de Corse a
contrarié ses plans de communication en
mettant les projecteurs sur toutes les
carences de son discours. Les
commémorations de Levie, de Teghime, de
la citadelle d'Aiacciu, étaient conçues
pour remettre de l'empathie entre l'Etat
et les Corses qui avaient été choqués de
l'attitude et des propos de Manuel
Valls. Les passages en mairie d'Aiacciu
et de Bastia avaient des relents
manifestement électoralistes à six mois
des municipales, promesses de campagne à
la clef.
Mais sur l'essentiel, François Hollande
a tenu un discours extrêmement creux. Il
s'est retranché derrière les blocages
politiques de l'opposition au Parlement
qui, pour l'instant, empêchent de lancer
une réforme constitutionnelle. Mais
cette argutie technique cache mal une
terrible carence politique. François
Hollande n'a en fait tenu aucun discours
sur la Corse, alors qu'il est Président
de la République et la clef de voûte de
toute évolution institutionnelle.
Certains peuvent s'en réjouir, en
pensant que, au vu des dix-huit mois
écoulés, il n'est pas plus mal de donner
un peu de temps à la réflexion avant de
prononcer des paroles définitives, comme
Jean Marc Ayrault l'avait fait il y a
peu. D'autres jugeront que le Chef de
l'Etat est bien peu conscient de
l'opportunité qui est donnée par le
consensus politique trouvé à l'Assemblée
de Corse. Quoi qu'il en soit, nous
sommes suspendus à la suite, au cap qui
sera donné lors des premières réunions
entre l'Etat et la délégation de
l'Assemblée de Corse.
En attendant, être venu en Corse pour ne
rien dire : quel drôle de voyage pour un
Président de la République !
François ALFONSI
Le
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